Le Passeur d étoiles
45 pages
Français

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Le Passeur d'étoiles , livre ebook

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Description

Le narrateur tente ici de reconstituer ce qui peut l’être en imaginant un personnage fictif, Simon, désigné à la troisième personne. Narrateur et personnage s’exprimeront d’une seule voix, dans les transformations de la fiction pour mieux dire ce qui échappe à l’un et à l’autre.
Ce personnage rencontre un adolescent, Adrien, fragile dans sa vie incertaine, soumis aux douleurs d’une maladie grave jusqu’à son point final. Ce jeune est imaginé aux côtés de sa mère bouleversée par la fragilité d’une vie si liée à la sienne.
Des paroles de réflexion y sont insérées, intimes en sourdine, ou violentes en révolte, pour marquer un parcours incertain, mais dense en vérité et si possible lisible.

Informations

Publié par
Date de parution 15 mars 2016
Nombre de lectures 4
EAN13 9782312052588
Langue Français

Extrait

Le Passeur d’étoiles
Didier Straitur
Le Passeur d’étoiles
Nouvelle unique
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2016
ISBN : 978-2-312-05258-8
[ Le passeur] a repris dans sa main la petite jambe, qui est immense déjà, et de son bras libre il nage dans cet espace sans fin de courants qui s’entrechoquent, d’abîmes qui s’entrouvrent, d’étoiles.
Yves Bonnefoy
Avant -propos
Comme l’air et l’eau, l’imaginaire se glisse entre les doigts de la réalité, et s’y mêle sans qu’on puisse les séparer. Le monde s’éparpille ainsi en tourbillons autour de soi, et ces pages tentent d’en saisir les traces, si possible, sous la forme d’une fiction, qui naît d’un vécu diffus et transformé, soutenu par les mots d’un poète, Yves Bonnefoy, dans son recueil Les Planches courbes .
Aucune raison n’est nécessaire pour justifier cette relation, seulement la profonde conviction que se croisent ici des lignes inconnues venues de loin : elles surpassent une étroite perception du temps pour créer un espace imaginaire plus large, plus sensible et plus virtuel à la fois, dans toutes ses dimensions…
Le narrateur tente ici de reconstituer ce qui peut l’être en imaginant un personnage fictif, Simon, désigné à la troisième personne. Narrateur et personnage s’exprimeront d’une seule voix, dans les transformations de la fiction pour mieux dire ce qui échappe à l’un et à l’autre, bien au-delà des mots…
Ce personnage rencontre un adolescent, Adrien, fragile dans un avenir incertain, exposé à la souffrance d’une maladie grave jusqu’à son point final. Ce jeune est imaginé aux côtés de sa mère bouleversée par la fragilité d’une vie si liée à la sienne.
Des paroles de réflexion y sont insérées, intimes en sourdine, ou violentes en révolte, pour marquer un parcours incertain, mais fort et dense en vérité.
Le narrateur invite donc le lecteur à suivre cette barque évoquée par Yves Bonnefoy dans son poème en prose, Les Planches courbes , dont les mots accompagnent les personnages et posent la question du passage vers un ailleurs invisible.
Au fond du cimetière
Simon est enseignant en collège. Il habite depuis neuf ans un appartement de trois pièces au cinquième étage d’un immeuble de banlieue, meublé de pin naturel. Il est entouré d’objets simples de la vie courante, sans voiture, seulement un vélo et un ordinateur à usages multiples. Ses relations avec les autres sont courtes et bienveillantes, sans implication prolongée, sauf avec son ami d’enfance, et avec sa famille.
Il passe sa vie en adulte célibataire assez confiant, mais peu conscient des motifs qui le guident vraiment. Après une enfance et une adolescence sans accroc, et les premières expériences professionnelles, il se croit en situation accomplie au moment d’atteindre bientôt ses trente ans, sans penser aucun avenir particulier.
Toutefois ce n’est pas cette ligne unique qui se prolonge au printemps de cette année apparemment ordinaire. A ce moment précis s’inscrit une rupture de vie qui entraîne pour lui un trouble profond et remet en question les sensations les plus anciennes de sa vie.
Au mois de mai disparaît son ami d’enfance, Pierre, à la suite d’un accident de montagne. Tous deux ont partagé les élans d’une jeunesse pleine d’espoirs et d’engagements. Les choix professionnels les ont éloignés l’un de l’autre, mais des retrouvailles régulières, en toute saison, ont conservé les liens d’une amitié indéfectible. Différentes rencontres au long de l’année leur ouvrent des moments communs, en montagne surtout où ils partagent le goût de s’élever toujours plus en hauteur.
Jusqu’au jour de cet accident… Pour une raison de dernière minute, Simon n’a pas suivi son ami dans cette escalade prévue par un groupe d’amis ce jour de printemps. Un rendez-vous familial a repoussé ce projet pour lui. Quelques jours après, le faire-part est parvenu à Simon , d’abord incrédule, et loin d’en admettre la réalité.
L’explication est venue par la suite. Après une escalade en cordée sur une paroi verticale, le groupe des trois grimpeurs s’est retrouvé dans une passe en surplomb. Les deux premiers ont assuré le passage, mais le troisième, Pierre, a perdu un appui qui s’est dévissé, il a été rejeté en arrière contre la roche, sans être retenu au-dessus. Les deux autres ont dû lâcher prise, sous peine d’être entraînés aussi dans le vide.
En ce samedi, jour des obsèques, au fond du cimetière, Simon suit du regard le cercueil de Pierre, sans s’approcher et sans percevoir encore son absence. Il se prête à ses souvenirs qui affirment encore la présence de son ami, dans un temps inchangé.
Leur relation est-elle seulement celle de la perception immédiate ? Pierre est-il encore présent quelque part ou absent partout ? L’effacement du corps est-il suffisant pour éteindre les liens d’une personne avec les autres ? Simon ne sait plus bien où il en est, il observe de loin la famille et les proches rendre un dernier hommage à son ami.
Et surtout, Simon est hanté par le hasard lié à ce drame : il aurait dû suivre son ami dans le vide. Son absence physique ce jour-là a assuré sa présence vivante aujourd’hui, au prix d’une défaillance aléatoire de leur projet commun. Comment ne pas s’imaginer soi-même dans la même disparition ? Le partage du même sort aurait marqué jusqu’au bout leur lien d’amitié. Mais non, un simple hasard a partagé un chemin commun en deux voies désormais séparées.
Le passage de la présence à l’absence se pose à Simon sans qu’il puisse le formuler clairement. Ses fragiles images religieuses ne lui apportent pas de réponse satisfaisante, sous la forme d’un paradis chrétien angélique ou sous la forme d’une mythologie antique : celle du passeur Charon conduisant sur sa barque, au prix d’une modeste pièce, les défunts au-delà du fleuve infernal, vers les Champs Elysées .
Mais ce n’est qu’une image venue de sa formation littéraire, et l’interrogation persiste. Qui est le passeur au moment de franchir la limite finale de la vie ? Et où dépose-t-il son passager ? Celui qui reste peut-il encore communiquer avec celui qui part ? Les promesses d’un paradis quelconque, élyséen, chrétien ou autre, ne font écho à rien dans l’esprit de Simon . Elles ne disent rien du sort tragique de l’individu, heureux ou malheureux. Vers quel territoire le passeur entraîne-t-il son ami dans la barque aux planches courbes ?
Ce sont en effet les termes de la question que pose un poème en prose, Les Planches courbes , dans un recueil du même titre, du poète Yves Bonnefoy : celui-ci y évoque deux personnages dans une barque au moment du passage d’un cours d’eau indéfini, sans aucun doute après le terme de la vie, comme une interrogation sans réponse. C’est ce poème que Simon reprend en ce moment pour la préparation du baccalauréat littéraire d’Adrien, un de ses élèves malades auprès duquel il se rend régulièrement à l’hôpital pour maintenir sa scolarité autant que possible.
En quittant le cimetière, Simon se sent déséquilibré. Il rejoint l’arrêt du bus qui lui permet de revenir chez lui. C’est une heure d’affluence, mais il ne perçoit pas la pression habituelle de la foule. Il se sent emporté dans un flot humain dont il ignore la destination, comme au-delà de la vie. Il saisit les regards autour de lui, mais tous lui semblent absents, tandis que celui de son ami reste présent à ses yeux.
A domicile
Troublé par la disparition de son ami Pierre, Simon reprend, le lendemain dimanche après-midi, la lecture du recueil poétique d’Yves Bonnefoy. Il se concentre en particulier sur le poème en prose Les Planches courbes . Ce texte résonne en lui comme un écho à ondes multiples avec la disparition de son ami, et c’est le sujet du travail littéraire d’Adrien, ce jeune élève qu’il doit bientôt revoir à l’hôpital.
En parcourant les lignes du poème, la figure de l’ami se mêle à celle de l’élève dans la barque du passeur.
Yves Bonnefoy , Les Planches courbes, Poésie / Gallimard ,
Mercure de France
Les Planches courbes
L’homme était grand, très grand, qui se tenait sur la rive, près de la barque. La clarté de la lune était derrière lui, posée sur l’eau du fleuve. À un léger bruit l’enfant qui s’approchait, lui tout à fait silencieusement, comprenait que la barque bougeait, contre son appontement ou une pierre. Il tenait serrée dans sa main la petite pièce de cuivre.
« Bonjour , monsieur », dit-il d’une voix claire mais qui tremblait parce qu’il craignait d’attirer trop fort l’attention de l’homme, du géant, qui était là immobile. Mais le passeur, absent de soi comme il semblait l’être, l’avait déjà aperçu, sous les roseaux.
« Bonjour , mon petit, répondit-il. Qui

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