Le Pays n est pas pays
134 pages
Français

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Description

Novembre 2001. À la fin de la guerre, il ne reste rien à Armand Boutézi de sa petite entreprise. Désœuvré, le jeune homme connaît d’abord l’angoisse des lendemains incertains avant de s’enfoncer avec délices dans l’insouciance et la fête. Ce baume n’est pourtant qu’éphémère et l’entrepreneur au chômage se voit vite rattrapé par l’incertitude. Aussi décide-t-il de sortir de sa torpeur, de prendre un nouveau départ. Pour cela, il quitte son costume de citadin et les rues de Mozi pour retrouver le village familial. Là, son grand-père l’accueille les bras ouverts et l’encourage à reprendre foi en l’avenir en lui cédant quelques terres. Quelques arpents qui s’avéreront vite une manne, puisque à force d’ardeur Boutézi montera une petite culture maraîchère qui connaîtra le succès. Et qui attirera aussi l’attention de personnes évoluant aux marges de la légalité. Écueils et réussites forment les deux pôles entre lesquels oscille la destinée d’Armand Boutézi, héros de ce texte qui dépeint les attentes d’une jeunesse africaine qui veut relever la tête et gagner son droit à la prospérité. Avec ses personnages, réalistes ou attachants, pris dans les hauts et les bas de l’existence, les amitiés et les devoirs filiaux, les espoirs et les trahisons, J. D. Bayidikila compose une œuvre moins moralisatrice que lucide dans sa lecture de la nature humaine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 octobre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748369298
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Pays n'est pas pays
Joseph Didier Bayidikila
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Le Pays n'est pas pays
 
 
 
À Germain Ickonga Akindou
 
 
 
Chapitre I
 
 
 
Novemb e 2001. La guerre était enfin finie. D’aucuns pensaient qu’elle n’allait jamais s’arrêter. Elle avait été longue, pénible et paraissait s’éterniser. La cruauté, qualité première des combattants, couronnait le vécu quotidien. La gent humaine avait perdu ses marques, ses repères, ses normes de vie puis s’identifiait à l’animal. Même un animal avait un instinct de retenue. Mais l’homme ne savait plus s’arrêter. Le spectre de l’horreur se profilait partout. La mort côtoyait de façon permanente des hommes qu’elle pouvait faucher d’un moment à l’autre. Passer une journée sans coup de canon et sans entendre siffler les balles des mitraillettes autour de soi relevait d’un miracle. L’ange de la mort volait chaque jour des âmes. Les cadavres étaient enterrés à la hâte ou à la sauvette sans linceul, sans cercueil, dans des fosses, non, plutôt dans des trous de fortune. Seul le respect du retour à la terre comptait, à défaut de laisser les corps à la traîne sur le pavé, à la merci des chiens et des corbeaux trouvant là un repas de réjouissance.
Le sommeil avait quitté les yeux et émigré on ne sait où. Les combattants avaient les yeux bouffis par des longues nuits de veille passées en prenant abusivement du café fort non sucré. Un soldat cuisinier s’était même fait la réputation d’offrir le meilleur café, aidant ses compagnons d’armes à veiller. Il y infusait des feuilles vertes de chanvre fraîchement cueillies tout en saupoudrant une pincée de poudre de chasse. Il en avait seul le secret de préparation. Le tout bien dosé, cette alchimie conduisait au courage et à l’oubli de soi. C’était devenu un label. Les soldats consommant ce breuvage montaient volontiers au front. Leur disponibilité au service était sans précédent. Leur ténacité, leur hargne au combat était décuplée. Au cours d’une bataille, un soldat ayant bu ledit café en valait deux. Infatigable, un militaire de ce genre parcourait aisément des dizaines et des dizaines de kilomètres sans pause. C’était quelque peu un robot d’infanterie. Toujours prêt à se lever, à marcher, à faire face à l’ennemi jusqu’au bout. Ceci, les chefs des soldats le constatèrent sur le terrain. Et au bout des longues recherches discrètes, ils découvrirent la substance conditionnant ainsi leurs subalternes. Mais que pouvaient-ils contre cela ? C’était à leur profit ! Ils n’engagèrent aucune mesure disciplinaire contre le miraculeux cuisinier détenteur du fameux label. Plutôt, contre toute attente, alors que la consommation du chanvre étant strictement interdite dans les forces armées, ce cuisinier fut élevé au grade de caporal-chef, à titre exceptionnel. Que pouvaient-ils contre cela ? Cela les arrangeait aussi. Les chefs commandaient une troupe courageuse, audacieuse et téméraire. Les résultats sous le feu parlaient d’eux-mêmes. Ils allaient obstinément prendre contact avec l’ennemi avec lequel ils en décousaient sauvagement.
Novembre 2001. La guerre était finie. Et l’on s’interrogeait sur les raisons réelles et objectives de cette sale et drôle de guerre. Plusieurs citoyens méconnaissaient ses origines. Ils s’étonnèrent de constater que leur beau pays sombrait dans une violence et un désordre sans précédent, car il était devenu brutalement ingouvernable. Ils apprenaient dans la rue que des hommes politiques s’étaient dressés les uns contre les autres, pour un rien peut-être, pour des intérêts strictement égoïstes semblait-il ou à la solde des puissances suçant goulûment les matières premières des pays en voie de développement.
En tout cas, c’était ambigu. On ne comprenait rien. On ne savait rien du tout. Cependant la violence s’installait chaque jour davantage. Les forces nationalistes s’affrontaient contre les partisans d’un ancien président déchu et désavoué par la population depuis une quinzaine d’années. On chuchotait qu’il se battait pour revenir aux affaires et servir la vieille métropole sur un plateau d’argent. Celle-ci avait perdu la mainmise sur les richesses minières du pays Bantou dont elle contrôlait depuis longtemps l’exploitation et la commercialisation. Cette puissance métropolitaine était aux abois. Elle éprouvait d’énormes difficultés économiques et financières. Son budget, longtemps tributaire des sous-sols du pays Bantou, périclitait. Cela fut ainsi pendant près de deux décennies où leurs hommes perdirent la magistrature suprême. Cette situation exaspérait la colère des milieux politiques et financiers de l’ancienne métropole. Ils avaient perdu le pas, la puissance, le charisme et les honneurs. Ils en avaient assez et décidèrent de renverser l’ordre constitutionnel établi. De quelle manière ? Et avec quels moyens humains et matériels ? La classe politique métropolitaine passa la vieille garde bantoue en revue. Le choix tomba sur un ancien président déchu : Moukamoubié.
Qui était Moukamoubié ? Un septuagénaire, dirigeant de la première heure, de première ligne, de l’aurore des années d’indépendance des peuples noirs des pays du sud du Sahara dans les années soixante. Passablement instruit, ignorant l’orthodoxie financière, médiocre économiste avéré, brûlant toutefois la chandelle par les deux bouts pendant son exercice de directeur général adjoint de l’enseignement, le président Moukamoubié servait les intérêts de l’ancien pays colonisateur. Tant qu’il gouvernait, les ex-colonisateurs s’engraissaient excessivement. Le pillage des matières premières se passait à ciel ouvert sans accroc. Ils comptaient sur la protection et la complicité gouvernementales du pays Bantou dirigé d’une main de fer par leur poulain Moukamoubié. À cette époque, la métropole prospérait de manière exubérante, économiquement. Et l’on pouvait observer partout sur ce territoire de « Mputu 1  », des nouveaux grands chantiers publics : construction d’immeubles d’habitations, désengorgement des grands axes routiers avec l’ouverture des voies secondaires de circulation. Création d’emplois par-ci. Investissements par-là. C’était une bonne période pour la métropole. Cependant, sous le soleil chaque chose a un temps : un début, une fin. La fin inéluctable de cette période de lune de miel sonna.
Les populations des favelas, des quartiers populaires ainsi que les travailleurs laissés en marge de l’embellie financière applaudirent le nouveau régime. Ils organisèrent des marches de soutien tout en exhortant les dirigeants au partage équitable des richesses, à l’amélioration du niveau de vie du peuple, au bien-être familial. Sur des banderoles venues de toutes obédiences, on lisait l’exigence des réformes radicales, une rupture avec le passé. Un passé déshonorant pour la majorité des laissés-pour-compte vivant à moins d’un dollar par jour. Les nouveaux dirigeants avaient du pain sur la planche. L’heure n’étant plus au discours, le peuple attendait des fruits doux du changement obtenu. Du pragmatisme et non du verbiage. Du travail et non du désœuvrement. Des emplois et non du chômage. Les nouveaux dirigeants entendirent les cris du cœur des populations et des travailleurs à travers lesquels ils se miraient eux-mêmes. À travers eux, ils s’identifiaient réellement. Aussi, ils n’avaient point de raison de les abandonner hypocritement, car mener une politique politicienne n’avait toutefois aucun sens noble, sinon la démagogie.
Le gouvernement opéra de profondes réformes économiques. Le code d’investissement fut amendé en donnant à l’État bantou le droit de regard. Plusieurs sphères de la vie économique connurent des améliorations. Sur le plan de l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, les salaires furent augmentés de 30 %. Le chômage connut une baisse significative. On nota également l’essor de l’initiative privée de créations d’emplois. Jour après jour, la population oubliait le passé et s’adaptait à la nouvelle donne. Les plaies de gestion de l’ancien régime se pansaient petit à petit. La transparence s’installait peu à peu dans l’administration de la chose publique, sans discussion, sans ambiguïté, sans croc-en-jambe. La vie politique et administrative se moralisait davantage pour le bien-être de tous. Les tables d’écoute volèrent en éclats. Les bouches se décousirent. Les langues se délièrent. La liberté d’expression montait au créneau. Les polices politiques, tribales, régionales et parallèles disparurent. Les barrières linguistiques éclatèrent à la grande joie des populations qui circulaient librement, sans inquiétude, du nord au sud, d’est en ouest.
Le brassage des populations devenait une réalité vivante. Le tourisme national se réveilla de son sommeil, de sa pénible hibernation. La bonne santé financière des établissements d’hébergement en disait long, malgré un réseau routier encore mal entretenu.
Novembre 2001. La guerre était finie. La population qui ignorait les raisons objectives et subjectives de celle-ci comprit enfin que l’ancienne métropole avait tiré les ficelles dans le but de créer le désordre, le chaos pourquoi pas, car ce pays s’élevait déjà et échappait chaque jour davantage à son emprise. L’année précédant l’évincement du président Moukamoubié, deux gisements de minerais venaient d’être découverts : l’un d’uranium, l’autre de coltan. Les sociétés métropolitaines exigeaient l’exclusivité de l’exploitation de ces gisements tandis que le nouveau régime la confiait à une holding asia

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