Au salon, le sapin des forêts devenait un de nos plus beaux arbres de Noël. David était seul, près de moi, et nos mains se frôlaient. Avec une régularité de fileuse, je brassais, tirais les guirlandes qu'il me tendait, hâlant à moi cet amour insensible. Innocemment, David me livrait ses mains et, par ses yeux, son âme. Perchée sur l'escabeau, je me penchais vers lui, puis j'arquais mon corps en arrière. Imitant la grossière Angèle, tel un peintre de génie copiant une toile médiocre, je me transformais en ange pervers. Visage candide, bel oeil meurtri, regard en coulisse, maigres hanches provocantes, mais si subtilement que nul n'aurait pu soupçonner le démon de la femme éclos un soir de Noël dans cet acide corps de très jeune fille. David: depuis l'enfance, l'être que Beige a chevillé au coeur. Celui avec qui elle expérimente taquineries et espiègleries... puis celui qui lui fera connaître les affres de la jalousie et de la colère... Un amour qui s'enracine dans le temps de l'innocence, que l'on voit évoluer, se transformer, s'intensifier, s'exaspérer avant d'être compromis par la marche de l'histoire... Prenant pour arrière-plan la bourgeoisie aussi légère que guindée du début du XXe siècle, l'opus d'Huguette Lombard restitue avec une belle précision psychologique l'éducation sentimentale d'une héroïne que l'on voit grandir et mûrir, découvrir et se questionner, s'enthousiasmer et s'embraser, au fil de pages délicatement patinées.
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