Le tonneau

Pascale Andrée Chevereau

Description

Ces oulipiennes, de l'OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle), fondé par Queneau et par le mathématicien Le Lionnais, littérature sous contrainte, sont nées du tirage aléatoire d'une douzaine de mots.
Ainsi, elle y évoque en toute liberté surveillée l'amour, la création, l'écrit, l'art, la nature, la mémoire...

Sujets

• Autre

Informations

• Publié par: Edilivre
• Date de parution: 14 octobre 2013
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782332614513
• Langue: Français

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ISBN numérique : 978-2-332-61449-0

© Edilivre, 2014
Dédicace

à Éric
1
Le tonneau de l’Histoire est sans fond.
Son matériau est immémorial et intangible.
Il n’a rien du vide des yeux fardés des magazines, qui confine, non à l’infini, mais au néant.
Au contraire, il fut décrit dans un conte de Flaubert, dont le thème était la fraternité universelle.
Là, l’éternité résidait.
Elle côtoyait l’éphémère ambigu du mouvement.
Il se remplissait de chaque livre nouveau que les humains dédiaient à la magie du vivant.
Les penseurs étaient ses maîtres de chai.
Ils surveillaient la naissance d’un nouveau cru.
Leurs pieds foulaient un raisin dense.
Ils pressaient, sous leur corps, un fruit cramoisi.
Le fruit du destin ;
du destin individuel et du destin cosmique.
Aucun frein ne ralentissait leur travail,
leur sueur liait le moût.
Les fleurs de sa vigne n’étaient jamais fanées :
Elles repoussaient incessamment.
Et elles ressemblaient plus au réséda qu’à la rose, solides et champêtres, sans artifice.
Et l’Amour coulait le long de ses cerceaux, comme une sève de rubis.
2
Faust fut, pour Goethe, l’œuvre de toute une vie,
recouvrant des pans entiers de sa pensée, mais sans le recours à une philosophie glacée.
Et Valéry, fort de sa lecture, de son génie propre, et dans une autre histoire, en fit une nouvelle version, à la fois profonde et savoureuse :
l’écrit n’appartient plus à l’auteur, une fois transmis ; le conseiller occulte, d’ailleurs, lassé de son Faust allemand, relisait avec plaisir « celui de Monsieur de Nerval. »
On ne connaît de lui, de ce côté du Rhin, hélas souvent que quelques-unes de ses œuvres.
Alors qu’il toucha à l’arbre de la connaissance, dont la spécialisation n’avait pas encore séparé les branches voisines.
Ainsi, il écrivit son Traité des Couleurs, où la couleur naît, selon lui, de la polarité ombre/lumière.
Reprenant la légende originelle du Docteur Faust, il ne vit pas seulement dans le porteur de lumière, la chute, mais aussi cette tension et cette polarité humaines.
Il fait dire au Seigneur, dans son Prologue dans le Ciel, son faible pour « l’esprit de malice ».
Le poète allemand donna à son Méphistophélès ces spécificités propres à l’humanité :
celle qui doute, hésite entre les bords en apparence opposés, comme les rives du fleuve de son Conte du Serpent Vert.
Son second Faust est empreint des figures les plus variées de la mythologie : reflet de son universalité.
Son œuvre tente ce rapprochement des deux rives, des deux mondes, d’habitude séparés et décalés par la raison humaine, comme peuvent le faire les différents alinéas d’un texte.
Sa création est constance et contradictions.
Mais le rang auquel il fut élevé, l’a hélas sanctifié, statufié.
Le risque...