Le Viaduc de la violence
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Le Viaduc de la violence , livre ebook

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Description

D’où vient la violence ? Comment semble-t-elle s’imposer dans notre quotidien, orienter insidieusement nos vies. Comment se répand-t-elle et surtout comment la surmonter ?
Les deux personnages de ce roman, Milan et Catherine, parviendront à trouver une issue intermédiaire : L’équilibre intérieur, une synthèse a priori inatteignable.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 juillet 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332591937
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright




Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-59191-3

© Edilivre, 2013
Chapitre 1
Ce soir-là, Milan termina sa journée comme tout un chacun. Son intensité avait été élevée. L’implication au travail put être qualifiée d’exemplaire. Il éprouva une contrariété susceptible de le porter très aisément vers des sommets d’agressivité : le métro était en grève, suite à l’agression d’un conducteur de rame survenue en début de soirée.
L’injustice de ce fait divers, c’était la survenance de cet événement sur sa ligne, son trajet ; cette interférence du prosaïque sur le bon déroulement de son quotidien lui était insupportable. Cette dernière allait entraîner le franchissement d’épreuves dont le caractère irritant constituait un accroc de plus dans sa vie.
Si les voyageurs des transports en commun étaient claustrophobes, ils testaient leur appréhension sur le quai du métro bondé de centaines de voyageurs tentant de se frayer un chemin vers les rares wagons encore disponibles.
S’ils craignaient les pickpockets, à tort ou à raison, leur angoisse était largement alimentée par la vue d’individus louches, mal rasés, s’approchant trop près des sacs à main ou des portables derniers cris des voyageurs.
S’ils ne supportaient tout simplement pas une chaleur excessive, ils devraient la subir en raison de la promiscuité induite par la rareté des rames.
Milan nourrissait un peu toutes ces angoisses et était, non pas déstabilisé, le vocable étant excessif pour cette occurrence, mais perturbé. Pourquoi des faits aussi dérisoires, du point de vue de leur impact définitif sur la marche du monde, proche de zéro, revêtaient-ils tant de relief sur la vie de Milan ?
La réponse peut être à bon droit formulée par un simple rappel des caractéristiques de fonctionnement de la société dans laquelle évoluait Milan : elle tolérait de moins en moins les aspérités, l’inattendu, l’informulé, l’imprévu. Elle était lisse, de plus de plus empreinte d’un perfectionnisme du quotidien, dont l’atteinte apparaissait hautement souhaitable.
Pour le dire communément, elle devenait douillette, de moins en moins résistante à l’impondérable. Ces composantes, tels que les grèves, dont la fréquence était stigmatisée par les usagers des services publics, ou les faits divers atteignant un degré de violence et de barbarie extrême, s’étaient installés dans l’imaginaire de l’opinion publique, et donc dans celui de Milan.
Ce dernier travaillait dans le service des achats de l’hôpital Beaujon. Cadre supérieur, il ne côtoyait pas, à l’instar de ses collègues infirmiers ou médecins de l’établissement, la misère du monde et la souffrance engendrée par les maladies et détresses que les agents de la fonction publique hospitalière tentaient, avec cran et abnégation, de combattre et de faire reculer.
Son rôle social était imprégné d’une logique comptable, celle d’un gestionnaire attentif à ne pas dépasser les doses prescrites sur la notice. Milan se considérait dans l’exercice de sa fonction, comme un producteur de modération, de prudence, d’une tempérance illustrée par l’atteinte quasi permanente des objectifs prescrits par sa hiérarchie.
Cette situation de conformité soulageait toujours plus ou moins Milan, il avait besoin de cette sécurisation, nécessaire au bon état de son moral quotidien.
Il était pourtant facilement déstabilisé par des imprévus de caractère relationnel. Ainsi avait-il été désarçonné par une question posée par l’une de ses connaissances féminines de l’hôpital Beaujon, cette dernière ayant manifesté l’impertinence d’évoquer l’origine de l’attribution de son prénom :
– Milan, ça fait Europe centrale, tes parents sont issus de l’immigration ?
– Non, non, Catherine, je ne crois pas… avait rétorqué Milan, pris au dépourvu par ce constat impromptu en même temps qu’inquisitorial, le rappelant ainsi à une fragilité soudaine.
Mais pourquoi ses parents, dont l’origine ethnique n’avait rien à voir avec l’Europe centrale s’étaient-ils prononcés pour Milan ? Par admiration pour l’écrivain Milan Kundera ? Par pur désir d’originalité dans le choix du prénom ? Pour une raison obscure cachée à Milan sur ses véritables origines ? Il n’avait jamais bien compris, et ne s’était à vrai dire jamais montré désireux d’en savoir plus…
Les épreuves suscitées par la grève du métro furent surmontées dans des conditions acceptables. Milan put rentrer chez lui, sans encombre.
Pour s’informer, c’est-à-dire recevoir passivement dans son cerveau un nombre incalculable d’images, de mots mal articulés par les journalistes des chaînes de télévision, Milan avait choisi l’information en continu, qui se développait alors beaucoup sur la TNT et les chaînes à péage. Il était sûr de ne pas rater le programme, d’être exposé à la dose maximale d’émotions dont le caractère racoleur s’intensifiait inexorablement. Il fallait frapper le téléspectateur, lui jeter à la figure l’importance de l’événement.
À cette pression sur les zones du cortex les plus vulnérables s’ajoutait depuis plusieurs années la visibilité toujours plus accrue de la violence, dont les séquences d’information étaient consciencieusement et méthodiquement accompagnées. La restitution de l’actualité imposait dans sa crudité et la brutalité de son impact le dévoilement de la souffrance humaine au plus près de ceux qui étaient frappés.
Au 20 heures, c’est un reportage sur un bombardement ayant eu lieu dans un quelconque pays du rivage sud de la Méditerranée, Milan ne savait trop distinguer entre tous ces pays qui lui semblaient tellement identiques entre eux puisqu’ils se trouvaient au sud, qui attira son attention.
Les « frappes aériennes », ainsi désignait-on dans les médias new look, les opérations de bombardement, avaient atteint un camp de réfugiés situé près de la frontière de l’un des pays belligérants. Les bombes étaient tombées sur un hôpital de campagne installé à la hâte pour soigner les blessés. Le caméraman avait abondamment filmé ces derniers sur leurs civières, au bord de l’agonie, près de mourir. L’intrusion était totale dans le déroulement de leur douleur, exposée comme une tentative inutile de provocation à la compassion par le témoin de cette séquence, qui serait un téléspectateur convaincu d’emblée de la justesse de la cause défendue par ces combattants en détresse.
Le sang n’était pas le seul ingrédient nécessaire à l’élaboration d’une information de qualité. Il était indispensable de rajouter une dose d’angoisse qui portait fréquemment sur le sort d’otages, de criminels dont le procès était en cours, ou mieux encore de récidivistes ayant rechuté, confirmant ainsi à point nommé aux yeux des maniaques de la répression le laxisme des juges.
Ce fut le cas lors de la vision de cette séquence, et Milan put intérioriser par l’absorption de ces images une familiarité supplémentaire aux composantes les moins glorieuses de l’âme humaine.
Dans le déroulement quotidien de sa vie, Milan ne percevait aucune dureté, aucun signe qui aurait pu disqualifier les principes directeurs de son existence. Il s’était initié, comme tant d’autres salariés du secteur public, au management moderne, au respect des objectifs, à l’introduction de l’arithmétique et de la statistique dans ses méthodes, ses comportements professionnels. Au début, cela ne parut guère achopper, tous devaient se plier, pour survivre dans un monde de plus en plus concurrentiel, aux règles de la survie.
Milan devint un chasseur des dépenses jugées improductives, un censeur, un commissaire financier, à l’instar des commissaires politiques générés par les révolutions totalitaires. Les liens, péniblement tissés entre collègues d’un même service, les méthodes de travail jugées inappropriées aux nouveaux canons de la gestion furent supprimés. Ce culte voué à la performance, au chiffrage de toute activité humaine aboutit rapidement à la perte de sens au travail, à l’installation de l’absurde comme véritable principe directeur, et à la souffrance généralisée dont les sociologues spécialisés dans l’observation du monde du travail pointaient régulièrement qui, dans des tribunes libres de presse, qui dans des ouvrages retentissants, l’inexorable montée.
Le suicide, naguère observable dans la sphère privée des individus, prenait les atours du désespoir, de l’aveu signant la rupture du seuil de résistance des salariés. Les cris n’étaient plus seulement issus des cortèges de manifestations de rue ; ils ponctuaient l’actualité économique et sociale et s’inséraient dans le décor, signe probant de la victoire provisoire du principe de cruauté.
À l’hôpital Beaujon, Milan avait entendu parler des revendications des médecins urgentistes, et du mouvement des infirmières, qui avaient illustré l’actualité, il y a déjà quelques années. Il devenait très difficile, alors, de se souvenir d’événements remontant à plus de six mois ; la mémoire vive des individus n’accédait plus au passé lointain. Elle était submergée d’informations, toutes plus frivoles les unes que les autres, toutes parfaitement inessentielles à une compréhension du monde digne de ce nom.
Était-ce volontaire ? Ou était-ce la conséquence de l’extension d’un phénomène mal maîtrisé, l’accès indistinct et indifférencié à toute chose ?
En éteignant son poste de télévision, Milan put trouver le sommeil peu de temps après s’être couché ; il s’assoupit, car il avait absorbé le bon somnifère, celui de l’accoutumance à la laideur.
Quelques jours plus tard, après une réunion tenue par un chef de service, type de grande messe censée unir et motiver les salariés, Milan prit l’initiative d’aborder Catherine, cette jeune effrontée ayant eu l’audace incroyable d’un questionnement sur son prénom, après quelques mots éch

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