Le Voile du crépuscule
133 pages
Français

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Description

Voilà bientôt dix ans qu’Ann vit à Dark Stones Manor, au service de lord Stephen. Les jours coulent lentement et sans surprise dans ce sombre manoir, et la mélancolie des lieux semble imprégner tout ce qui s’y trouve, les meubles comme les hommes. Âgée d’une trentaine d’années, vive et belle, Ann continue pourtant de porter inlassablement le deuil de son mari mort noyé des années plus tôt, et rien ne saurait l’arracher à cette activité ; il semble même que cette lente et triste apathie soit tout ce dont elle s’estime digne, et que par ce biais elle cherche à fuir son malheureux passé. Le bonheur ne fera jamais partie du tableau, elle l’a décidé ainsi et s’y résigne avec aplomb. Pourtant, le sort, le hasard, la tireront bientôt de sa léthargie, faisant ressurgir les fantômes d’antan et l’obligeant malgré elle à révéler sa vraie nature... Claire Pilidjian livre ici un roman dans la veine de ceux qui fleurirent au XIXe siècle. Le romantisme assumé de ce récit et le style délicat et travaillé de l’auteur trouvent un écho dans une trame bien ficelée mettant en scène des personnages dont les émotions sont décrites avec une clarté et une sensibilité qui font que le lecteur s’y identifie avec évidence. On retrouve avec plaisir les décors et les mœurs des romans de Flaubert ou Balzac, ainsi que, en substance, la prose les servant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 novembre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748371598
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Voile du crépuscule
Claire Pilidjian
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Le Voile du crépuscule
 
 
 
Remerciements
 
 
 
Un grand merci à mon père pour son enthousiasme et son aide ; merci aussi à André pour ses encouragements et ses conseils, ainsi qu’à ma mère et à tous mes grands-parents qui m’ont soutenue tout au long de mon travail.
 
 
 
 
Prologue : L’aube naissante
 
 
 
La parure dorée de l’aube naissante offrait un reflet rougeoyant sur les pierres sombres de Dark Stones Manor. Le disque d’or aux teintes fauves s’élevait peu à peu, perçant les nuages colorés de rose et d’orange pâle dans le ciel mauve. La brume matinale se dispersait lentement, laissant place à quelques moutons blanchissants qui se mouvaient paresseusement dans la campagne silencieuse. Les arbres se balançaient au rythme de la bise glacée de la fin novembre, et leurs dernières feuilles tournoyaient tristement dans le vent. La mélancolie flottait, silencieuse et invisible, parfumant les dernières fleurs d’automne, dans l’air humide des alentours de Sainte-Marie.
Les branches tendues des hêtres se miraient dans l’étang, images miroitantes dans un décor de ciel parsemé de nuages légers, éclairé par le soleil levant. Les dernières étoiles s’éteignaient une à une, et la lune disparaissait peu à peu, jusqu’à ne devenir qu’une ombre légèrement luisante. Le soleil semblait embaumer la campagne de la naissance de ses rayons aux reflets scintillants. Immobile, je retenais mon souffle devant la majestueuse clarté de l’astre, profitant de chaque parfum effleurant ma peau, admirant la splendeur du spectacle auquel il m’était donné d’assister chaque matin dans le jardin sauvage de Dark Stones Manor.
Puis, lorsque l’aube toucha à sa fin, je contemplai pendant de longues minutes le paysage teinté de chaudes couleurs.
Je me levai alors du petit banc de pierre dévoré par le lierre grimpant pour faire quelques pas dans la retraite de mes souvenirs, ce jardin si particulier dont la sauvage beauté me laissait pensive. Ce lieu, qui, malgré tout, m’avait vu devenir l’ombre de moi-même, ce lieu, qui avait vécu au rythme de mes larmes, mes déceptions et mes espoirs d’un retour au passé. Ce lieu qui n’avait que trop respiré mes chagrins.
Je marchai donc quelques minutes, puis, enfin, regagnai le sentier menant au manoir pour reprendre mes rôles, sous la lumière rassurante du soleil nouveau-né dans le ciel bleu pâle.
Mes pieds foulaient lentement la terre fraîche du chemin bordé de pierres, ombragé par les chênes dénudés en cette saison mélancolique.
Enfin, je pénétrai dans le hall glacé de Dark Stones Manor.
 
 
 
 
Chapitre 1 : Dark Stones Manor
 
 
 
Les premières pierres sombres de Dark Stones Manor apparaissaient sous les buissons sauvages, étalant leurs branchages feuillus et rampants sur les murs noirs. La grisaille des pierres offrait au lieu un étonnant contraste, funeste et glacé, avec le ciel aux couleurs chaudes et rosées.
Quand l’aube s’envolait dans le ciel, la demeure était couverte d’une teinte fauve quelques instants. Puis l’imposante bâtisse reprenait son habituelle couleur grisâtre derrière les feuilles des arbres touffus, sous les buissons trop rarement fleuris, avec ses toits sombres au saisissant contraste avec le ciel dérivant d’un blanc laiteux au bleu tendre.
L’allée menant du village à Dark Stones Manor était bordée d’arbres vieillis mais encore imposants, de quelques fleurs épuisées sous le souffle du vent, et de touffes d’herbe jaunie par le va-et-vient des saisons sous les pierres plates tapissant les bordures des chemins terreux. À certains endroits, les chênes tendaient leurs bras noueux vers le ciel. Le printemps naissant, ils ombrageaient les chemins sablonneux couverts de feuilles craquantes sous mes pas et de brindilles noirâtres passées.
Peu de gens cependant empruntaient ce chemin. Il est vrai que le manoir, dominant le village sur sa petite colline, sombre et imposant, n’était guère accueillant. Perché sur une butte, vu du point le plus bas du village Sainte-Marie, il apparaissait comme une maison gigantesque qui n’avait pas sa place dans la campagne paisible et revigorante. Le jardin aurait peut-être enchanté quelque âme sensible à la beauté sauvage de la nature, mais il était caché derrière la sombre demeure. Ce jardin s’étendait en larges bandes vertes, et au printemps, fleuries, quand quelques marguerites ou de banales pâquerettes daignaient sortir de cette terre épuisée et me ravir de leur simplicité. Aujourd’hui, le jardin est bien moins entretenu que par le passé. Où sont les buissons taillés à la perfection par les maîtres jardiniers, les oiseaux perchés sur les bosquets entre les milliers de fleurs printanières sous les sapins virant du vert tendre au profond, où sont les petites allées délicatement ensablées, ravissantes par leurs bordures entourées de menthe et de thym, déversant leur parfum doux, superbe et surprenant à la fois… ? Hélas, je ne peux qu’imaginer la douceur des roseraies, les parfums des chèvrefeuilles, la simple beauté de la nature qui s’exprimait dans ce recueil de verdure, cette nature qui aurait éclaté à mon regard. Mais, à ce moment de mon récit, si Jean passait pour tailler vainement la sauvagerie des haies, arroser peut-être les restes des allées fleuries comme des souvenirs et arracher quelque ronce qui nous reviendrait assurément plus tenace encore, nous savions tous que ces actions étaient dérisoires. Autant pleurer sur les beaux temps révolus où la nature avait bien accepté de se plier pour notre satisfaction par ce jardin superbe… Si elle avait alors décidé de reprendre possession de son domaine, que faire d’autre que le lui rendre ? Si les chemins avaient disparu sous les ronces et les herbes indociles, il nous restait nos fols esprits qui inventaient et nous menaient à ces beaux temps passés. De plus, le maître de ce foisonnement de nature sauvage n’y avait pas mis les pieds depuis plusieurs années… N’étais-je pas la seule à y pénétrer, à y regarder naître le jour et le voir mourir au plus profond de l’horizon, parfois ? Aussi saugrenue que puisse paraître l’idée, j’aimais, et aime encore aujourd’hui, voir ces vastes étendues à l’abandon, moitié apprivoisées, moitié sauvages. J’aime les herbes folles et les buissons épineux recouvrant les douces pelouses, j’aime le petit étang ombragé par les hêtres, bien que peuplé de plantes douteuses, où le soleil se mire à l’aube sous les nuages rosés et la lune à minuit, dans l’eau à la fois sombre et mystérieuse. J’aime le petit banc de pierre, qui reçoit les fleurs du mimosa sous lequel il est placé. J’aime l’odeur de l’herbe humide et de la menthe aux abords du sentier. J’aime sentir la surface rugueuse des pierres de Dark Stones Manor sous mes doigts. Oui, j’aime ce jardin, aussi abandonné qu’il soit, aussi mystérieux qu’il puisse paraître.
 
J’ai découvert Dark Stones Manor au rythme des quatre saisons et chacune d’entre elles m’a offert un regard différent sur ce lieu. Les années passant, je n’admirais que plus encore le bal des couleurs et des tableaux que donnait la campagne. Attentive à chaque détail caractérisant la saison, je pus le contempler dix fois avant que ne bascule le cours tranquille de mon existence au manoir.
L’automne, Lord Stephen engageait des paysans du village pour une journée afin que ses chères allées soient débarrassées des feuilles roussies qui couvraient les chemins de mille couleurs. Je me souviens bien, aujourd’hui, de ces hommes aux vêtements usés qui laissaient derrière eux des traînées rousses dans le passage de leurs brouettes grinçantes.
Lorsque, l’hiver, j’observais derrière les fenêtres ma chère campagne se couvrir d’un blanc manteau de neige, mon souffle dessinait une buée floue sur les vitres. Les toits sombres du manoir disparaissaient sous de pâles flocons et s’accordaient avec les murs extérieurs de la demeure couverts de givre. Ces mêmes paysans balayaient la neige, sous leurs grandes capes sombres, et leurs empreintes sur le sol étaient dès le lendemain couvertes d’un nouveau voile blanc…
Le printemps, à Dark Stones Manor, était, sans nul doute, ma saison préférée, quand les étendues d’herbe nue se couvraient de mille et une fleurs sauvages.
Enfin, l’été, la campagne se desséchait sous le brûlant soleil et la fraîcheur du manoir était alors bienvenue.
Je suppose qu’il y a plusieurs années, Dark Stones Manor était un de ces châteaux dont les images couvrent les livres d’enfants. Mais à l’époque de mon récit, ayant pour propriétaire ce vieil homme dévoré par la haine et brisé par les regrets qu’était Lord Stephen, la demeure avait plutôt des allures de manoir abandonné. Toutefois, il ne m’était pas difficile d’imaginer la splendeur des immenses salles décorées de mille statues et d’ornements luxueux, meublées de la plus élégante façon. Plongée dans ces belles rêveries, j’entendais presque les rires des ladies retentir dans les salons…
Pourtant la réalité me ramenait toujours en ces tristes lieux, lorsque je traversais les grandes pièces presque dépourvues de mobilier, toutes semblables par leur manque de charme et leur atmosphère glaciale. En effet, Lord Stephen n’avait fait meubler que très peu de pièces au rez-de-chaussée, et le feu n’était donc allumé l’hiver que dans les pièces principales.
Le premier étage était réservé à Lord Stephen, il y passait la majeure partie de son temps. Je n’y passais jamais que pour accéder à l’étage suivant, et seule la femme de chamb

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