Les 8 morts
90 pages
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Les 8 morts , livre ebook

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Description

Au cœur d’une époque où l’accession à l’immortalité alimente les fantasmes les plus fous, ce recueil offre huit portraits néoromantiques et cyniques d’une vie indissociable de la mort. Tantôt racontant les événements imprévisibles d’une vie, ceux-là mêmes qui décideront de la vie et de la mort de nos héros, tantôt relatant les passions qui nous habitent, nous enflamment et finissent par nous consumer. Enfin, les lubricités macabres d’une société qui, à trop vouloir vivre, ne cesse de s’anéantir. Les 8 morts, c’est une escapade franco-canadienne et les neuf vies d’un chat.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 janvier 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414308972
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
194 avenue du président Wilson – 93210 La Plaine Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-30898-9

© Edilivre, 2020
La montre à gousset
Le printemps 1911 avait apporté joie et bonne humeur dans les rues et les parcs publics de la capitale. On aurait cru que l’été s’était permis une incartade au calendrier officiel. Mais il y avait un endroit du boulevard Saint-Michel où toute cette bonne humeur et cette joie de vivre semblaient irradier. C’était l’horlogerie d’Arthur Léger qui se trouvait face au jardin du Luxembourg. En effet, Arthur Léger venait d’ouvrir sa boutique après quatre années de formation en Suisse. Il était sans conteste l’horloger européen le plus talentueux de sa génération, et toutes ses créations, surtout les montres à gousset, étaient considérées comme les plus belles pièces d’orfèvrerie par le Tout-Paris. Le gotha de Lutetia venait s’arracher les coucous, pendules et montres à gousset sans compter. Cependant, ce n’était pas le don inné de l’artisan pour la création et la réparation de pièces d’horlogerie qui lui donnait des ailes, mais bel et bien sa Romande qui répandait une douce odeur de lavande dans la boutique. Madeleine Léger était une jeune Suissesse qu’Arthur avait épousée pendant son séjour en Confédération helvétique. La tendresse de Madeleine n’avait d’égal que son esprit exceptionnel et sa gentillesse naturelle. Infirmière diplômée de la Haute école cantonale vaudoise de la santé à Lausanne, la jeune femme n’avait pas tardé à trouver un emploi à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Arthur passait son temps à la dévorer du regard lorsqu’elle franchissait le seuil de l’horlogerie. Il détaillait la svelte silhouette de sa moitié et portait un intérêt tout particulier aux courbes rebondies que la fluidité des robes en mousseline, qu’elle aimait tant arborer, révélait sans tout à fait les dévoiler.
Le jeune couple pensait que ce bonheur serait sans fin et qu’ils avaient devant eux quelques années avant de penser à leur descendance, mais 1914 arriva bien vite. La Première Guerre allait faire basculer leurs vies ainsi que celles d’innombrables amoureux transis. Le 13 mai 1914, Arthur reçut son affectation officielle. Il avait deux semaines pour se présenter à la caserne située dans les Ardennes. La nouvelle fut un véritable coup de massue pour Madeleine. « Pourquoi ? », pensait-elle en secret. « Pourquoi la cruauté des hommes me vole mon mari ? » Mais Arthur, qui était le genre d’homme qui croyait toujours en sa bonne étoile et qui ne supportait pas de voir son épouse souffrir mille tourments, lui tint ces mots :
« Je te promets solennellement de revenir vivant et en un seul morceau ! Alors, essuie tes larmes et ne t’inquiète pas. Tu sais que je tiens toujours parole. »
Madeleine eut un sourire gêné et la flamme de l’espoir illumina son regard. S’il y avait une chose dont elle ne doutait point, c’était la parole de son époux. Il tenait toujours parole, quoiqu’il en coûte. Une semaine plus tard, Arthur et Madeleine se rendirent à la gare du Nord. Ils restèrent silencieux sur le quai, leurs regards se perdaient l’un dans l’autre. Puisque la tristesse et l’inquiétude ne s’effacent pas avec des mots. Soudain, Arthur rompit le silence macabre et sortit de la poche de son manteau un objet enveloppé dans un mouchoir.
« Tiens, c’est pour toi, Madeleine. »
La jeune femme interdite prit le mouchoir et le mystérieux objet qu’il renfermait. Elle découvrit l’offrande et vit une magnifique montre à gousset. L’armature en or fin était surmontée d’ivoire sculpté. Le couvercle de la montre était orné d’un cœur, à l’intérieur duquel s’entrelaçaient les initiales des deux tourtereaux.
« Garde toujours cette montre sur toi. Ainsi, tu pourras à tout instant vérifier que chaque heure, chaque minute, chaque seconde qui nous séparent s’égrènent et que l’heure de nos retrouvailles se rapproche. »
Arthur enlaça Madeleine et l’embrassa avec toute la puissance d’un homme envahi par le doute.
Le dernier appel pour monter en voiture retentit et Arthur, qui ne savait pas comment dire au revoir à sa dulcinée, se précipita dans le train sans un mot. Quelques instants plus tard, le train démarra et, de la fenêtre de son compartiment, Arthur cria à une Madeleine en pleurs qu’il l’aimait et qu’il lui écrirait autant qu’il le pourrait.
La vie militaire s’écoula paisiblement les premiers mois et le jeune homme écrivait à sa femme dès que l’occasion se présentait, mais l’instant que redoutait tant l’horloger arriva. On l’avait affecté au bataillon de génie avec les artificiers, parce qu’il possédait quelques connaissances en chimie et en mécanique. Cette affectation signifiait aller au front… Là où il serait plus compliqué pour Arthur de tenir sa promesse. Là où les Poilus rejoignaient par milliers leur Créateur.
La première mission arriva vite. Arthur et ses camarades devaient faire sauter un pont afin d’arrêter la progression de l’ennemi. Mais ce à quoi il ne s’attendait pas, étant le plus jeune du bataillon, c’est qu’on l’envoie seul poser la bombe sur le pont. On lui mit entre les mains des bâtons de dynamite maladroitement fagotés qu’une mèche de deux ou trois mètres surmontait. Ensuite, on l’emmena voir le pont qu’il devait faire sauter. Lorsqu’il vit le pont, il faillit défaillir, car il était gigantesque, et il n’y avait aucune chance qu’il s’en sorte vivant avec une mèche aussi courte. L’esprit d’Arthur dérailla. Il pensa à un million de choses en un instant. Il devait rester vivant. Il l’avait promis à Madeleine. C’est en début de soirée qu’il eut une idée de génie. Il se saisit de la sacoche qui renfermait ses outils et de quelques montres. Il s’en servait pour passer le temps et pour ne pas perdre la main, car une fois la guerre finie, il comptait bien retourner aux affaires. Alors, il se mit à l’ouvrage et au petit matin, il avait œuvré en secret. On vint le chercher une heure et demie plus tard. Il y avait dans l’air la même gêne que celle qu’on ressent lors d’une pendaison, la honte de tirer un certain plaisir de la mort d’un être humain. Arrivés au pont, les camarades d’Arthur lui souhaitèrent bonne chance sans aucune sincérité. Arthur qui conservait la bombe dans son sac leur jeta un regard incrédule. Il ne savait pas quoi leur dire, mais il connaissait un son qui en disait plus que n’importe quel discours : « Pff… »
Il partit seul vers le pont, mais, une trentaine de minutes plus tard, ses camarades ébahis le virent revenir. Le pont n’avait bien sûr pas sauté.
L’un d’entre eux le prit à partie : « Espèce de lâche ! Tu t’es dégonflé ! Tu vas y retourner et faire ce qu’on t’a ordonné de faire, car je n’irais pas au mitard pour toi ! »
Arthur lui jeta un regard noir, puis consulta sa montre. Il leva le poing en direction du pont et l’ouvrit d’un coup pour feindre la gestuelle d’une explosion. À peine dépliait-il ses doigts que le gigantesque pont fut soufflé. « BOUMMMMMMM… »
Les autres soldats étaient terrorisés. Ils regardaient l’horloger comme s’ils venaient d’assister à un tour de magie d’Harry Houdini. Il leur expliqua qu’il avait fabriqué un détonateur avec une montre, un peu de poudre et un grattoir à allumette, et malgré tout le respect qu’il avait pour eux, il avoua qu’il serait mort s’il avait utilisé la mèche.
Cet épisode remonta vite aux oreilles de l’état-major et Arthur devint très vite un des éléments les plus importants de l’armée française. On le nomma artificier en chef. Il ne serait plus jamais envoyé au front et il serait responsable de la confection des bombes utilisées par l’armée de la République. Arthur était aux anges, sa promesse serait tenue. Il écrivit sur-le-champ à Madeleine pour l’informer que, grâce à ses créations meurtrières, ils seraient bientôt réunis. La réponse de Madeleine lui parvint une dizaine de jours plus tard ; sa lettre disait à quel point elle était soulagée de le savoir en sécurité après avoir vu tant de blessés de guerre arrivés à l’hôpital. Elle y avouait aussi l’inquiétude qui l’avait rongée pendant tout ce temps.
Les années de guerre s’écoulèrent sans qu’Arthur ait à voir un champ de bataille. Il fabriqua des bombes, toujours plus grosses et plus destructrices. Le 11 novembre 1918, la fin de la guerre fut proclamée et, quelques mois plus tard, le jeune homme retrouvait son horlogerie du boulevard Saint-Michel. Le jeune couple était si heureux d’avoir traversé cette funeste période sans une blessure si ce n’est celle que de telles atrocités laissent au cœur et à l’âme. Ils décidèrent que ce serait le bon moment de concevoir un enfant, car le temps passait et il serait bientôt trop tard. Leur bonheur n’était pas partagé par tous les Parisiens, car la guerre avait laissé derrière elle beaucoup d’orphelins démunis et de laissés-pour-compte en tout genre. La criminalité était galopante dans la ville. C’était monnaie courante que de voir des crimes ignobles commis pour une bouchée de pain, et Arthur allait découvrir que les plus grandes souffrances humaines ne se vivaient pas à la guerre, mais en société.
Même si ça ne faisait que trois mois qu’il était rentré, l’horloger s’était accoutumé aux horaires contraignants de son épouse. Quelquefois, elle ne rentrait pas de la nuit à cause de quelque incendie qui avait blessé gravement des dizaines d’habitants. Ce fut donc sans surprise qu’Arthur ne s’inquiéta pas lorsqu’il ne vit pas Madeleine près de lui au réveil. Il ouvrit la boutique comme à son habitude, mais lorsqu’il vit les pendules de l’horlogerie indiquer midi et que Madeleine n’avait toujours pas donné signe de vie, un étrange sentiment l’envahit. Il sentait l’incongruité du moment. Il servit les clients qui étaient dans la boutique, puis une fois la porte

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