Les Anneaux de Saturne

Laurent Guyot

Description

« Un homme, une femme, un enfant, des promesses qui précèdent les petites haines et les grandes trahisons, une étincelle, une explosion, une vie de poussières poussée par les vents contraires jusqu'aux anneaux de Saturne à la périphérie de l'essentiel... »

Sujets

• Autre

Informations

• Publié par: Edilivre
• Date de parution: 08 juin 2020
• Nombre de lectures: 3
• EAN13: 9782414453382
• Langue: Français

Extrait

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ISBN numérique : 978-2-414-45337-5

© Edilivre, 2020
I
Je rentre dans la boucherie, la clochette accrochée à la porte en profite pour tinter. Le propriétaire est planté derrière ses vitrines réfrigérées, un tablier lie-de-vin couvre son embonpoint, il y est écrit « la viande c’est la vie ».
Mon regard se porte sur les vitrines dans lesquelles s’expose une composition originale de chairs sanguinolente ; ces cadavres mis à nu éveillent en moi des souvenirs de villégiature. Me revient à la mémoire cet après-midi brumeux à Namur, où je déambule seul près du quartier de Brumagne, des prostituées à moitié nues, de rouge vêtues, se dandinant derrière des vitrines de boucher.
— Et le petit monsieur, qu’est-ce qu’il veut ?
Perdu dans mes pensées :
— Une pipe.
Le boucher ouvre grand ses yeux de cochon puis se tourne vers sa femme qui fait comme à son habitude, bonne garde, les deux mains sur la caisse. Il faudra lui passer sur le corps. Aucun ne s’y est risqué.
— Non je blague, une belle entrecôte.
— Pour deux ?
— Oui.
— Ah bah, voilà qui est plus sérieux ! Tenez, j’ai une belle entrecôte : du charolais premier choix, élevé à l’herbe grasse.
— Je prends.
En jetant négligemment le morceau de barbaque sur la balance :
— Douze euros tout ronds.
Je me dirige un peu anxieux vers la caisse.
Un sourire commercial traverse le visage ingrat de la patronne. La caisse s’ouvre sans sourciller, mon billet disparaît de ma main sans que j’aie eu le temps de le présenter, une poignée de menues pièces est jetée dans la coupole située sur le petit comptoir. Le sourire est toujours là, mais de plus en plus crispé. Je tourne les talons et je sens le souffle du mépris sur ma nuque. « Vieux pervers ! » « Vieille conne », pensai-je en remerciant le boucher qui venait d’entamer la découpe d’un faux-filet.
Une petite pause chez Mourad dit Momo s’impose. Je m’installe à la terrasse, presque à la même place. Momo m’ayant aperçu, planté derrière son zinc en cuivre, se dirige vers moi, armé d’un café crème et du « Parisien ».
Il s’assied à côté de moi et, comme à son habitude, sort un de ses petits cigares cubains, importés on sait comment, on ne sait par qui. Toujours le même rituel, il le porte délicatement à hauteur de ses narines, prend une inspiration, ferme les yeux.
...