Les Clameurs du pavé
161 pages
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Les Clameurs du pavé , livre ebook

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Description

Extrait : "Le ciel est gris, orageux, sinistre. Des nuages amoncelés, lourds, noirs, cuivrés par places, fouaillés par un vent furieux, courent, déchiquetés, laissant prendre après eux comme de sales haillons. On entend, au loin, un mugissement sourd, un râle. Parfois, un clapotement. Et une gerbe d'écume s'élève, blanche, au-dessus de la ligne des eaux qui se confond là-bas, sombre, avec l'horizon sombre..." À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. 

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Publié par
Nombre de lectures 15
EAN13 9782335050714
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335050714

 
©Ligaran 2015

Mars 1884.
Dans un des chapitres de son livre, l’auteur raconte que pendant les jours de la semaine sanglante, il vécut en pleine tempête du canon. Quand la bataille agonisait, se glissant jusqu’à la fenêtre, le gamin vit fusiller un insurgé debout sur une barricade démolie où saignait le dernier drapeau rouge. Il se rejeta en arrière, glacé de terreur, et il en a encore le frisson en y songeant.
Qui a vu ces choses, si jeune, prend vite la haine du massacreur et le goût du combat.
D’autre part, Meunier est le fils d’un excommunié qui ne fit jamais baptiser ses moutards.
C’est une chance d’avoir gigoté dans un berceau auquel on n’a accroché ni médailles ni scapulaires. Les libres-penseurs les plus farouches ne sont souvent que des religiosâtres à l’envers, n’ayant fait que changer de cierge, parce qu’il leur est resté malgré tout dans le sang la goutte d’eau bénite qu’infiltre l’éducation frottée de catéchisme.
Meunier ne s’est pas laissé prendre à l’hypocrisie des jésuites tricolores ou rouges, n’ayant pas commencé par le respect des jésuites noirs, et il est entré dans la mêlée sans avoir le culte d’aucun pontife ni d’aucune relique.
Il n’est arrêté par rien. Il va droit devant lui et se jette au secours de tous les sacrifiés, même quand les clous du sacrifice ont la rouille du crime. Il explique la faute, il excuse le mal. Il ne demande pas aux écrasés des brevets de vertu.
Par ce hardi, le juge est traîné sur la sellette à côté de l’accusé, le mariage civil est fouetté comme le mariage religieux – à tour de bras. Il est contre toutes les tyrannies celles qui lient les mains comme celles qui veulent souder les cœurs. Bravo, mon gas !
Il serait une exception, une sorte de phénomène s’il n’avait pas son estampille de servage quelque part sur la peau.
Il est le serf de son Hugolâtrie. Le romantisme lui sort par tous les pores, empâte son encre et gêne la libre allure de sa phrase.
Il faudra se débarrasser de ça, mon camarade. – Et, pour commencer, si vous m’aviez consulté avant d’attacher une enseigne à votre bouquin, je vous aurais conseillé de ne pas l’appeler : Les Clameurs du Pavé .
Mot déclamatoire ! – Quand on serre de si près que vous la réalité des souffrances humaines, il faut mettre au-dessus d’une étude sur la douleur des simples, un titre simple.
D’entre les pavés il ne sort de clameurs qu’aux époques de grandes tueries ; des clameurs qui déchirent le ciel pendant le premier jour de la bataille. Mais dans le cours ordinaire des choses, celui qui colle son oreille à terre n’entend que des soupirs et des sanglots, des soupirs qu’on étouffe, des sanglots qu’on étrangle. La misère ne hurle pas – la faim bâille !
Les douleurs n’arrivent à se masser, à trépigner sur la place publique qu’après de longues marches dans l’obscurité, pieds nus.
C’est ainsi qu’on les voit passer, isolées et mornes, dans le livre – dont le titre seul a tort.
L’œuvre est honnête, sincère, vivante. Elle fait honte aux livres de ce genre signés de noms célèbres où il n’y a jamais que la flatterie pour les vainqueurs, et toujours le dédain ou l’oubli des vaincus.
Voici un jeune homme qui s’engage à fond dans la lutte ; sans regarder à se faire des parrains ou des ennemis. Il faut remercier ces gaillards-là – surtout quand, chez eux, l’ironie emboîte le pas à la colère. Meunier, né natif de Paris, garde le rire aux lèvres. Il ne me déplaît pas de voir repasser l’eustache de Gavroche sur la faulx de Vindex.

JULES VALLÈS
La grande marée
Le ciel est gris, orageux, sinistre. Des nuages amoncelés, lourds, noirs, cuivrés par places, fouaillés par un vent furieux, courent, déchiquetés, laissant pendre après eux comme de sales haillons.
On entend, au loin, un mugissement sourd, un râle.
Parfois, un clapotement. Et une gerbe d’écume s’élève, blanche, au-dessus de la ligne des eaux qui se confond là-bas, sombre, avec l’horizon sombre.

Sur la grève on se presse, on attend. C’est la grande marée.
Le vent fait voler en pluie fine le sable. Un grain : des gouttes d’eau bousculées, rageuses ; on s’abrite tant bien que mal sous des parapluies qui se courbent, gémissent. On regarde.

La mer s’avance. Par petites lames d’abord qui meurent sur le sable, étalées, lançant devant elles des rouleaux d’écume qui semblent ramper pour gagner quelques centimètres de plus, et que l’aquilon enlève en larges flocons. Puis les grosses vagues arrivent.
Poussant de formidables clameurs. On les voit accourir pressées, se bousculant, jetant vers le ciel gris d’éblouissantes envolées d’écume. Le vent hurle.

Des montagnes d’eau, énormes. Elles arrivent dans un bercement rapide, soudainement se dressent, effroyables, gigantesques, puis se creusent et retombent en cascade dans un rejaillissement superbe de blancheur écumante. Et après une autre, une autre. Une autre encore après. Elles se suivent, grimpent les unes sur les autres, se précipitent, se ruent, comme si la mer donnait l’assaut à la terre.
Les curieux rassemblés sur la plage, se taisent. Pas une plaisanterie. Pas un rire bête. Cette majesté sublime emplit tous les cœurs d’une sorte de recueillement.
L’ouragan infatigable chasse les vagues en avant. Elles montent. Toujours plus effrayantes, hautes ainsi que des maisons, s’écrasant sur le sable, roulant les galets, emportant dans leur irrésistible remous les algues marines et les épaves de toute sorte amenées du large.
L’homme, en contemplant cette puissance, se sent petit.

Par une éclaircie des nuages qui, craquelés, se frangent d’adorables tons roses, le soleil déjà bas, envoie, en gloire, ses rayons pâles sur l’Océan déchaîné. Il semble que les flots aient rompu toute entrave. Encore, encore des vagues, qui balayent tout et se retirant, sont ramenées par d’autres, acharnées. Pas une voile à l’horizon. La réverbération du couchant, pourprée, sur la mer verte.
La lune, à l’autre bout du firmament, se lève, ronde et rouge.

Et l’on pense à l’autre marée qui viendra, que nous verrons.
Car déjà on entend au loin, le mugissement sourd, le râle fait de pleurs, de cris de colères, de gémissements, d’imprécations désespérées ; le râle de ceux qui souffrent ; le râle des prolétaires à bout d’agonie.
Ah ! ils viendront. Regardez : ils viennent. Leur formidable phalange s’ébranle. Ils accourent en bandes pressées, tumultueuses, vers ceux qui les grugent, les exploitent, les volent, les tuent. Et ceux-là essayent de fuir, d’échapper à la marée montante. Peine inutile. Le peuple soulevé submerge tout. Le déluge. Il fait justice des traîtres et courbe les imbéciles sous son talon puissant. Regardez. Qu’importent que les premières vagues soient brisées et que des corps sanglants soient rejetés au large, mutilés ? D’autres combattants arrivent, invincibles, et, sous leurs coups répétés, voyez les bastilles géantes qui croulent et s’effondrent !

Maintenant la mer est montée, « bat son plein. »
Une tranquillité sereine sous le regard ami des astres resplendissants. Tout à tous. La force unie au droit victorieux. Cherchez les têtes qui s’élevaient naguère, ambitieuses, pleines de coupables pensées. Plus rien ne dépasse le tranquille niveau des eaux souveraines. Plus de cris de haine ou de fureur. Un chant calme monte vers le ciel, d’harmonie, de bonheur et de paix.

Seulement, lorsque l’Océan a atteint son plus haut point, il se retire, abandonne le terrain si péniblement conquis ; le peuple, lui, une fois la bataille commencée, ne marchera plus qu’en avant.
Les deux plateaux de la balance
Je compulse les journaux. Voici ce que j’y trouve :
Rue Villejust, une famille meurt de faim. Le père, balayeur, phtisique au dernier degré, s’épuise à gagner trois francs par jour. Six enfants malades, presque tous poitrinaires comme le père. La mère malade depuis quinze mois. Pas de pain, – c’est à la lettre.
Rue Haxo, autre famille. Le père malade, la mère enceinte, cinq petits enfants. Le père, à bout de forces, meurt. La femme presque au même moment accouche de deux jumelles. Huit personnes. Pas de

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