Les Lettres européennes
166 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les Lettres européennes , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
166 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« C'est ainsi qu'animé d'un violent sentiment d'attachement à ma terre natale, si jaloux de l'indépendance de notre Royaume, je n'ai pu m'empêcher d'exprimer mes doutes et de déclarer mon scepticisme, auprès d'un Grand Commis de cette Union, sur la pertinence de son Europe. L'interpellant, sans détour, sur le devenir de sa Communauté qui agissait à la fois au dessus et pour le compte des Royaumes et Comtés, sur ses incohérences, sur son approche énarchique des problèmes, sur sa folle prétention à vouloir incarner l'unité dans cette diversité, sur sa propension à s'immiscer dans les petites affaires des peuples européens, sur son abondance de règlements et son déficit de sens, sur sa façon de privilégier la légalité au détriment de la légitimité, sur son inclination à vénérer les droits de l'homme au point de pervertir son héritage humaniste, j'ai fini par l'interpeller de la sorte : “Ha ! Ha ! je vois bien que Monsieur est un Européen convaincu ; comment peut-on encore être européen !” »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 octobre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342057294
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Lettres européennes
Quieutesmon
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Les Lettres européennes
 
 
 
«  La plupart de nos vacations sont farcesques  »
Montaigne
Prologue
À l’été de l’an de grâce 1721 du calendrier de l’ère de l’Epire (qui correspond en Europe à l’année 2014 du calendrier révolutionnaire Grégorien), Synopsis, un hiérarque du Royaume républicain de Cursus, situé ici et ailleurs, maintenant et autrefois, est envoyé par son Monarque démocratique, pendant plus d’une belle et bonne année, au sein de l’Union des contrées européennes (connues sous le nom d’Union européenne mais qu’il appelle indifféremment Europe, Union ou Communauté), afin de lui relater ce qu’il a pu y voir et y entendre. Il en est revenu en fait peu avant la votation populaire des Anglois, dont on connaît maintenant le dénouement.
 
Ce bon Roi souhaite connaître comment cette Europe est organisée et, en particulier, la façon dont cette Union gère collectivement ses affaires extérieures et ses missions de paix avec les contrées étrangères, au titre de ce qu’elle nomme « Politique de sécurité et de défense commune » ; ce qui intrigue grandement ce grand Souverain, car, passe encore le commerce, l’agriculture, voire la monnaie, mais la diplomatie et la soldatesque ? Ceci ne peut être à ses yeux que l’apanage plein et entier d’une nation, conformément à l’idée qu’il se fait de l’ « ultima ratio regum  », devise qui est, quand même, gravée sur les canons de ses armées, à l’imitation de ce Roi des Francs qu’on appelait « Roi Soleil » afin de célébrer sa grandeur. Mais là s’arrête, bien entendu, la ressemblance avec ce très grand Royaume européen.
 
Synopsis, véritable missi dominici , dispose à cette fin d’une lettre de créance qui lui permet d’évoluer au sein de cette Union et de s’entretenir tant avec des Commis et Grands Commis qui la servent avec diligence et conviction, qu’avec des émissaires représentant leurs contrées dans la capitale européenne.
 
Ce livre est ainsi le recueil de la correspondance épistolaire que Synopsis a entretenue, au fil de son séjour sur ces terres sises entre le Levant et le Couchant, avec son fidèle ami Syllabus, grand Conseiller auprès du Souverain du Royaume de Cursus. En vérité, n’y figurent que les missives envoyées par Synopsis, les réponses adressées par Syllabus sur l’état de ce Royaume ne présentant pas un grand intérêt, dès lors que de nombreux chroniqueurs locaux en assurent la relation. D’ailleurs, l’intérêt en serait tout relatif car, au Royaume de Cursus, « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes », et si d’aventure ce n’est pas encore tout à fait le cas, ce ne saurait tarder !
 
Ce ne sont là, bien entendu, que quelques réflexions et sentiments pris sur le vif et confiés en toute franchise à un proche, avant que l’auteur de ces lettres prenne un peu de recul dans la narration, plus appropriée, et le compte rendu, plus éclairé, qu’il doit faire à son maître à son retour.
Lettre I. De la capitale de l’Europe
Mon cher Syllabus,
 
Je suis arrivé depuis peu dans la cité de Bruxelles, capitale de cette Europe.
 
Je ne sais ce qui a présidé au choix de cette ville qui incarne désormais cette Communauté de contrées européennes ; et ce qui a poussé les pères fondateurs de cette Union à élire domicile en Gallia Belgica . Sans doute est-ce là le fruit d’un compromis, dont on me dit ces Européens si friands, entre les six contrées d’origine. Ou alors ces grands Clercs avaient-ils déjà anticipé que cette cité se trouverait un jour quasiment au centre d’un ensemble plus vaste ? Auquel cas, l’on ne pourrait que s’incliner devant leur talent divinatoire.
 
Si tu veux mon avis, ils auraient été mieux inspirés d’en jeter les fondations dans une ville plus au sud, au climat plus clément et à la douceur de vivre dont savent jouir les peuples riverains de la Mare Internum . J’ai dû ainsi rapidement faire l’acquisition dans une échoppe de cet objet, si répandu ici, qui permet de s’abriter des humeurs du ciel, si fréquentes dans ce Royaume. Et il n’est point facile de s’y mouvoir tant cette cité semble en proie à une frénésie de travaux de voirie. J’ai d’abord eu l’immodestie de penser qu’un quelconque dignitaire du Prince local, ayant eu vent de ma présence, avait souhaité embellir sa capitale. Mais tous mes interlocuteurs m’ayant détrompé, j’appris qu’il en fut ainsi de tout temps et que, si l’on se rendait nécessairement compte du début des travaux, l’on n’en voyait jamais la fin. Curieusement, quels que soient le nombre et la durée des travaux, il y a toujours autant de nids-de-poule qui parsèment la chaussée, à croire que ceux-ci se font un malin plaisir à narguer les cantonniers de ce Royaume. C’est, du reste, un exercice périlleux que de se déplacer dans cette ville car il faut te garder en permanence des carrosses qui te viennent de la droite, ayant préséance, même lorsqu’ils sortent de nulle part. Et si j’en crois le nombre de fois où j’entends sonner les cors de la maréchaussée, j’en déduis que les coupeurs de bourses doivent être bien aises dans cette cité prospère, qui ne manque pas non plus de quémandeurs, ou plus exactement de mendiantes aux bras chargés d’enfants propres à inspirer la commisération et de bien fâcheux scrupules, demandant la charité en des lieux qui me semblent fort judicieusement choisis.
 
Sinon la cité me semble fort agréable, jouissant d’une grande verdure, qui ne saurait toutefois égaler la magnificence des anciens jardins suspendus de Babylone, bien sûr. D’autant que les tous les bâtisseurs de cette ville n’ont jamais dû être en bons termes les uns avec les autres, car il n’y a pas un palais ou une maison qui se ressemble. On me dit qu’on peut y faire bonne chère et s’y restaurer avec la même délectation et le même raffinement dont on peut jouir, semble-t-il, au Royaume des Francs. Ce qui ne devrait pas manquer de ravir mon palais, mais pourrait bien gâter, j’en ai bien peur, ma complexion. Quant à ces longs wagons se mouvant sur rail, bien commodes pour transporter tant de monde, ils se piquent par trop fréquemment à mon goût, d’avoir la politesse des Rois en voulant bien faire patienter leur monde. M’en étant ouvert auprès d’un Commis qui me semblait être le maître des lieux attendu qu’il braillait plus fort que les autres, j’ai bon espoir, celui-ci s’étant avisé de ma qualité, que cessent sous peu ces fâcheux contretemps.
 
L’autre jour, m’étant égaré dans certains faubourgs s’adonnant à des mœurs que la morale réprouve, bien malgré moi comme tu peux t’en douter, je m’enquiers de mon chemin auprès d’autochtones à la mine avenante et réjouie, qui sortaient juste d’une échoppe à la fréquentation, ma foi, engageante. Le premier me répond dans une langue, le second dans une autre. J’ai d’abord cru que les sujets de ce Royaume Belgeois parlaient différents patois selon leur gré. « Non point Monsieur, me répond l’un d’entre eux, et je dois vous avouer que je n’y entends pas grand-chose dans le jargon de mes autres compatriotes ; l’inverse est vrai, du reste, mais cela ne nuit point, car nous vivons chacun de notre côté. La discorde ne survient que lorsqu’il s’agit de partager les richesses communes. » Voilà une bien singulière contrée, me suis-je dit, qui fait coexister deux jargons sur le même sol ; et de bien originaux Belgeois pour s’être donné comme symbole de leur capitale la statue microscopique d’un gamin qui pisse, qu’on affuble régulièrement des plus improbables costumes et qui aurait même été décoré de la Croix de Saint-Louis ; ce qui impose normalement aux troupes, comme tu le sais, de lui rendre un salut militaire. Cette obligation a dû être bien vite oubliée, car il semble qu’aucun troupier ne s’y soit jamais plié.
 
En tout cas, mon cher Syllabus, cette ville doit susciter bien des convoitises, vu le nombre d’émissaires européens et de sociétés étrangères, d’organisations, d’institutions, de corporations, de congrégations, de coteries, toute une kyrielle de marchands du temple en somme, qui semblent tous attirés par la manne financière de cette Union, comme des mouches par le vinaigre. Assurément, cette Communauté est une bénédiction pour les affaires et le commerce qui semblent bien prospérer au sein de cette cité. Au point que l’on peut se demander si elle est encore la capitale de ce petit Royaume. C’est peut-être, après tout, le prix à payer pour incarner le cœur de cette Union, tout à la fois si proche et pourtant si lointain aux yeux des peuples qui la composent, si j’en crois les lectures qui ont agrémenté mon voyage en ces lieux.
 
Avec ma fidèle amitié, ton très dévoué Synopsis,
 
De Bruxelles, le 3 Messidor de l’an de grâce 1721
Lettre II. De la présence de l’Union dans la cité de Bruxelles
Mon cher Syllabus,
 
L’Union a donc pris ses quartiers dans cette cité, à quelques lieues du centre historique, installant le siège originel de ses institutions autour d’une célèbre croisée des chemins, connue ici de tous et, je dois dire, très ingénieusement conçue en rond de la part de quelque architecte européen puisque tu peux en faire le tour autant de fois que tu le souhaites sans jamais t’arrêter.
 
Depuis ses débuts, cette Communauté n’a cessé de grossir, non point tant par vanité que par nécessité, m’a-t-on toutefois précisé, au point d’ingurgiter petit à petit tout ce qui l’entoure. De sorte que tu peux voir le blason de cette Union, l’étendard bleu aux douze étoiles jaunes, à tous les coins de rue. D’après

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents