Les mal-aimés
144 pages
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Les mal-aimés , livre ebook

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Description

Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne peut s'exprimer qu'en répondant : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi. » MONTAIGNE
Romain a épousé Irène, riche veuve, pour pouvoir demeurer auprès de Fabrice, le fils adoptif de cette dernière, qu'il aime en secret - Irène qui n'est pas s'en éprouver elle-même un sentiment amoureux pour celui qu'elle a adopté. Dans la demeure cossue qui les abrite, le vieux serviteur, personnage mystique et tourmenté, est amoureux transi de sa maîtresse. Quand Fabrice découvre à son tour son amour pour Romain, la passion des deux garçons attire sur leurs têtes les foudres des deux individus trahis et frustrés.

L'histoire de Fabrice et Romain rejoint la légende de « la plus célèbre des histoires du cœur ». Dans ce récit en forme de conte moderne et à travers le mythe de Tristan et Iseult, c'est un peu la version qu'en a donnée Jean Cocteau avec le film L'Eternel retour qui est ici librement revisitée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 janvier 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332631350
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-63133-6

© Edilivre, 2014
Citation

Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer qu’en répondant : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »
MONTAIGNE
Première partie
Chapitre premier
La solitude n’est jamais ressentie avec plus d’acuité qu’au sein d’une communauté avec laquelle on ne se sent pas d’affinité. Ce sentiment d’isolement affectait d’autant plus Irène, ce soir-là, qu’il se doublait d’une cuisante amertume. Dès le premier coup d’œil, et de la façon dont la table était disposée, elle avait deviné que ce dîner serait mortel, qu’aucun intérêt ne prévaudrait contre son ennui, qu’il la replierait un peu plus sur elle-même, avivant, comme par malice, son éternelle frustration. Elle se disait aussi que sa belle-sœur n’avait pas failli à sa légendaire étourderie, confinant à présent à la bêtise, sinon à l’indélicatesse. Une main sur le cavalier où son nom s’étalait en lettres d’or, ses doigts hésitaient, fébriles, réprimant avec peine son envie de le pétrir en boule pour le jeter à la tête de cette impénitente écervelée. De son envie, du moins, de quitter la table et de repasser la porte sans un mot d’explication et sans autres formalités. « Peut-être cela aurait-il pour vertu de corriger une bonne fois l’inconséquence de Florence », remâchait-elle à travers son agacement à demi refoulé.
Elle se sentait tellement ridicule, presque humiliée, placée comme une comparse dédaignée entre deux couples de fades blancs-becs fort occupés d’eux-mêmes et de leurs vis-à-vis si semblables. Il y avait bien parmi les convives son neveu Fabrice, mais sa belle-sœur avait eu la bonne idée de l’installer à l’autre bout de la table, où il était accaparé à ce moment par un charmant jeune homme qui, comme la majorité des invités présents pour la circonstance, lui était tout à fait étranger. Certes, fallait-il, sur ce dernier point, mettre à la décharge de sa belle-sœur le fait que Fabrice et elle étaient arrivés avec un retard qui avait quelque peu contrarié le protocole et fait échec aux présentations. De sorte que, abstraction faite de leurs hôtes : son frère Louis et son épouse – dont on célébrait précisément les noces d’argent –, leur fille Éloïse et une ou deux têtes plus ou moins familières, Irène se trouvait en présence de parfaits inconnus.
Les jeunes gens prenaient un plaisir flagrant à rivaliser entre eux de belles phrases ronflantes et creuses, son frère, pour ne rien changer, était éperdument absent, Florence, en faisant de grands gestes, ouvrait une bouche démesurée pour aligner avec une assurance déconcertante des lieux communs des plus accablants, quant à son neveu, il l’ignorait totalement.
À l’issue du repas, peu après l’inévitable pièce montée et aux premières notes de musique, Irène fit savoir, avec des manières auxquelles sa nature délicate et sa bonne éducation ne pouvaient manquer, qu’un léger malaise lui commandait de rentrer. La douceur du soir et l’idée d’avoir échappé à cette oiseuse compagnie sans s’être départie de ses principes de décence lui mirent un peu de baume au cœur.
À l’instant d’allumer le moteur de sa voiture, elle entendit de grands pas bruyants se rapprocher d’elle. Fabrice sauta à son côté, boucla sa ceinture sans un mot. Sa présence, aussitôt, enchanta Irène, lui inspira comme un sentiment de triomphe.
– Tiens ! dit-elle d’une petite voix chantante, je t’avais presque oublié.
Fabrice lui jeta un coup d’œil navré.
– Pourquoi cette hâte à me rejoindre ? La compagnie de ce jeune homme n’était donc pas aussi captivante qu’il y semblait ?
– Vous m’en voulez, ma tante. Prenez-vous-en plutôt à votre belle-sœur. Ce n’est pas moi qui ai décidé de ma place à cette table ni de la présence de cet inconnu à mes côtés. Et puis, je ne pouvais décemment pas me comporter autrement vis-à-vis de qui me prêtait un si vif intérêt. Disons que votre départ a bien arrangé les choses ; il a favorisé le mien.
– Dois-je comprendre que je t’ai sauvé la mise ? railla Irène.
– Pour ne rien changer, ma tante.
Irène sourit d’un air rêveur, mit le contact et démarra.
Elle s’abandonnait à cet instant à une satisfaction voisine du bonheur. Chaque fois qu’une marque d’intelligence se manifestait entre Fabrice et elle, c’était comme un jalon qui l’en rapprochait, comme un avantage gagné sur son infortune ; elle goûtait un peu de sel à la vie, à sa vie. Fabrice – qui en réalité n’était pas son neveu, mais un gamin adopté peu avant le décès de Charles, son époux –, avait pour elle valeur d’antidote. Il était le seul remède à son ennui et à sa solitude. Au reste, et sans pour autant exclure une réelle tendresse, son attachement pour lui relevait plus sûrement du sentiment amoureux. Elle eût manifesté en effet à l’égard de ce charmant jeune homme, depuis quelques années maintenant, une franche passion, si l’absence de goût de ce dernier pour la gent féminine ne s’était interposée entre eux comme une barrière quasi insurmontable. Car Fabrice aimait sincèrement celle qu’il se plaisait à considérer comme sa tante véritable et qu’il appelait volontiers par ce nom, peut-être pour prévenir, inconsciemment ou non, une méprise qui eut pu être extrêmement pénible tant pour elle que pour lui lors de certaines effusions. Plus encore pour elle probablement, et bien que ces choses entre eux n’eussent jamais été réellement exprimées.
Au sortir de ces terribles années passées dans des foyers pour orphelins, Fabrice avait goûté dans les bras de sa providence une ébriété sans pareille. Il s’était senti délivré, un peu comme miraculé. Il avait entrevu que la vie pouvait ressembler parfois à ces contes pour enfants où les prodiges finissaient par triompher des pires disgrâces, et il en avait déduit, tout ingénument, qu’Irène était sa bonne fée. Avec elle, désormais, toute menace serait écartée.
Irène avait déployé, il est vrai, des trésors d’affection et de sollicitude. Elle l’avait choyé et gâté bien plus que sa mère qui, elle, n’en avait jamais eu les moyens. Car Fabrice, que son père n’avait pas reconnu et qui les avait abandonnés, avait vécu auprès d’elle une enfance misérable, lourde de privations. Avec Irène, en revanche, il avait connu l’opulence et la vie facile. Pas plus qu’elle ne l’avait contraint à mener de longues études, elle ne l’avait astreint à des obligations, lui accordant de tout temps, sans réserve et sans condition, la pleine liberté d’employer son temps à sa guise.
L’étonnante candeur que Fabrice conservait en dépit de l’adversité qui avait affecté les toutes premières périodes de son existence, la fraîcheur de ses sentiments, le regard tendre et paisible qu’il posait sur les choses et sur elle, c’était tout ce qu’Irène se fut blâmée d’altérer. Tout ce dont elle avait été dépossédée depuis longtemps et qu’elle considérait aujourd’hui comme l’un des biens les plus précieux que la vie put nous offrir. La grâce de l’innocence, le privilège de l’insouciance et de l’irresponsabilité ; ce vert paradis en regard duquel tout ce qu’elle avait acquis de culture, de connaissance et de pratique du monde, lui semblait une piètre compensation.
Du reste, les ressources étaient loin de manquer à cette héritière fortunée, bien décidée à assurer l’avenir de celui qu’elle avait adopté légalement. Sur ces terres angevines où elle avait longtemps goûté la douceur de vivre avec son époux, elle ne vibrait plus que par la présence de Fabrice à ses côtés et par les marques d’attachement qu’il ne manquait aucune occasion de lui témoigner. Auprès de lui, dans ce manoir dont elle n’occupait plus que le corps du logis et où elle lui abandonnait l’entière disposition d’une aile désaffectée, elle espérait pouvoir enfin trouver la sérénité qui bercerait ses vieux jours.
– Qui était ce séduisant jeune homme ? demanda-t-elle après un petit moment de silence.
Fabrice, resté comme elle, jusque-là, sans paroles, hésita une seconde.
– Que puis-je vous rapporter à son propos ? Sinon qu’il se nomme Romain et qu’il fait médecine.
– Un condisciple d’Éloïse, en somme. Ce qui explique sa présence à ce banquet, mais pas entièrement cependant l’intérêt exclusif qu’il semblait te montrer. Pourrais-tu m’éclairer sur ce point ?
– Probablement n’avait-il pas d’autre sujet de curiosité, étant placé à mes côtés. Mais puis-je également vous poser une ou deux questions, ma tante ? Que signifient au juste cet interrogatoire et votre souci de ce garçon ?
Ce fut au tour d’Irène de marquer un instant d’hésitation.
– Tu te doutes bien que ce n’est pas lui qui suscite particulièrement mon intérêt, dit-elle enfin. Je pensais à toi et je me disais que ce ne serait pas un si mauvais parti, ce carabin.
– Auriez-vous l’intention de vous débarrasser de moi, ma tante ?
– Non ! quelle idée ! Mais je trouve que vous feriez un très beau couple. Il a sensiblement ton âge, si je ne me trompe, bien qu’il paraisse légèrement plus vieux…
– Deux ans de plus, ce n’est rien.
– Je vois qu’il ne t’a rien laissé ignorer de lui. Il faut croire, au demeurant, qu’il ne manque d’aucun talent pour avoir retenu ton attention tout au long des agapes. Je ne me souviens pas t’avoir aperçu un seul instant tourner vers moi ton regard. Qu’est-ce qui a bien pu l’inspirer de la sorte, ce gentil jeune homme ?
La curiosité d’Irène, son insistance enveloppante et amusée cachaient en réalité une farouche et profonde anxiété. Comme on avance prudemment à l’intérieur d’une galerie souterraine inexplorée, elle cherchait, à tâtons, à pénétrer les secrets de Fabrice – Fabrice qui, bizarrement, gardait le silence.
Elle tourna vers lui son regard.
– Alors… ?
– Vous voulez vraiment l

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