Les Pétales froissés des coquelicots
100 pages
Français

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Les Pétales froissés des coquelicots , livre ebook

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Description

Qui sont ces personnages qui tissent, au fil des nouvelles de ce recueil, des fragments de leur vie, d’amour en désamour, entre rêve et réel ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334156783
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-15676-9

© Edilivre, 2017
Exergue


Tchouang-Tseu rêva qu’il était un papillon,
puis au réveil, se demanda
s’il n’était pas un papillon
rêvant qu’il était un homme.
Fable chinoise du IV e siècle avant J.C.
Elle faisait tourner sa robe blanche
Elle avait passé des heures à explorer diverses pistes sur internet et finit par dénicher un site offrant une copieuse panoplie de tenues variées et séduisantes, adaptées aux circonstances exceptionnelles que sont mariages, cocktails gourmands et autres soirées mondaines. Elle avait longuement hésité sur la taille, trop grande, trop petite, avait éliminé les modèles trop moulants, les fronces et godets trop bouffants. Elle avait pris elle-même plusieurs fois les différentes mesures de son propre corps et avait choisi de commander une élégante robe longue de satin gris fumée, drapée d’un vaporeux voile d’organza. De petites manches gigot et une sage encolure arrondie lui épargneraient le bustier qu’elle n’imaginait même pas oser porter.
Elle attend, une vague inquiétude lovée au fond de l’estomac. Quelle idée folle d’acheter une robe sans l’essayer ! À quoi joue-t-elle ?
Le colis arrive. Elle court enfiler la nouvelle robe, ajustée au corsage, légèrement évasée autour des hanches, souple, longiligne. Dès qu’elle entend la clé glisser dans la serrure, elle se précipite, juvénile. Devant lui, elle fait trois tours sur elle-même pour faire s’épanouir en corolle sa jupe. Petite fille, elle faisait cela quand son père rentrait. Elle le guettait derrière la porte, impatiente. Elle tenait du bout des doigts les bords du tissu immaculé comme pour une révérence. « Regarde, papa, comme je suis belle ! » et elle faisait tourner sa robe blanche. Il lui souriait, elle lisait tant d’amour dans ses yeux… Elle se sentait bien.
Ce soir, elle virevolte en robe grise devant son homme, cherche son regard et se fige sur place. Elle a reçu comme un coup brutal en pleine figure. Une chaleur subite empourpre ses joues. Son cœur cogne violemment jusque dans sa gorge nouée. Ses tympans vibrent en chuintant sous l’afflux précipité de sang.
– Qu’y a-t-il ? Articule-t-elle angoissée.
– Rien…
Silence pesant.
Elle a lu dans ses yeux noisette le rejet. « Il ment, mal » pense-t-elle. Elle n’est pas folle. Elle a perçu le point de fixation de son regard, pas sur la robe, non, sur son corps.
Elle revoit alors l’assemblée de petits vieux, assis sur leurs chaises, papotant dans la cour grise où vivait sa grand-mère. Quand ils arrivaient en famille, pour les vacances, à l’époque de son adolescence, tous les examinaient de la tête aux pieds, les jaugeaient, et commentaient leur mine, leur allure. D’elle on disait : « C’est une belle plante. Elle tient sur ses pieds. On pourra bientôt la marier. » Tout juste s’ils ne tâtaient pas la marchandise ! Leurs regards affamés qui la déshabillaient, l’humiliaient. Ses entrailles se nouaient, une vague de dégoût montait à ses lèvres. Elle finissait par détester un peu ces gens.
Elle est mariée depuis vingt cinq ans. Et le regard autrefois amoureux de son homme vient de la renier. Une sorte de panique monte en elle. Sa bouche est affreusement sèche. Elle s’agrippe à son bras, nerveusement, l’oblige à lui faire face, implorante.
– Je ne te plais pas ?
– Si. Mais tu pourrais peut-être… Il me semble que tu t’es un peu empâtée… Tu devrais essayer un petit régime.
Horreur ! Elle déglutit péniblement, tourne les talons et va s’enfermer dans la salle de bain. Empâtée ?… elle le dégoûte alors ? Suffoquée, elle se recroqueville les bras croisés sur son ventre crispé.
D’anciennes paroles enfouies dans les replis de sa mémoire se réveillent et s’entrechoquent en désordre. « Tu engloutis… Prends le temps de mâcher… Allez, ouvre la bouche… Avale… Ne te goinfre pas… On devrait toujours sortir de table avec une petite faim… Mange… »
La petite fille en robe blanche était un peu chétive, avait le teint pâle, les jambes et les bras trop maigres. Ses repas étaient un calvaire. Son père, ce héros, faisait le clown pour qu’elle ouvre la bouche. Sa mère, l’œil noir, enfournait. Elle pouvait garder des heures dans sa joue un morceau de viande mâchouillée, sans pouvoir l’avaler. On l’envoya en colonie sanitaire se refaire une santé. Elle déclara la varicelle. Perdue dans la blancheur de l’infirmerie, elle se nourrissait seulement de petits morceaux de nougat blanc aux noisettes croquantes. Son père vint la chercher. Elle s’était crue abandonnée. Elle se mit à dévorer.
Elle se regarde dans la glace terne et revoit sa grosse bouille ronde, ses épaules larges, sa poitrine trop opulente. Elle se souvient de longues crises de larmes devant l’affreux tableau qu’elle offrait à seize ans, trop grasse, boulimique, écœurée. « Tu ne peux pas porter de mini-jupe, ma pauvre fille… Ne mets pas ce grand pull noir, on dirait un sac… » Sa mère, si élégante, si féminine !
La femme mûre s’éloigne du miroir argenté pour se voir en entier. Sous ses yeux, elle vire pour faire tourner sa robe grise. C’est vrai. Elle a un peu grossi ces dernières années. Et alors ? Que pèse l’amour dans sa vie ? À question stupide, réponse idiote.
Elle sort le pèse-personne, monte dessus. À voix haute elle annonce : « Il y a quatre kilos de plus. Je laisse tout ou j’en enlève un morceau ? »
Martine
Réaction à la douleur de séparations fréquentes qui me brisaient le cœur ou simple caractéristique de mon tempérament ? Peut-être un intime mélange des deux m’a-t-il permis depuis toujours de nouer de fortes relations amicales. Fille de militaire, je souffrais des déménagements, des changements d’école tous les deux ans. Je devais à chaque fois me refaire des amies, puis m’en séparer avec chagrin.
Quand mon père a quitté l’armée, j’ai pu vivre dix ans dans la même ville. Martine a été ma meilleure amie, ma confidente, mon modèle et mon miroir durant toutes ces années. Nous avions dix ans lorsque nous nous sommes retrouvées assises l’une à côté de l’autre le jour de la rentrée. C’était une fille aux yeux pétillants d’espièglerie, avec un petit nez retroussé, les cheveux roux coiffés à la Jeanne d’Arc. J’étais « la nouvelle », elle m’adopta d’emblée. Sa mère était couturière, la mienne tenait une mercerie. La confiance s’étant instaurée entre elles, nous avons bénéficié Martine et moi d’une liberté extraordinaire. Nous avions le droit de passer des après-midis entiers ensemble. Nous nous confiions nos peines, nos joies, nos inquiétudes et nos espoirs, échangions toutes les informations que nous pouvions glaner. L’époque était alors plus discrète et intolérante sur bien des sujets que celle que nous vivons actuellement. Nous nous prêtions des vêtements, arborions la même coiffure, nous promenions bras dessus, bras dessous en ville, allions au cinéma puis manger une glace dans un petit salon place Gambetta.
Plusieurs fois, je fus invitée à passer le week-end chez sa grand-mère. La maison était immense. Nous dormions dans une grande chambre où il y avait deux lits antiques, très hauts, avec des matelas en laine, moelleux. Nous discutions dans le noir, à voix basse, piquant parfois des fous-rires que nous étouffions sous les draps pour ne pas nous faire gronder.
Une nuit, elle chuchota « Viens dans mon lit. On fera moins de bruit. » Le plancher craqua doucement sous la pointe de mes pieds. Mon amie tenait les draps soulevés, je me suis glissée prestement face à elle. L’abat-jour rose de la lampe de chevet filtrait une lumière douce. Nous nous tenions les mains, papotant dans un même souffle, les yeux dans les yeux. Nous étions bien, nichées au chaud. Je la trouvais si jolie ! C’est tout naturellement que nous nous sommes retrouvées dans les bras l’une de l’autre, que nous avons délicatement fait remonter nos chemises de nuit et les avons ôtées. C’est avec une suave lenteur que nos doigts et nos bouches se sont tendrement enhardis, ont effleuré, caressé, contourné, embrassé, léché, titillé et mordillé. Découverte du plaisir échangé, soupirs et larmes de trop d’émotion.
Au petit matin, debout devant la glace en pied de l’armoire, nous nous sommes regardées, admirées, comparées simplement. Nous nous sommes juré de garder ce secret, pour nous seules, comme un trésor. Aujourd’hui j’ose vous en dévoiler un infime soupçon. Vous pouvez en penser ce que vous voudrez, pour ma part, je ne regrette rien.
Nous nous sommes quittées quand Martine a rencontré François, qu’elle a épousé. J’ai obtenu un poste à l’autre bout de la France. Nous nous sommes écrit longtemps, revues une seule fois, la dernière il y a vingt-cinq ans.
Dolores
C’est une très sympathique soirée, le 21 juin, chez Pierre et Sylvie qui fêtent le baptême civil de leur premier enfant. Tous leurs amis sont là. Le papa est landais, un joyeux fêtard. Charcuteries, grillades, salades, vin rouge à volonté dans le jardin. On parle, on rit. Retrouvailles, musique, danse, rencontres… Il y a aussi des enfants, des bébés. Plusieurs fois, je croise le regard d’une jeune femme très brune, bouclée, avec de grands yeux noirs cernés de khôl. Je lui souris. Je ne la connais pas. L’occasion de lui parler survient lors du repas des petits. Nous nous retrouvons assises face à face, une cuillère à la main pour nourrir chacune notre rejeton. Elle a à sa droite une fillette de quatre ans, la sienne. C’est une amie d’enfance de Pierre, notre hôte. Ils sont du même village. Son prénom est Dolores.
Après le coucher des enfants, nous nous installons dans un coin du salon, dans des fauteuils. Un verre à la main nous continuons la conversation. Rapidement complices, nous nous racontons quelques événements de nos vies comme si

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