Les racines de l arbre rouge
224 pages
Français

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Les racines de l'arbre rouge , livre ebook

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Description

Il se réveille dans une gare, la tête dans le coton, sans aucun souvenir.


Impossible pour lui de se rappeler qui il est. Après une errance de plusieurs jours dans Paris et un séjour à l'hôpital, il est reconnu par sa femme. Mais lui ne la reconnaît pas. Que s'est-il passé ?


Les membres de sa famille, les amis, les médecins, les enquêteurs se relayent pour tenter de faire remonter ses souvenirs, mais Bernard ne se retrouve pas dans ce passé qu'on lui présente, parfois entaché de soupçons d'affabulation, voire d'escroquerie. Pire, il ne veut pas être cet homme à succès, méprisant, égoïste et affairiste qu'il donne l'impression d'avoir été.


Parmi tous ces inconnus, seule sa fille éveille son intérêt. Camille semble attendre un signe de celui qui n'a jamais paru lui prêter attention.


Bernard découvre un manuscrit qu'elle a écrit et dont il entreprend de croiser la lecture avec l'écriture de son propre journal. Une occasion pour lui de découvrir le père et l'homme qu'il était. Une main tendue par Camille pour se rapprocher de lui ?


Il va tenter de se forger une identité renouvelée, en s'appuyant sur elle et sur d'autres rencontres. Des chemins se dessinent. Pourra-t-il devenir celui qu'il se sent peu à peu l'envie d'être ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414150243
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-15022-9

© Edilivre, 2017
Exergue

Tous, nous serions transformés
si nous avions le courage d’être ce que nous sommes.
Marguerite Yourcenar, Alexis ou le Traité du vain combat, 1978
Je suis donc ainsi fait, futile et sensible, capable d’élans fougueux
qui m’absorbent tout entier […]
mais jamais d’un sentiment durable […]
Tout en moi tend à être autre chose ;
une impatience de l’âme contre elle-même […]
une intranquillité toujours plus grande et toujours semblable.
Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité , 1982
Celui qui se tue court après une image qu’il s’est formé de lui-même :
On ne se tue jamais que pour exister.
André Malraux, La voie royale, 1930
Les racines de l'arbre rouge
 
La tête dans le coton. Un brouhaha confus traversé par la mélodie d’un jingle… « Votre attention, s’il vous plaît… » Bruits de roulements. J’entrouvre les yeux. Devant moi, des silhouettes tirent des valises à roulettes. J’ouvre les yeux complètement. Quatre militaires, tenue camouflée et béret vert, le pistolet-mitrailleur sur le ventre passent lentement, l’œil aux aguets. Où suis-je ? Deux grosses paires d’yeux rouges me fixent de chaque côté d’un quai en enfilade. Je serre les bras métalliques du fauteuil sur lequel je suis assis. Je me secoue. L’impression d’émerger d’un sommeil alcoolisé. Je tourne la tête. Des boutiques, sandwicheries, Relay… Une pendule qui égrène secondes et minutes. Un grand panneau lumineux, avec des noms de villes, des horaires, des numéros de voies. Lyon-Perrache, Annecy, Barcelona, Montargis, Basel, Montpellier… Le jingle à nouveau… « Le TGV n°… en provenance de Grenoble est annoncé avec un retard de… » Je suis dans une gare, la gare…, oui, la gare de Lyon, semble-t-il. Encore le haut-parleur : « Mesdames, messieurs, en raison du contrôle renforcé aux frontières, les voyageurs en partance pour l’étranger sont priés de… » Qu’est-ce qui se passe ? Dans mon dos, j’entends parler de risques d’attentats. Un couple de chinois, à moitié dissimulés par d’énormes paquets, s’assied, l’air inquiet, sur les sièges en face. Moi, apparemment, je suis sans bagages. Je serais donc venu attendre quelqu’un ? Ou alors qu’est-ce que je fais ici ?
La tête dans le coton. Je tâte mes poches. Rien. Je les fouille. Vides. Juste un mouchoir en papier. Je me lève en titubant. Il me semble qu’on me regarde avec un drôle d’air. Je fais quelques pas. Je m’arrête devant un panneau d’information en verre. Le reflet d’une silhouette semblable à celles qui m’entourent. Un costume chiffonné. Un visage inconnu. Le regard dans le vague.
La tête dans le coton, je suis sorti sur l’esplanade de la gare. Les chantiers, les beaux immeubles, les grandes brasseries. Une impression de déjà vu. Sans plus. J’ai marché. Un temps d’errance dans Paris, enfilant les rues les unes après les autres. Mû par le hasard ou quelque GPS intérieur. Des lieux et des itinéraires à la fois familiers et vides de tout souvenir. Comme un touriste ayant préparé son voyage dans une ville inconnue et reconnaissant des noms et des descriptions enregistrés avant le départ.
J’ai croisé des passants pressés ou nonchalants, le regard tendu vers un but invisible, inquiet, ou perdu dans le vague. Ils ne me voyaient pas. J’osais à peine les regarder. Je croisais des silhouettes. J’entendais des voix. Je n’étais qu’une ombre.
La tête dans le coton, j’ai marché. Longtemps. Je me souviens avoir eu faim et avoir volé une pomme sur un étalage, je crois avoir fouillé les poubelles et fait la manche. Je me souviens d’une élégante jeune femme se délestant de quelques pièces jaunes en détournant les yeux. Je me souviens avoir dormi allongé sur un banc de métro, recroquevillé dans une cabine téléphonique ou même enfoncé dans une encoignure de porte cochère dont une gardienne teigneuse m’a délogé sans ménagement, tôt le matin.
La tête dans le coton, j’ai voulu me battre et dissiper le nuage qui flottait dans ma tête. Pour me retrouver. Retrouver qui je suis. Ce que je fais là. D’où je viens. Où je vais.
Au bout d’un temps semé de blancs et que je ne sais pas mesurer, j’ai lâché prise. Je me souviens m’être allongé par terre en travers d’un trottoir. Hébété, épuisé, affamé. Ramassé par une patrouille de police. Brusqué par des agents nerveux et agacés de ne pas pouvoir me soutirer la moindre information, même pas mon nom. Mon identité, tout simplement. Rien, absolument rien.
La tête dans le coton. Embarqué sans ménagements dans une voiture qui a démarré sirène branchée. Pourquoi la sirène ? Je me serais presque pris pour un ministre… ou un terroriste. ! Mais au commissariat, ça recommence : nom, prénom, adresse, etc. Rien, toujours rien. Un gradé s’impatiente, ne sachant si il doit me considérer comme un criminel ou un fou, à enfermer dans les deux cas.
Au bout du compte, récupéré à Sainte-Anne.
Je n’aime pas penser à ce temps passé à l’hôpital. Les souvenirs que j’en ai gardés sont d’ailleurs embrouillés. Peut-être à cause de tous les traitements que j’ai dû subir ? Quand je suis arrivé, il n’y avait de lit disponible que dans le quartier des « seniors », les vieillards déments. On avait trouvé des vêtements usagés, plus ou moins adaptés à ma taille. Un lit avait été déniché dans une aile promise à rénovation et où se retrouvaient parqués quelques patients hors-norme… Je n’aurais pas dû y rester, mais le diagnostic exact s’était avéré difficile à établir et je soupçonne le chef de service de ne pas avoir voulu me lâcher. C’était dans le secteur des neurosciences.
Pas de doute, j’étais un cas. Un défilé de blouses blanches de plus en plus nombreuses à se pencher sur les résultats des batteries d’examens auxquels j’avais été soumis. Interrogatoires à répétition, analyses et check-up en tout genre, scanners, IRM, explorations aux noms barbares, tests sur ordinateur, expériences d’imagerie cérébrale… Ces éminents spécialistes avaient tout tenté. En désespoir de cause et avec mon accord − comment refuser ? –, ils avaient eu recours à un interrogatoire sous narcose, pourtant passé de mode. Ou encore à la perfusion d’un médicament avec un nom barbare, fait de chiffres et de lettres. Ils avaient même tenté une « stimulation cérébrale » par une aiguille fichée dans un endroit précis de mon cerveau et me questionnant pendant cette expérience. Pour essayer d’extirper de mon inconscient quelque bribe d’information. En pure perte. Ce n’était pas faute de gloser et de disserter sur ma situation, en ma présence, d’ailleurs, et sans paraître s’en préoccuper. Il faut dire que je n’y comprenais rien, j’avais seulement retenu que j’étais amnésique. Mais un amnésique présentant des caractères exceptionnels, sans que je puisse comprendre lesquels. Ils employaient des mots inconnus, semblaient tâtonner et n’étaient pas nécessairement d’accord entre eux. D’où l’expérimentation par les neurologues de traitements successifs qui me transformaient parfois en zombie. D’où l’acharnement des psychiatres à fouiller les méandres d’un passé dont le chemin d’accès restait bloqué. Seul, le chef de clinique en psychiatrie, un certain docteur Rodinot, avait essayé de me décrypter le jargon médical, de m’expliquer ce dont je souffrais. Il manifestait d’ailleurs un certain recul et un sens de l’humour au second degré qui me convenaient assez bien. Mais mon cerveau embrumé avait du mal à percuter. Je me souvenais seulement que j’avais dû être victime d’un choc ayant entraîné une amnésie dite rétrograde, c’est-à-dire que je ne me rappelais plus mon passé ancien, jusqu’au moment où je m’étais retrouvé à la gare de Lyon. À partir de là, je me réappropriais des souvenirs, certes confus, mais je parvenais à retracer un parcours avec des incohérences et des vides. Je commençais à retrouver mes anciens savoir-faire et mes connaissances théoriques, ma mémoire sémantique, disait-on, en fonction des sollicitations et avec plus ou moins d’efforts. Mais rien, absolument rien, sur ma vie affective, mes relations, mon environnement Et même rien sur mon identité. Cette absence intégrale et persistante de ce que les médecins appelaient la mémoire épisodique, enveloppant tout mon passé, les intriguait particulièrement.
Je supportais difficilement la vie à l’hôpital. Les repas constituaient le moment le plus pénible. Avec ces vieillards débiles, éructant ou marmonnant, le regard halluciné ou éteint, tenant des propos le plus souvent incohérents. Je n’avais qu’une hâte, me retrouver à l’abri des murs de ma chambre. Il y avait bien les infirmières et aides-soignantes. Leurs blouses blanches me donnaient des idées. Une mulâtresse en particulier, prénommée Aïda. Un corps plantureux, superbe. Je devinais les lignes de sa culotte et de son soutien-gorge sous la blouse. J’avais envie d’attraper ses seins, ses fesses, de glisser mes mains entre ses cuisses. S’approchant de mon lit avec un regard polisson, la maligne prenait furtivement des poses qui attisaient mon désir. Avant de se détourner la mine offusquée au moment où je touchais au but. Le manège se reproduisait de temps à autre et je me retrouvais avec moi-même pour apaiser pauvrement ces pulsions. Si je n’avais pas récupéré mon passé, je n’avais donc pas perdu les sensations de mon corps ! Pour sortir du bâtiment, y compris dans l’enceinte de l’hôpital, je devais être accompagné. La peur de perdre un si intéressant sujet ? Après deux tentatives infructueuses, je parvins un jour à tromper la vigilance du personnel et à m’échapper sans attirer l’attention. Cela voulait être apparemment une simple escapade pour changer d’air, mais je me suis tout de même retrouvé boulevard du Montparnasse…
– Bern

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