Les rides ont des larmes
442 pages
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Les rides ont des larmes , livre ebook

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Description

Nicolas, pianiste virtuose, apprend le décès de sa mère qu’il a abandonnée dans une maison de retraite. Il subit un terrible choc psychologique et décide de mettre un terme à sa carrière de concertiste. Il doit affronter le mépris de Lara, une jeune infirmière.

Choisir comment vivre sa vie, c’est bien sûr merveilleux. Mais le peut-on encore dans ces maisons de retraite où les projets ne sont plus vraiment envisageables parce qu’on est atteint par les limites de l’âge et que le passage de l’autre côté du miroir n’est plus qu’une question de temps sans consistance.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 mai 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332691477
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-69145-3

© Edilivre, 2014
1
Un jour comme un autre. Comme mille autres.
Comme une éternité.
Un temps qui n’en finit pas de passer.
Rachel attend. Sage. Dans son fauteuil roulant, elle a l’impression de se tasser un peu plus chaque jour.
Il n’est que dix-sept heures et le repas ne sera servi qu’à dix-huit heures trente. Pourtant, elle stationne là, dans le corridor qui donne accès à la vaste salle à manger avec ses tables rondes recouvertes de nappes jaunes ; certaines sont pourvues de sièges à haut dossier, d’autres restent libres pour accueillir les véhicules des résidants qui ne peuvent plus marcher.
Quelques indices lui indiquent que le rituel immuable se perpétue.
Deux auxiliaires féminines polyvalentes qui s’affairent et disposent les couverts sur les tables. La sempiternelle carafe d’eau. Les assiettes, les verres qui s’entrechoquent parfois. Des bruits, ô combien familiers.
Une vague odeur de bouillon au poulet s’insinue dans l’air. Pas de quoi faire frissonner les papilles.
Pourtant, Rachel a étudié le menu de la semaine. Mais elle n’a rien retenu de particulier.
Ah ! Si. Elle se souvient. Dimanche on a prévu une tarte à l’ananas au dessert. Sans chantilly bien sûr. A cause du régime. Ou peut-être pour ne pas mélanger la viande et le lait.
A côté d’elle, à droite et à gauche, en face, les autres pensionnaires de la maison de retraite restent silencieux, les yeux dans le vague ; la majorité est constituée de femmes. Certaines ont la chance de naviguer encore sur leurs deux jambes ; d’autres sur trois. Mais, la plupart d’entre elles sont clouées dans leur véhicule tout terrain.
Trois hommes se sentent perdus dans cette marée féminine.
L’un d’eux, un ancien sergent major, s’amuse à tambouriner sur la table des rythmes qui lui rappellent les défilés d’antan. Roulements de l’index, du majeur, de l’annulaire qui reproduisent les cadences de la caisse-claire… tous les quatre temps, la main gauche s’abat sur la table ponctuant le boum de la bombe. Et il recommence, inlassablement, avec un air inspiré. Mais, apparemment, cela ne dérange personne.
Le deuxième, le cou cassé, regarde par en-dessous d’un air inquiet.
Il doit sûrement produire un gros effort pour élever son regard de temps en temps, cherchant peut-être à surprendre un événement inattendu ou préoccupant.
Quant au troisième, vêtu d’un complet gris très strict, agrémenté d’un gilet seyant, tous les quarts d’heure, comme une horloge préréglée, il psalmodie à haute voix une prière de bénédiction en hébreu. Il utilise des crescendos et des morandos… sa voix s’estompe progressivement et le flot monotone des mots le plonge dans une sorte d’apathie temporaire. Il ne résiste plus… Il somnole. Puis, soudain, reprenant ses esprits, le quart d’heure suivant il entame à nouveau, avec conviction, ses litanies, regardant droit devant lui, totalement imprégné de son rôle… Pourtant encore une fois, sa voix perd de son assurance… alors il retombe dans un petit somme provisoire, la tête appuyée sur sa poitrine, le corps dangereusement penché en avant.
La scène pourrait sembler hallucinante pour une personne étrangère à la maison de retraite… Mais, pour les gens de l’intérieur, ce n’est rien moins qu’une ambiance coutumière.
Certains fixent la porte d’entrée, espérant un petit miracle. L’arrivée d’un membre de leur famille venu leur rendre visite ou des invités-surprise ou n’importe quoi qui viendrait rompre la monotonie et apporterait un petit divertissement.
Rachel regarde sa montre. Une belle montre dont le cadran rond est serti de perles.
Encore dix minutes.
Dix minutes à attendre avant de voir son beau visage gravé au plus profond de sa mémoire. Elle connaît tout de ce visage ; Le moindre détail. Le sourire avec ses dents de la chance. La fossette au menton. Le nez un peu épaté. Ses cheveux châtain-clairs fournis, légèrement ondulés et surtout ses yeux d’un bleu immaculé qui la regardent avec cette limpidité des jours heureux.
Mais elle se garde bien d’exhiber la photo sans respecter ce rituel qui la conditionne… Il faut attendre encore quelques instants.
Tiens ! Voilà la fille Bénarousse, Gisèle, qui fait son entrée. Elle lâche le battant de la porte qui se rabat avec violence en faisant sursauter quelques dames à moitié assoupies.
Elle vient comme chaque soir rendre visite à son père que Rachel ne connaît pas, car il réside au 2 ème étage de la maison de retraite, au pavillon des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer !
Rachel estime qu’elle a de la chance dans son malheur. D’accord ; elle est handicapée et ne peut plus se servir de ses jambes, ou presque pas. Mais au moins, elle bénéficie de toute sa raison. Par exemple elle connaît la date d’anniversaire de son mariage ! Le 9 juillet ! Elle a en mémoire son numéro de sécurité sociale. Et malgré le défilement insensé des jours, elle sait avec précision la date du jour et des fêtes à venir.
D’ailleurs, elle n’a aucune appréhension à ce sujet. Son cerveau fonctionne bien.
Elle pourrait parler de tout… Mais oui… de tout. De mode par exemple, et oui ! De cuisine aussi… Ses fameuses recettes dont toute la famille et les amis raffolaient. Elle pourrait parler… mais en vérité, elle ne parle pas. Sauf avec Lara.
Avec les autres, c’est trop dur. Soit elles n’entendent presque plus. Alors, il faut répéter, répéter… soit elles n’éprouvent plus aucune envie de discuter de sujets qui les dépassent désormais, comme si l’enfermement qu’elles subissent étouffe toute volonté de s’extérioriser, et de se projeter dans un avenir de plus en plus restreint.
Gisèle, en passant, adresse un beau sourire à Rachel et lui caresse les cheveux, furtivement. Elle salue de la main, comme à l’accoutumée, les autres pensionnaires et se dirige vers l’ascenseur.
« Elle me touche les cheveux, parce qu’elle m’aime bien, se dit Rachel. Elle ne me fait pas la bise, sauf les rares fois où elle vient dans ma chambre me tenir compagnie pendant quelques minutes. Mais c’est pour ne pas faire de jaloux. Elle ne va quand même pas aller embrasser tous les résidants, chaque soir… Mais pourquoi est-ce que je suis méchante comme ça ! J’ai l’impression quand elle me passe la main dans les cheveux, qu’elle flatte son chien de compagnie.
Finalement, ça donne l’illusion de n’être qu’une potiche qu’on déplace de temps en temps…
Et pourtant… pourtant…
Comme sa vie a été riche et dramatique à la fois. Avec des moments de grand bonheur… mais aussi, bien évidemment des périodes de malheur. Des joies, des peines… Ah ! Elle se souvient… Pff !… voilà qu’elle se rend compte qu’elle radote à nouveau. Elle radote parfois, et ça ennuie tout le monde. Aussi… Rachel se promet de ne pas faire comme les autres… Il faut qu’elle se taise, qu’elle garde sa dignité… A quoi ça sert de toujours raconter les mêmes choses… A quoi ?… Elle gardera sa peine dans son cœur… jusqu’à la fin.
Ah ! Mais c’est l’heure. Elle va pouvoir enfin l’embrasser.
Rachel farfouille dans son sac, un grand sac en damiers avec des carreaux beige et blanc.
Elle vient d’en changer. Elle en change fréquemment. Elle en possède toute une collection. Celui-ci, elle l’a gagné au loto une semaine auparavant. Un fourre-tout où s’entassent pêle-mêle le menu de la semaine, des biscottes, une bouteille d’eau, un foulard, une boîte de tic-tac, une serviette de table, des Kleenex, un petit porte-monnaie et d’autres objets hétéroclites qui constituent son trésor.
Et d’une petite poche de son sac, bien à l’abri, elle extirpe une photo protégée par un étui en plastique.
Une véritable relique qu’elle manipule avec délicatesse… La photo de son fils Nicolas.
C’est comme un talisman. Un objet de culte. Son fils ! Le plus beau cadeau que le Seigneur lui ait accordé ici-bas.
Rachel est partagée entre cet amour au-delà des limites de l’être humain et un sentiment de détresse qui l’oppresse.
Combien d’années se sont écoulées sans qu’il ne soit venu la voir. Elle aurait tant aimé le serrer dans ses bras, lui dire combien elle est fière de lui. Tant aimé un peu partager sa vie, voler quelques miettes de son bonheur… qu’il lui raconte comment il vit, ce qu’il fait chaque jour. Qu’il lui parle de ses amis, de ses amours.
Est-ce qu’il mange suffisamment, et à sa faim, et qui lui fait la cuisine ?… Est-ce qu’on lui confectionne des petits plats tout en douceur, ces petits repas arrosés de tellement d’amour maternel qu’ils ne pouvaient avoir que le goût du merveilleux. D’ailleurs, elle se souvient de ses préférences, de ses manifestations de plaisir. Elle se remémore cette époque, marquée d’une encre indélébile dans ses souvenirs, où elle l’avait presque pour elle toute seule.
C’était juste après la disparition de Frantz, son mari. Une époque terrible et tellement éprouvante.
Mais son fils avait su l’entourer d’affection.
Il se mettait au piano et toute la maison résonnait des notes aériennes de sa musique qui la transportait dans un monde irréel, presque magique. Sa présence, ses rires, ses colères imprégnaient chaque pièce de la maison… Son petit Nicolas… même si il est un homme d’âge mûr à présent, il sera toujours pour elle, son petit Nicolas, son unique enfant, un être exceptionnel. Bien souvent, elle se demande pourquoi elle reste encore en vie. Chaque matin, à son réveil, elle a du mal à envisager une nouvelle journée… Pour quoi faire ?… Le seul lien qui la rattache encore à cette vie qui ne lui apporte plus rien, c’est ce lien, si ténu : Savoir que Nicolas triomphe dans son art, qu’un jour enfin, il se souviendra d’elle et qu’il viendra lui rendre visite.
Elle sort soudain de sa quasi somnolence hypnotique.
C’est La

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