Les sourires perpendiculaires
270 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les sourires perpendiculaires , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
270 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Quelques personnes bénéficient de pouvoirs hors du commun, prémices d’une transformation du cerveau humain due à Internet. Ensemble, elles vont réussir à bouleverser tous les domaines de notre civilisation. Les religions seront remises en question, de même que la sexualité, l’économie, la politique, les arts. Elles inventeront une nouvelle manière de vivre ensemble. De ce tsunami émergera une nouvelle race d’hommes, destinés à prendre en main le destin de la planète.
Ce roman utilise une discrète atmosphère fantastique pour dénoncer l’individualisme outrancier et le cynisme qui caractérisent notre monde actuel. Son suspense haletant guide le lecteur vers une nouvelle ère qui pourrait bien émerger demain.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 mars 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332671677
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-67165-3

© Edilivre, 2014
Chapitre 1 Le Cambodge
Les sourires perpendiculaires imprègnent désormais le monde ; l’horizontal et le vertical, réels et invisibles.
La lèvre du Bouddha en extase souligne son front serein, ses yeux mi-clos. Un sourire horizontal, mystérieux, illumine le bas du visage. Il jette un voile impalpable, efficace, entre lui et le reste du monde. Un voile efficace, peut-être un rien méprisant. Le bord de la lèvre est dessiné comme au pinceau, si fin que le doigt, inconsciemment, s’attarde à le caresser.
Les statues maintenant gisent à terre, dans des positions de suppliciés, étouffées par les tentacules des pieuvres végétales. La mousse incruste les creux de la tête décolletée, coincée dans les racines d’un banyan. Des balles de mitrailleuse ont éclaté la pierre à l’endroit du nez, sculptant une silhouette de lépreux. De loin, dans l’ombre verte, j’ai cru voir la cicatrice bailler en un sourire vertical, torturé, obscénité d’une bouche édentée.
En y réfléchissant, après quelques années, c’est peut-être là, à cet instant, en ce lieu précis, parmi les ruines des temples d’Angkor-Vat, que le destin a enclenché cette suite d’évènements qui devaient à terme bouleverser en partie la civilisation occidentale ; mais moi, Patrick Tessier, n’en étais pas du tout conscient. Comment une poignée d’hommes, certes doués de pouvoirs extraordinaires, mais une simple poignée d’hommes, pourrait-elle transformer le monde, si durablement, et en si peu de temps ?
J’étais arrivé au Cambodge trois jours auparavant, noyé dans une pléthorique délégation française venue mettre du corps au projet de coopération franco-cambodgien. La France n’avait plus grande influence dans son ex-colonie, tournée depuis longtemps déjà vers la culture anglo-saxonne. Mais il y avait maintenant des possibilités de décollage économique, et elle essayait donc d’y reprendre pied en utilisant les vieux réflexes et en approchant parmi les responsables, ceux qui avaient fait leurs études supérieures en France. Parmi ceux-ci, il y avait le secrétaire général de la Présidence et le ministre de la Culture. Je ne sais pas qui avait concocté la composition de la délégation française : une mixité bancale associait cadres du privé et responsables des ministères. Ces derniers, les plus nombreux, parlaient et critiquaient beaucoup, cherchant à oublier que ce n’étaient pas eux qui dirigeaient les débats. Le vrai sujet de négociation concernait la remise à niveau de l’informatique gouvernementale, et nos sociétés de service se plaçaient mal dans la concurrence internationale. Pour compenser cette faiblesse, l’Etat français mettait en avant la mise à disposition gratuite de fonctionnaires ministériels censés savoir faire le lien entre outils techniques et utilisation pratique dans les services. Pourquoi avais-je été mis sur la liste des participants ? Quelqu’un avait dû juger qu’un professeur d’université, spécialisé en sociologie de la communication, pouvait être utile. Quand on me l’avait proposé, j’avais tout de suite répondu positivement : mes cours à la Sorbonne venaient de s’achever, je ne connaissais pas le Cambodge, et ma petite amie venait de partir avec une copine faire le tour du monde. J’étais donc libre comme l’air.
La veille au soir, le ministre de la culture cambodgien avait reçu une partie de la délégation française. Ce fut l’occasion d’une bisbille supplémentaire pour choisir ceux qui assisteraient au dîner officiel et ceux qui continueraient les négociations. Je faisais partie du premier groupe. Ma participation, jusque là, avait été purement symbolique. J’avais bien compris qu’on ne me demandait rien, sinon de jouer le rôle muet d’un intellectuel à supposée hauteur de vue, mais éloigné du monde des affaires et de la politique.
C’était la première fois qu’il m’était donné de participer à un banquet de ce type. Je m’étais habillé avec les maigres ressources de ma valise : par bonheur, je disposais d’une cravate encore sans taches. Nous étions vingt à table. Les présentations avaient été faites dans un salon séparé où l’air humide et chaud s’alourdissait encore de la forte senteur de trois énormes bouquets disposés aux encoignures. Henri de Masclot-Lauzan, notre chef de délégation, avait selon son habitude, écorché les noms, mélangé les titres, et raccourci abruptement ses phrases de « n’est-ce-pas » lui permettant, croyait-il, d’introduire un flou diplomatique de bon aloi. Il employait un ton affreusement nasillard dont j’imaginais situer la cause, soit dans une tare physiologique léguée par le port du pince-nez chez ses ancêtres ou bien dans une affection accentuelle contractée lors de ses études dans une institution privée de Neuilly. A sa suite, l’ambassadeur de France avait prononcé quelques mots. Hubert de Nazières fit court et sobre, ce qui avait fait encore plus ressortir le creux ampoulé du discours précédent. Puis ce fut le tour du ministre khmer de la culture ; souriant, affable et un rien bedonnant, il présenta rapidement ses collaborateurs, puis nous invita à pénétrer sans plus attendre dans la salle à manger.
Une longue table rectangulaire nous y attendait, impeccablement dressée. Il y eut quelques instants de flottement pendant que chacun cherchait à repérer le carton portant son nom. Je finis par trouver le mien en bout de table. Avec un brin d’irritation, je remarquai qu’il était mal orthographié. A ma gauche se trouvait la seule femme cambodgienne assistant au banquet. Elle me saisit la main droite pour la serrer entre les siennes, tout en me déclamant d’une petite voix flûtée :
– Professeur « Tézier », je suis heureux de faire votre connaissance. Je m’appelle Praneth Sovandara.
Puis elle se tourna vers son autre voisin pour lui débiter la même information. Je profitais qu’elle avait le dos tourné pour mieux la détailler. C’était une petite femme rondelette, approchant sans doute de la cinquantaine. Ses cheveux luisaient d’un noir d’encre, si sombres qu’ils faisaient ressortir le sillon blanchâtre de la peau du crâne scindant les deux moitiés de sa coiffure, soigneusement peignée, et finalement nouée en queue de cheval. Elle tourna vers moi son visage, pas très beau, rond comme une lune, dans lequel des yeux, fureteurs mais amicaux, me détaillaient sans complexe derrière des lunettes à gros verres. Je lui souris à mon tour. C’est alors que le ministre nous invita à nous asseoir. Pendant quelques instants, ce fut un brouhaha de pieds de chaise raclant le plancher, de serveurs débouchant des bouteilles de champagne, et se précipitant vers la table pour commencer à remplir les coupes. Débuta alors le long et ennuyeux échange des toasts officiels. J’en profitais pour détailler la pièce et les convives. Deux ventilateurs, à chaque extrémité, tournaient lentement, leurs pales brassant l’air comme une soupe épaisse. Je ne sentais rien du courant d’air qu’ils étaient censés créer. Sur les murs, les appliques lumineuses imitaient la forme de torchères, ce qui ne permettait pas d’éclairer convenablement la salle, mais contribuait à renforcer l’atmosphère d’étuve. Je me sentais comme un entomologiste examinant une fourmilière d’une espèce un peu particulière. Ces insectes humains, rengorgés et pédants, levant leur verre en prononçant des mots dépourvus de signification réelle, me semblaient d’un comique irrésistible.
Un serveur vint vers moi, et me dit quelque chose que je ne compris pas. Je fis répéter, mais je ne comprenais toujours pas. Ma voisine me vint en aide :
– Il vous demande ce que vous voulez boire avec les plats ; du thé ou du vin ; mais attention, ce n’est pas le vin de raisin que vous connaissez ; il a traduit par « wine », mais en réalité c’est du choum, de l’alcool de riz.
Je compris soudain que le serveur m’avait parlé en anglais, avec un horrible accent.
– Oh ! I will have some tea !
Je me tournais vers ma voisine, un sourire de reconnaissance aux lèvres.
– Merci de votre aide.
– De rien ; mais vous devriez goûter aussi à notre alcool de riz.
Elle lui dit quelque chose en cambodgien.
– Je lui ai dit que vous prendriez des deux. Vous verrez, le choum est particulier, le taux d’alcool n’est pas très élevé, mais méfiez vous quand même : il excite pas mal si on en n’a pas l’habitude. Le maître d’hôtel nous a annoncé le menu, mais vous ne l’avez peut-être pas bien compris. Nous allons avoir droit à du katiev sack kho. C’est un plat cambodgien typique, à base de bœuf et de poulet, accompagné de nouilles asiatiques. C’est très bon, mais un peu bourratif, comme on dit en français.
Je la trouvais finalement sympathique, avec sa voix fluette et ses expressions inattendues.
– Vous parlez un excellent français. Vous avez habité en France ?
– Oui, plusieurs années ; j’ai fait mes études à Paris ; j’ai fréquenté la Sorbonne pendant deux ans : littérature moderne.
– Je connais la Sorbonne ; j’y enseigne la communication.
– Vraiment ! Vous êtes professeur à la Sorbonne ! Ça, alors !
Ce fut comme si une bonde avait cédé. Elle négligea du coup son voisin de gauche, et se mit à me raconter sa vie en détail. Je compris qu’elle s’était réfugiée à Paris pendant l’ère des khmers rouges, où elle avait dû survivre tant bien que mal grâce à l’aide de la diaspora. Après ses études de français, elle avait fait de la danse, et finalement intégré une petite troupe itinérante, basée en Suisse, et qui se produisait essentiellement en Allemagne. Son deuxième grand souvenir concernait la chute du mur de Berlin, où elle était à cette époque. Elle parlait avec volubilité, de sa petite voix flûtée, le visage en sueur. De temps en temps, elle laissait éc

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents