Dis-le
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Description

Dis-le

Laurent Dautray

Roman de 106 000 caractères, 17 500 mots.

Laurent est monté à Paris pour rejoindre Frédéric, le garçon qu’il aime. Ce dernier, instable sentimentalement, l'entraîne dans les lieux de plaisir, dans une spirale de pratiques toujours plus extrêmes. Laurent est contraint de le quitter.

Un soir, à la recherche d'un nouvel amant, il tombe sous le charme de la voix de Mathieu, malgré un pseudonyme sans ambiguïté : « Vingt-deux ans, à louer... »

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Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9791029401381
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Dis-le
 
Chroniques intimes
 
 
 
Laurent Dautray
 
 
 
 
 
 
 
Tous droits réservés
Février 2016
 
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Je n’avais rien imaginé.
Ni le meilleur, qui fut, peut-être, dans la jubilation intérieure de se savoir à la marge, de vivre différent – heureux ou malheureux – au milieu des autres, de goûter aux palpitations que procurent les équipées clandestines.
Ni le pire qui est, sans doute, dans la confrontation avec le monde brutal, arrogant, discriminatoire des garçons qui se cherchent, se refusent, se consomment, se trahissent, se déchirent et s’abandonnent, passionnément, terriblement, en l’absence de toute morale communautaire.
Rien n’existait en dehors des insultes, des invectives ordinaires. Aucune confusion des genres dans les contes joliment illustrés ou sous les couvertures naïves de la Bibliothèque verte. Internet n’avait pas encore tissé sa toile. Quand je me suis découvert, jeune, inquiété par les garçons puis travaillé, plus clairement, par l’envie de connaitre leur intimité, de la respirer, de la toucher, de la prendre en main, de partager avec eux l’interdit et le plaisir, cette expérience étrange, inconfortable, déroutante, impudique, puissante, imparfaite, dans un univers conçu, organisé, sublimé pour le couple homme-femme, je crois bien que je n’avais rien imaginé…
 
 
 
2
 
 
La faute à Paul-Henri.
C'est lui qui a instillé le virus, excité ma convoitise, bridé mon regard, orienté mon appétit. J'écris cela par commodité. En espérant faire porter sur ce personnage secondaire, aujourd'hui disparu de mon petit théâtre, la responsabilité de mes pulsions et les choix ravageurs de ma libido.
Paul-Henri. Ni mentor ni modèle. Un révélateur, plutôt. Un bourgeois un peu rond, en début de trentaine, le crâne se dégarnissant déjà. Le charme efficace des grandes écoles de commerce, en pantalon de toile et chemise vichy. De l'éducation, en tout cas des manières, une certaine vivacité d'esprit, le sens du bien recevoir surtout. Et ce mépris mielleux pour ceux d'en dessous.
J'avais souhaité faire sa connaissance après l'avoir croisé, à plusieurs reprises, sur l'unique réseau téléphonique dédié aux partenaires du même sexe où, entre les « plans » répétés à la volée – un prénom, un âge, un rôle, accompagnés de l'envie du moment, exprimée en quelques mots clés ou crus – il était possible de plaisanter, d'échanger deux ou trois traits qui permettaient de se situer au-dessus de la ceinture.
Autour d'une pizza, au centre-ville, sans savoir si nous tomberions amis ou amants. Nous n'évoquerons jamais, avec Paul-Henri, l'idée de mesurer nos anatomies. Non pas que l'exercice m'eut rebuté, mais simplement parce que, une fois à table, la conversation avait tourné autour de ses multiples conquêtes dont la caractéristique commune était leur extrême jeunesse. Tel était encore lycéen, tel autre habitait toujours chez ses parents, aucun n'avait d'activité professionnelle, tous avaient montré des aptitudes, des souplesses, des curiosités parfois surprenantes une fois sous la couette ou restés au bord du canapé, qu'il avait profond.
J'imaginais ses pupilles émoustillées derrière les Vuarnet opaques, et je répondais d'un sourire complice aux sous-entendus qu'il m'adressait lorsqu'un minet lui faisait tourner la tête. Histoire de donner le change. À vingt-cinq ans, et quoique tout juste embauché dans un groupe international de premier plan, je ne faisais déjà plus partie des proies potentielles de l'insoupçonnable prédateur.
— Toi et moi nous sommes de la même race : celle des chasseurs. Et rien n'est meilleur que la chair fraîche, n'est-ce pas ?!
Je n'osais le contredire. Flatté, valorisé, tout en crocs. Et lui de me resservir du vin rosé pour encourager notre affinité nouvelle, sous le ciel immaculé qui surplombait la Grand'Place...
 
*
* *
 
S'il fallait me décrire : la figure sérieuse avec cet humour, à froid. Pour le côté face, le côté cravaté. Un goût évident pour la séduction. Quelque chose d'amusé, d'un chenapan dans l'œil. De légèrement triste et nuageux à y regarder de plus près. Je suis verbeux autant que taciturne. Réfléchi, mais pragmatique. Embarqué depuis toujours dans la galère du challenge permanent, de l'objectif à atteindre, à dépasser. Manquant étonnamment de confiance en moi. Ambivalent et paradoxal.
Éduqué droit, choyé par un amour irréprochable. Il m'a plu, en forme de reconnaissance, d'être cet adolescent tranquille et travailleur, discipliné.
Je n'ai jamais connu d'hésitations en ce qui concerne mon attirance pour les garçons. J'écris les garçons et non pas les hommes. Ceux qui peuplent mon bestiaire ont cinq, puis dix, puis trente ans de moins que moi. Le corps fin, la tentation ferme, le silence magnétique. Je palpite, plus vrai, plus fort, à l'idée d'approcher ces créatures parfaites et aux désirs tout neufs. Ma part d'ombre, ma faiblesse.
J’aurais pu choisir la banque, gérer mes affaires de cœur en bon père de famille. Au lieu de cela je m’use à pousser des portes pour des patrons sans reconnaissance, je m’épuise à domestiquer des gracieux sans scrupules qui finissent toujours par trouver l'enclos trop étroit.
Retour sur mes années quatre-vingt.
Sébastien. Dix-neuf ans et les yeux verts. J’ai six ans de plus et un studio au centre-ville. J'y déshabille quelques vendredis soirs ce fils de notaire en caleçons à rayures et chaussures anglaises. Me visite comme une Cendrillon : pas avant vingt et une heures et jamais pour la nuit entière. Je l’attends toute la semaine pourtant et me prépare pendant des mois quand j’ai rendez-vous avec lui. Je lui achète du lait frais parce qu’il aime en boire après nos galipettes, sur le canapé déplié. Surnom : P'tit-loup. Un carnage dans mon corral !
Marc. Un autre fils de famille. La vingtaine dessinée, blond, imberbe, délicieux. Me fait porter des Levis 501 et m’incite à l’accompagner dans la salle de musculation où il vient s’entraîner plusieurs fois par semaine. Mais il m’interdit, avec le même naturel, de le reconnaître si on était amené à se croiser dans les rues de Lille.
— Tu comprends : à cause de mes frères, et des amis de mes frères…
Un après-midi, en rentrant de clientèle, je découvre mon studio parfaitement rangé, vaisselle faite et coin cuisine rutilant, moquette aspirée, canapé replié, un trousseau de clés en évidence sur la table. Drôle de fuite. J’ai dû lui faire peur. Pas eu le temps d’avoir vraiment mal. Juste le temps, en revanche, de prendre un abonnement d’un an dans ce club de fitness où je ne mettrai jamais l’ombre d’un pied...
Cédric. Un étudiant nerveux, en imperméable mastic et deudeuche grise. Une jolie frimousse, un jeune homme authentique et charmant avec son petit cheveu sur la langue. M’a quitté au bout d’un mois, sans véritable explication. Ne répondra pas à ma lettre – écrite dans la nuit, sur le coup, sous le choc, fataliste et honnêtement douloureuse – que j’ai glissée, à l’aube, sous la porte de sa logeuse.
Des corps filants. Des migrants, des multiplicateurs, des apprentis. Des chasseurs, eux aussi. Mais plus heureux que moi, apparemment, cyniques et déjà rodés à ce type d'aventures passagères, s'assurant par confort, par facilité, par lâcheté encore, de l'étanchéité entre leur vie sociale, familiale, et leurs relations sexuelles. Que pouvais-je attendre de ces freluquets ? Rien d'autre que des blessures perpétuelles. Paul-Henri m'avait mal jugé. Je suis de ceux qui apprivoisent, qui élèvent ou qui cultivent. Un hébergeur d'enfants sournois. Impénitent.
 
*
* *
 
Été 1992.
Frédéric m'attend, posé, sage, sur l’aile avant de sa 205 blanche. Je lui ai donné rendez-vous devant chez moi. 3615 code JH. Le temps des rapprochements à l'aveugle, au feeling, après quelques lignes surfacturées et un coup de téléphone.
Il a jeté un pull jacquard sur ses épaules, je suis venu avec l'assurance de mes trente ans. C'est un châtain bouclé, le cul un peu bas. Le type aryen – nez droit, lèvres pleines, joues légèrement creusées – adouci par une sorte de flegme dans ses yeux en amande. Belle nuque, bon genre. Vingt-deux ans. Et ce petit sourire qui va s'élargissant. Un élève ingénieur élevé à la campagne. Un garçon timide, de ceux qui inspirent confiance.
Et d'avouer ici, de me représenter aussi, que je n'ai jamais réussi à séduire un garçon – à une ou deux exceptions près – sans l'intermédiaire d'un écran ou l’usage d'un combiné. Jamais vu aboutir, dans la vie ordinaire ou dans quelques endroits moins aérés, cet amusement des regards quand ils se surprennent d'abord, quand ils y reviennent, jaugent et apprécient, quand l'apparence l'emporte sur toute autre considération.
Pas assez attentif aux signaux envoyés dans ma direction ? Trop fixé sur un même type, non légitime, pas ou plus accessible et donc sans écho ? Trop distant, trop exigeant ? Probablement un ensemble de verrous intérieurs, de préjugés, d'incompétences imaginaires.
Au-delà de l'avatar et des affirmations de façade, la confrontation avec l'amant virtuel est toujours un moment délicat. J’oserai comparer cette phase avec l'entretien de recrutement : beaucoup d'appelés pour peu d’élus. Parmi les épreuves de sélection, le « passage au lit ». Après, tout dépend des ambitions réciproques. On peut parler de contrat moral. Pour ma part, j'ai toujours défendu le principe d'une durée indéterminée. Et attendu de l'autre qu'il soit sur la même logique d'engagement.
Pour l'heure, mes mains parcourent le curriculum lisse et doux du candidat Frédéric. Son expérience est convaincante. En pleine épreuve, cependant, sa motivation excessive me souffle un « je t'aime... » bien incongru.
Je veux le revoir, évidemment.
Je ne saurai que beaucoup plus tard qu'il n'avait pas encore, ce soir-là, démissionné de son poste précédent…
 
*
* *
 
Il y aura le voyage à Londres, encore minaudants. Quelques photographies en noir et blanc retrouvées dans une enveloppe et le souvenir de mon parfum du m

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