Kamikaze Erotica
138 pages
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Kamikaze Erotica , livre ebook

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Description

« [...] je n’ai toujours été qu’une fille de l’instant, qu’une fille dans l’immédiat, de celui qui détrousse au hasard et laisse sur le carreau. J’aime ce qui déchire, le bruit de la feuille de papier écartelée doucement de haut en bas, l’instant de jouissance suivi du silence, le goût de l’instantané au détriment de l’attente parce que le fruit n’est pas meilleur au bout du compte. Je n’aime pas les choses raisonnables, ce qui se fait et ce qui se dit, les situations qu’il convient de privilégier par précaution, la morale et tout le bastringue, les belles phrases pour être chic, le tiède en général, le c’est mieux comme ça en particulier, la politesse étriquée de province, la fourberie des gens comme il faut, la résignation et l’abandon, les rides des vieilles peaux qui minaudent entre elles, les sentiments altruistes et condescendants, la bonne conscience par-dessus tout, la culpabilité et le mensonge encore davantage. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 juillet 2014
Nombre de lectures 5
EAN13 9782332741110
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-74109-7

© Edilivre, 2014
Citation


La volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal. Et l’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve la volupté.
Charles Baudelaire
J’aime le Paradis pour son calme et l’Enfer pour ses fréquentations.
Cardinal de Bernis
Kamikaze Erotica
 
 
La conception d’Ana fut le fruit d’une éjaculation mal maitrisée, la conséquence d’une envie furieusement désordonnée.
Elle aurait pu se vanter, de la manière la plus légitime, d’être le résultat d’une fantaisie fâcheuse, d’une collision accidentelle.
Et puis il y eut l’Après, je veux dire ce que l’on appelle plus communément – la vie .
 
 
En plus d’infliger à ses parents l’obligation morale de son éducation, pour son malheur elle était une fille. Ses souvenirs d’enfance racontaient les regrets mièvres d’un père sévère de ne pas avoir eu un garçon. Il répétait que l’on pouvait faire tout un tas de choses avec un fils, l’emmener partout avec soi, lui apprendre des choses d’homme, le façonner en somme.
Elle me confia d’ailleurs un jour avoir été élevée dans une parfaite dictature. Son éducation fut empreinte d’une sévérité constante et régulière, son droit d’expression très tôt confisqué.
Sa petite enfance fut cloisonnée dans des règles strictes essentiellement dévolues à l’obéissance et au silence. Son adolescence se passa naturellement dans le déchirement quotidien et sans doute un peu dans la mutilation affective. Plus encore, l’émancipation psychologique inhérente à tout individu n’eut jamais lieu.
Sa personnalité en construction se retrouva donc en proie à une tourmente qui avait lieu dans son corps, à l’intérieur de sa structure, et au-delà, en constante opposition avec son environnement.
Ana grandit seule dans la grande maison, abandonnée à la garde de sa grand-mère maternelle aussi ridée qu’une pomme oubliée dans un fût. La vieille vivait avec eux et fut pour Ana, la première image de la vieillesse.
Aussi, dès le commencement, son héritage fut donc le déni de sa qualité de femme, le silence, l’asservissement au père et ce qui va de soi, l’acceptation tacite de son état.
Contre toute attente, ce fut la gestation confisquée de son être entier qui la sauva du naufrage annoncé. Sa première ambition ne fut donc pas la recherche de l’amour des siens mais la quête inlassable du premier contact.
Ses premiers rêves d’adolescente ? Des bordels pourrissant au soleil de Manille, des putains alanguies sous des parasols en déshabillés bon marché, saoules, pissant, dégueulant et résignées de leur sort. Les clients côtoyant les cochons, les chiens et les touristes et Ana animant tous ces petits personnages avec un certain contentement. Elle s’imaginait dans un lupanar éclairé d’une lumière huileuse, néon rougeâtre, la fumée des cigarettes et de l’opium envahissant la petite pièce, le rire des filles bourrées résonnant, les clients salivant tels d’infâmes porcs et l’alcool vomi empestant l’atmosphère.
De cette dégénérescence découlait moins la médiocrité de ses aspirations que la formidable impression de liberté qui l’enveloppait. Crachant sur l’autorité parentale et s’évadant par le seul moyen mis à sa disposition, son imagination, elle aimait se prélasser dans ce bain d’excréments, à sa guise et tout son sou. Plus son imaginaire violait la morale, plus elle en jouissait dans une curiosité malsaine.
Ana avait grandi dans une petite ville de province des années soixante-dix où les misérables habitudes ainsi que l’hypocrisie siégeaient en principe établi. Le mépris et l’envie régissaient le quotidien offrant un confort certain, car on savait à quoi s’attendre.
Elle se rendait à l’église pour accompagner sa mère mais aussi parce qu’elle croyait. Tantôt, elle se mêlait aux femmes des notables, infidèles en semaine et venant se confesser le samedi, veille de l’office, tantôt aux fins de race, minaudant devant Monsieur Le Curé. Elle observait aussi les frêles pucelles reluquer les jeunes mâles qui un jour ou l’autre, renifleraient leurs seins blancs. Elle désespérait aussi devant sa mère, refusant obstinément d’aller communier au motif que son union avec un homme divorcé l’en empêchait.
Mère et fille rentraient ensuite pour le déjeuner dominical, invariablement sans surprise, pour lequel on s’attablait de bonne humeur parce que l’on était dimanche et que le bonheur était de rigueur ce jour-là.
Son père faisait ensuite la sieste et un long après-midi d’ennui se profilait une fois encore.
 
 
La vie immédiate – telle fut son obsession, son obligation de résultat en somme.
Sa première conscience de l’existence de son corps, pour elle, produit pur et intact de la culpabilité, eut pour légitime corollaire l’anarchie bouillonnante de ses pulsions, sa hâte de la confrontation au plaisir charnel et perfide.
Elle me dit un jour que ce ne fut même pas difficile, qu’elle fût juste un peu surprise par la facilité. Le plaisir était finalement d’atteinte simple, parfois primaire et sans culpabilité aucune. Elle l’espérait seulement croissant à l’aune des valeurs transgressées.
A dix-sept ans, Ana but et vomit, devint immorale et dupât pour mieux trahir dans son intérêt exclusif. Elle baisait pour combler la solitude de son être, mentait, s’employait à devenir la petite raclure que l’on invite chez soi parce qu’elle présente bien mais que l’on sait perverse. Les vieux bourgeois jalousaient ses mondes, le leur était si fade. Après quelques verres, ils osaient la toucher et la joyeuse compagnie se mettait en scène dans des jeux de rôles invariablement pitoyables et sordides.
Les vieux se réveillaient le lendemain satisfaits du monde immobile dans lequel ils mourraient, rassurés d’avoir bousculé la veille au soir leurs habitudes de misère. Ils se promettaient alors de remettre ça, si la bienveillance du comité le permettait bien sûr.
Ana restait sereine. Elle assumait ses petites saloperies sociales alors que d’autres, ses voisines de prie-Dieu, payaient le tribut de la culpabilité pour les réaliser. Réfléchir l’aurait égarée, elle le savait et prenait garde à éviter soigneusement cet écueil.
Un blouson d’aviateur, de petites lunettes rondes en métal, des bottes de cuir noir, tout cet accoutrement donnait l’image du type qui joue un rôle ; une bonne dizaine d’années de plus qu’elle accentuait encore davantage l’incongruité du personnage.
Elle se demanda ce qu’il foutait là.
Il s’assit dans l’amphi juste derrière elle. L’idée même qu’il fut étudiant la laissa perplexe.
Jusque là, Ana avait été assidue mais cette intrusion dans son environnement immédiat la perturbait, comme si le nouveau venu s’accaparait tout l’espace et lui volait malgré elle, toute son attention.
Il l’invita à boire un verre et de la banalité de ce moment, elle ressentit un désir brutal ou plus justement, un sentiment mal dégrossi et troublant qui lui flanqua une claque.
Pour une raison confuse et inconnue, elle mit une option sur ce type et appuya sur off pour le reste.
Un gars qu’elle ne connaissait pas se pointa et leur proposa de passer chez lui, à deux pas. Ils se laissèrent tomber sur l’immense canapé de tissu kaki et le gars posa sur la table basse une petite bouteille de tequila avec un gros ver à l’intérieur. Un gros ver mort s’était noyé dedans. Après une distribution équitable de la petite liqueur, il ne resta rien dans la bouteille, le type de l’amphi, Milan, la saisit alors, la bascula et fit glisser doucement dans sa bouche le gros ver imbibé puis mordit dedans, savourant les chairs alcoolisées. Ils plaisantèrent, fumèrent plusieurs pétards et le gars, celui qu’elle ne connaissait pas, les prit en photos.
Comme ils remontaient la rue, le soleil faible et doux de la fin d’après-midi léchait le bitume. Milan la gratifia d’un Salut, à demain , avant de démarrer.
A ce moment là, il n’y eut rien de plus à signaler.
 
 
La nuit malmenée par les néons des lampadaires, le bruit des bennes à ordures, le manège des feux tricolores annonçaient tristement le début de la journée. Les stalactites de gel emprisonnaient les branches rachitiques et les mots des passants mourraient dans la vapeur des paroles échangées. C’était l’hiver. On entendait dans le glacial matin les canards du jardin public nasiller, hurler leur solitude, on apercevait les premiers promeneurs leur jeter de petits morceaux de pain. La neige agonisait en congères le long des trottoirs verglacés et chaque pas qui la rapprochait de lui, s’avérait une réelle victoire sur le froid. Imaginer l’odeur de la machine à café pour allonger le pas ne lui servait d’ailleurs plus à rien.
Il venait de garer sa voiture sur le parking. Subitement, plus de froid, la sensation désagréable du mouchoir humide au creux de la main avait disparu, l’air glacé emprisonnant sa tête tel un étau s’était curieusement évanoui, même la ville avait reculé.
Elle était là devant lui, droite et debout telle une statue idiote, sans la voir il était passé près d’elle et escaladait maintenant les marches de la Fac. Puis il disparut dans la fumée de cigarettes des étudiants déjà présents.
Le fait qu’elle ait parié sur lui l’obligeait à une certaine vigilance. Le soir venu, comme une gamine qu’elle était encore sans doute, elle écrivait son prénom sur des feuilles de papier pour se porter chance, pensant ainsi conjurer un mauvais sort par anticipation.
 
 
Quinze jours plus tard, toujours rien.
Ana ne venait plus pour apprendre mais parce qu’elle le savait dans son dos et ce constat parfaitement stérile comblait le vide de sa vie.
Redoutant alors que leur histoire n’ait pas lieu, torturée par l’affolement

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