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Le Maître de stage
BJ Valbornhe
Roman de 165 000 caractères, 28 400 mots, 130 pages en équivalent papier.
Nathanaël doit effectuer un stage de validation de sa formation dans un domaine perdu des Cévennes où on l'a incité à candidater.
Une année loin de tout sous la férule d'un maître de stage directif et énigmatique.
Le désir monte et le déstabilise.
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Le Maître de stage
BJ Valbornhe
Chapitre 1 : Fin d'études
Chapitre 2 : Josselin
Chapitre 3 : Arrivée
Chapitre 4 : Charles N
Chapitre 5 : Fou de lui
Chapitre 6 : Mortifié
Chapitre 7 : Chat hétéro
Chapitre 8 : Élie
Chapitre 9 : Douches
Chapitre 10 : Massages
Chapitre 11 : Morosité
Chapitre 12 : Possessions
Chapitre 13 : Jusqu’où ?
Chapitre 1 : Fin d'études
Je ne suis ni beau, ni quelconque, disons avenant, sympa. Une bonne tête, taille moyenne vers un mètre soixante-quinze, blond, les yeux bleus, un visage régulier, pas trop musclé, mais pas mou du tout, habitué aux travaux physiques. J’ai une voix normale, pas très grave, une démarche plutôt décidée. Et je suis gay, sacrément gay, jusqu’au bout des ongles. Ce qui ne signifie pas que j’aime nécessairement Céline D. ni le disco ni Dalida, ni m’oindre de crème le visage ni m’habiller à la mode qui sera celle de la saison prochaine. Je suis gay parce qu’aussi loin que je me souvienne je me suis intéressé à mes petits camarades, aux gars, aux mecs, aux hommes, sans complication ni état d’âme. C’était comme ça, j’étais comme ça. Les complications sont venues plus tard, de certains potes et de mes parents puis de ces gens qui nous vouaient au bûcher dans la rue.
Sinon ça allait.
Mon problème, tout d’abord, ça a été tout d’abord quand mon grand-père nous a quittés, j’avais dix-huit ans, j’en ai vingt-trois. Il légua à ses trois fils, mon père et mes oncles, un magnifique mas, son mas, ses vignes et ses oliviers, sa source et le torrent qui le traversait ainsi que tous mes souvenirs. Mon père et ses frères n’eurent qu’une hâte : vendre – brader en fait, même s’ils avaient cru « avoir bien vendu » dans leur précipitation. Cela leur avait permis d’améliorer ou d’acheter « en contrepartie ! » de ces pavillons de banlieues lyonnaise, parisienne et même dunkerquoise dont ils rêvaient. Chacun ses rêves.
Les miens étaient fracassés.
J’ai hérité de mon grand père l’amour du grand air, de la vie agricole, de la culture et des champs, il m’avait tout appris dans ce mas. Après sa mort cette vente avait été pour moi un cauchemar. J’étais attaché à ce lieu comme à une terre promise et je n’avais jamais imaginé que je puisse en être privé un jour. L’essentiel de mon enfance, celle dont je me rappelle réellement, qui m’a nourri, je l’y avais passé : toutes les vacances, toutes les saisons. Je connaissais tout de ce mas, de sa rivière, de ses bois. J’adorais fouler hiver comme été ces chemins qui sentaient fort et bon l’aiguille de pin sèche, le cade ou la menthe poivrée. Je connaissais chaque restanque, chaque muret, chaque coin et recoin, chaque vieil arbre, chaque gros rocher planté dans le cours de la rivière, et aussi les lézards verts, les anguilles, les écureuils, les petits scorpions noirs sous les pierres, les mantes religieuses altières et, en plein mois d’août, la marée fabuleuse des cigales qui vous submerge.
J’y avais pêché, planté, cueilli, appris l’art des boutures, des tailles, pris le goût des saisons qu’on ne distingue en ville que par le manichéen « bon ou mauvais temps ». J’y avais compris et même éprouvé qu’une bonne et longue pluie, selon la saison, pouvait être un temps merveilleux, nécessaire, prometteur, voire une sensation délicieuse en été lorsqu’on offre son corps nu à sa caresse. J’avais aussi appris que le froid sec pouvait être un allié nettoyeur et le gel une sorte d’antiseptique de la nature, j’avais ainsi appris à observer, attendre, recevoir, perdre, selon le hasard des saisons.
J’aimais la terre, définitivement.
J’y avais vite découvert des sensations inscrites pour toujours dans ma vie érotique : la nudité que je cachais au bord de la cascade avec le soleil sur ma peau, la fraîcheur de l’eau comme un long baiser, sa caresse sur mes bijoux de famille qui frissonnaient quand que je nageais sans rien sur moi, puis ces explorations adolescentes de soi par divers objets qui me firent ressentir combien on peut jouir de cet endroit si décrié, ce cul que j’apprivoisais ainsi. Enfin et aussi souvent que possible mes mains sur mon sexe encore et encore jusqu’à la lente montée au plaisir qui ne m’avait jamais déçu.
Je m’entendais bien avec moi-même.
Dans ces lieux, j’avais rêvé, siesté, dormi. J’y avais aussi eu mes premières conquêtes sexuelles avec l’un ou l’autre gars du village qui partageait avec moi le goût de la baignade solitaire ou de la pêche. Je le conduisais habilement à un bain nu sans maillot dans un coin tranquille sous les arbres, on y glissait ensemble sans pudeur, on riait, chahutait un peu, se comparait de façon qu’excité, rigolard et dénudé il ne pense plus à s’offusquer de ce qui se passait ensuite. Et si ma bite ni trop grande ni trop petite, toute lisse avec son prépuce joliment ourlé ne l’affolait pas – ce fut le cas de la plupart de ceux que j’entraînais –, je le laissais parler de fille tout son saoul tant qu’il me laissait faire et y mettait un peu du sien pour moi. Tout ça finissait par apparaître naturel en tout cas tout simple et sans conséquence : ce qui se passait nu dans la rivière restait dans la rivière.
Je suis assez pratique comme garçon.
C’est dans ce mas qu’avec ces gars du village j’ai expérimenté mon désir des personnes de mon sexe, mon plaisir à les séduire ou simplement les exciter, le bonheur de caresser un corps masculin, musclé comme osseux, ses cuisses poilues, la bite dure dans ma paume, la fermeté des lèvres, la gourmandise de la bouche, la morsure dans le cou, sur le téton, la poigne qui s’empare des boules, et le tressautement des corps envahis par l’orgasme dont le parfum mousseux persiste ensuite dans la main.
Je suis gay donc cent pour cent.
C’est de toute cette enfance et de ma complicité avec grand-père que je tirai la volonté têtue d’entrer dans une profession agricole, hélas contre l’avis de mes parents. Ils étaient prêts à me payer toutes les études que j’aurais voulues : avocat, médecin, dentiste, enseignant… toutes sauf cette régression sociale qu’était pour eux mon « retour aux champs » d’où la famille estimait s’être honorablement extirpée. Mais voilà, bon sang ne saurait mentir, j’avais opté pour cet avenir à leur grand déplaisir et m’étais un peu fâché avec eux. Devant mon obstination professionnelle, mes parents avaient tout d’abord refusé mollement de me financer ces études régressives à leurs yeux et je me mis à la recherche de stages de formation. Le refus fut ferme et catégorique avec quasi expulsion du domicile familial quand ils déduisirent mon orientation sexuelle d’une trop bruyante nuit avec un copain invité sous leur toit. Ils n’avaient digéré ni l’une ni l’autre et surtout pas « sous leur toit ».
J’en avais été bien plus en colère contre eux qu’affecté.
J’avais dû dès lors m’occuper moi-même de financer mes études et ma vie courante. D’où une entrée dans une suite de stages pour me diplômer faute de pouvoir entrer dans une grande école. La plupart n’étaient guère ou pas rémunérés. Pour me financer, je passais l’essentiel de mon temps libre à harceler des bureaucrates pourvoyeurs de subsides et à remplir des dossiers à qui il manquait toujours une pièce, pour obtenir des bourses et surtout la gratuité du stage. Une première aide me vint d’un garçon de café qui m’accueillit agréablement dans son lit et me trouva des services de fin de semaine bien payés, des extras de mariages, de fêtes diverses. Durant quelques mois je logeais chez lui puis je pris une chambre.
Il m’aima bien, moi aussi, sans plus.
Je fis la connaissance d’un responsable bienveillant de la chambre d’agriculture. Il m’obtint l’accès non payant à des stages comme vigne, plantes aromatiques, œnologie, apiculture dont j’avais besoin. Il partageait mon orientation sexuelle, le sut de moi et par la suite me le fit savoir. C’est grâce à lui que j’ai pu suivre quatre années de stages qualifiants divers et me trouver en bout de cursus un stage en entreprise à effectuer pour valider le tout. Je l’en ai en quelque sorte récompensé par trois jours de volupté dans son lit à Venise, voyage merveilleux qu’il m’offrit, dont je l’avais prévenu qu’il serait amical, mais sans lendemain.
Ils furent délicieusement amicaux.
C’était un quinquagénaire plaisant, il s’était montré gentil, jamais pressant, je m’étais habitué à sa bienveillance tutélaire, je lui devais bien de prendre avec moi un plaisir qui n’avait rien de forcé. Je ne me sentis pas en train de me prostituer, la vie est faite de rencontres, et ces trois jours furent enchanteurs : beauté miraculeuse de la ville, confort de l’hôtel, restaurants locaux savoureux, délicatesse sensuelle de mon compagnon qui savait y faire. J’avais besoin de cette bienveillance tutélaire, de ce désir sensuel sur mon corps, de toute cette gentillesse qu’il manifesta et qui m’apaisait de ma colère contre mes parents.
De retour, ma dernière session terminée et mon habilitation quasi obtenue je pouvais m’installer comme agriculteur. Il me restait à effectuer l’ultime stage de six mois chez un professionnel, et que celui-ci me le valide. Je pourrais ensuite voler définitivement de mes propres ailes ce qui, en l’état de mes finances, signifierait entrer au service d’un société ou d’un propriétaire.
Je me dis que à chaque jour suffisait sa peine.
Pour une dernière fois, mon protecteur fit jouer ses relations et me proposa plusieurs tuteurs. J’examinais les propositions. Il y avait un producteur de blé beauceron dont nous savions bien que je n’avais que faire ni n’approuvais le modèle cultural. Un vigneron du Var, mais toujours abonné aux pratiques conventionnelles aussi bien de culture de la vigne que d’élevage du vin. Un maraîcher bio, un gros apiculteur – j’ai une passion pour les abeilles – pas sympa, et quelques autres ainsi que, pour finir, celui que je choisis guidé, je dois dire, et même carrément poussé par mon bienfaiteur : le propriétaire d’un domaine cévenol dans la haute vallée du Gardon.
Il se nommait Charles No