Pirates et barbaresques (érotique gay)
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Description

Pirates et barbaresques

Tome 3 sur 4 de L’Odyssée d’Achille

Pierre Dubreuil

Gay pulp de 210 000 caractères.
Achille, retenu par Robert dans l’île de Bequia, aux Grenadines, tombe peu à peu amoureux du beau pirate pour qui il avait tout de suite craqué physiquement. Le couple nage dans le bonheur, mais Achille n’en oublie pas pour autant son cher Patrice. Quant à Grégoire, Gustave et Patrice, nous les retrouvons à bord du galion ottoman qui les conduit vers Alger. Ils y sont surveillés par Bachir, un eunuque maure chez qui Patrice suscite une véritable passion. À la faveur d’une escale forcée au pays des Maures, le quatuor tente une évasion...
Du même auteur : Mémoire d’Aurélien, Soufrière, retour vers le passé, Antoine 30 ans après et La saga de L’Odyssée d’Achille : Le lit du roi, La route des îles, Pirates et barbaresques et La largeur d'un océan.


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Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 juin 2012
Nombre de lectures 27
EAN13 9782363073549
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pirates et barbaresques
Troisième partie deL’Odyssée d’Achille
(210 000 caractères)
Pierre Dubreuil
Bequia [prononcez Békwé], 11 décembre 1643.
Délicatement, le soleil s’immisçait à travers les persiennes. Un souffle d’air tiède et doux traversait la pièce et la rafraîchissait. Achille se réveilla sous la caresse subtile et il ouvrit les yeux. L’espace d’un instant, il ne comprit pas ce qui lui arrivait : cette caresse, il avait cru dans son demi-sommeil que c’était Patrice qui la lui donnait, et ce n’était que le vent ; un vent d’une suavité extrême, comme il n’en avait encore jamais connu, ni en France, ni sur l’océan. Et puis, où était-il, quelle était cette grande chambre où dansait ce vent exquis, à qui appartenait ce lit à baldaquin d’au moins sept pieds de large, avec des rideaux de tulle blanc qui s’agitaient doucement ? Un peu féminin, cet ameublement, un peu délicat pour son goût, peut-être, mais en tout cas un agréable changement après ces semaines dans la cabine étriquée de la « Guyenne » !
Il s’éveilla tout à fait et la mémoire lui revint : le débarquement sur l’île des pirates, la séparation d’avec ses trois compagnons. Et puis, l’ahurissante case où Robert l’avait installé, ce luxe inouï, à la limite du tapageur, si étrange sur une île perdue, et cette chambre où l’Anglais l’avait laissé seul pour respecter son désir de ne pas encore se donner à lui. À son arrivée, il faisait nuit, et à la seule lueur d’une bougie, il n’avait pas bien vu la pièce. Dans une sorte de semi-inconscience, il s’était dévêtu, s’était écroulé sur le lit et avait aussitôt sombré dans le sommeil, rompu par la fatigue et les émotions.
Il s’étira voluptueusement ; il se sentait bien. Il se leva d’un bond, dévoilant son corps de jeune dieu que parait une impressionnante érection matinale. Il baissa les yeux sur le membre dressé et murmura in petto :
— Dommage qu’il n’y ait personne pour s’occuper de ça !
Un moment, il regretta presque d’avoir repoussé Robert le soir précédent, mai aussitôt, il eut honte de cette pensée : non, il avait eu raison, ç’aurait été inexcusable de sa part de céder à un désir purement physique, de se livrer ainsi tout de suite à leur tortionnaire, une insulte à la mémoire du gentil Barnabé, une désinvolture envers l’amour de Patrice, envers la tendre affection de Gustave et de Grégoire… Et puis, ne serait-ce que par amour propre, il fallait bien imposer un délai au pirate, lui montrer qu’en dépit de ce qu’il pouvait croire, il n’était pas tout à fait le maître et que, si la force lui permettait de disposer à son gré du corps d’Achille, il n’en allait pas de même de sa tendresse, encore moins de son cœur.
Pourtant, le seul fait d’avoir pensé à Robert avait émoustillé Achille : son sexe en tressaillait d’aise ; il lui donna une vague caresse qui fit perler à son bout une gouttelette de liqueur. Un instant, il eut la tentation de se donner du plaisir en pensant à son hôte, mais de nouveau la honte l’envahit : quelle idée de désirer ce pirate, surtout aussi ardemment ! Il n’était pas fier de lui ! Quelle chose étrange que les envies sexuelles !
Il soupira, secoua la tête. Allons ! Il déciderait en temps voulu de la conduite à tenir ! Le plus urgent était de découvrir son nouvel environnement. Il aperçut, disposée sur un élégant
fauteuil au chevet du lit, une fine robe de lin blanc rebrodée d’or à l’encolure ; il se souvint de la description de João et comprit que c’était là le vêtement qu’il avait appelé « djellaba ». Il l’enfila et remarqua avec satisfaction qu’elle était à la fois seyante et confortable. Sa nudité ainsi dissimulée, il alla ouvrir les persiennes.
Quatre grandes portes-fenêtres donnaient sur une large galerie ; des amas de fleurs aux mille couleurs s’y enchevêtraient dans un aimable fouillis. Pas de vitres, seulement des volets de bois ajourés qui permettaient de « cacher le soleil » lorsque c’était nécessaire tout en laissant l’alizé ventiler la pièce et lui apporter son exquise douceur. La chambre occupait un angle de la case, et l’on découvrait, côté ouest, des montagnettes aux courbes délicates, plantées à leur base de grands arbres aux palmes bruissantes. De l’autre côté s’étendait la crique où ils avaient débarqué la veille, avec sa plage de sable beige bordée de raisiniers. Plusieurs bateaux y étaient au mouillage. Achille reconnut avec émotion la « Guyenne » et le galion des pirates. L’anse formait un lagon fermé par une sorte de dune où s’agitaient des cocotiers. De nulle part on ne distinguait la mer, comme de la mer aucune ouverture visible ne permettait de distinguer la crique. Robert avait bien choisi l’emplacement de son repaire : il était indétectable…
Achille se retourna vers la case. Aux fenêtres de la chambre ondulaient les mêmes rideaux de tulle blanc qu’au baldaquin. L’aspect frais et pimpant de la pièce s’en trouvait renforcé. Fallait-il que Robert fût excentrique pour avoir bâti une telle demeure alors que, sans cesse à courir les mers, il ne devait y résider que quelques semaines par an ! Et comme il était surprenant de constater ces goûts d’un raffinement presque exagéré chez un homme qui, chaque jour, côtoyait des matelots dont le dernier bain remontait à six mois, passait sa vie à arraisonner des navires, à rançonner des gens et bien pire encore ! Un homme en apparence guère plus propre que ses sbires, avec sa barbe hirsute, sa chevelure emmêlée, ses vêtements pas très nets, et qu’on eût mieux imaginé, plutôt que dans cette fastueuse résidence, dans quelque cabine de navire étroite et puante, ou dans quelque bouge bien sordide !
Achille rentra dans la chambre. Il ne l’avait pas encore vraiment examinée, il avait juste distingué comme un tout son apparence luxueuse sans s’attarder aux détails. Il s’immobilisa suffoqué. Lui qui avait hanté les demeures royales françaises, habité des appartements décorés par les plus grands artistes du temps, ne savait où poser les yeux : des murs d’acajou latté servaient d’écrin à un mobilier d’une splendeur inouïe ; leur simplicité le mettaient en valeur mieux que les lambris dorés du Louvre, les fresques du Primatice ou les verdures d’Aubusson. Les fauteuils recouverts de tapisserie au décor floral, presque blanche – concession au lieu et au climat –, la lourde table d’ébène à pieds torsés, les coffres de marqueterie sortaient tous des plus grands ateliers de Paris ou de Londres. Entre deux des fenêtres se trouvait un somptueux cabinet, lui aussi d’ébène, et dont les incrustations d’ivoire et de nacre représentaient une scène de chasse au canard, tandis qu’entre les deux autres se dressait une armoire de la même facture. C’était la première fois qu’Achille voyait une armoire et il en fut émerveillé ; ce meuble, encore fort rare, allait bientôt s’imposer, remplacer avantageusement les coffres… Il ouvrit les lourdes portes, contempla la penderie et les étagères, chargées de vêtements d’hommes méticuleusement alignés. Tous blancs. À qui pouvaient-ils appartenir ? À Robert ?
Sur les murs trônaient deux tableaux ; l’un représentait une scène mythologique, l’autre un portrait de femme avec une énorme fraise autour du cou, dans le style espagnol. Achille, incrédule, identifia les signatures : Poussin et Vélasquez. Il poussa un sifflement admiratif : on gagnait bien sa vie, à écumer la Caraïbe !
Un cordon de sonnette, lui aussi de tulle blanc et terminé par un gland frangé d’or, pendait au chevet du lit.
— Non seulement mon pirate possède une demeure royale, mais apparemment, il a aussi des serviteurs ! remarqua Achille qui ne s’étonnait plus de rien.
Il tira plusieurs fois le cordon et entendit une clochette résonner au loin. Quelques secondes plus tard, un jeune homme de bonne mine apparut. Il était tout de blanc vêtu – couleur décidément omniprésente chez Robert. Curieusement, il ne portait pas de haut-de-chausses, mais une sorte de culotte de lin assez moulante qui découvrait ses mollets nus. Une chemise de la même matière, col largement ouvert, manches retroussées, laissait entrevoir de bien jolies choses. Pieds nus. Plutôt agréable à regarder, ce qu’Achille, à son habitude, ne manqua pas de constater.
— Je vous souhaite le bonjour, Monsieur, et la bienvenue chez nous ! Je suis Brestois, votre valet.
— Mon valet ! Fichtre ! Lord Robert fait bien les choses !
Un sourire ravi illumina le visage de l’homme. On eût dit un dévot à qui l’on faisait compliment de son dieu.
— Oh ! oui, Monsieur ! Lord Robert fait toujours tout très bien ! Lord Robert est un être parfait !
Achille, interloqué, jeta un regard en coin au valet ; était-ce de l’ironie ? Il ne semblait pas, le sourire béat était toujours là, l’homme paraissait sincère… Curieux, tout de même, cette adoration… Il résolut d’ignorer la remarque et interrogea :
— Tu es français… Comment donc as-tu échoué dans ce repaire de pirates anglais ?
— Ma foi, Monsieur, à peu près de la même façon que vous : je me rendais à la Martinique ; mon bateau a été capturé par ces messieurs. Je n’avais pas, selon les critères de Lord Robert, de « valeur marchande », et j’allais donc être libéré à Saint-Vincent avec d’autres passagers. Mais, pendant le trajet, j’ai fait la connaissance de Nigel, l’un des hommes de Lord Robert. Nous sommes tombés amoureux au premier regard. Lord Robert m’a autorisé à rester ici. Un peu plus tard, j’ai épousé Nigel et depuis, nous nageons dans le bonheur…
— Tu l’as… épousé ?!
— Oui, Monsieur, et devant Dieu ! À Bequia, c’est Lord Robert qui fait la loi, et les hommes peuvent se marier entre eux. Nous avons parmi nous un pasteur de l’Église d’Angleterre, lui-même marié à l’un des pirates. C’est lui qui célèbre les unions. Lord Robert les encourage : il trouve que cela stabilise ses hommes. La plupart sont mariés, soit entre eux, soit avec des gens de l’extérieur comme moi.
Il resta quelques instants silencieux et ajouta plus bas, comme en confidence :
— Lord Robert lui aussi a été marié ; avec un autre seigneur anglais, Lord William. Je crois
qu’ils avaient fui l’Angleterre ensemble, il y a des années, parce qu’on les persécutait du fait de leur bougrerie. C’est pour ça qu’ils sont devenus pirates, pour se venger de la société. Ah ! Monsieur ! Jamais je n’avais vu deux personnes s’aimer comme eux ! Ils rayonnaient de bonheur, on eût dit deux soleils, ils faisaient plaisir à voir…
— Et que s’est-il passé ?
— Hélas, Monsieur, Lord William a été tué au cours d’un abordage, il n’y a pas un an. Depuis, Lord Robert n’est plus le même homme. Lui naguère si élégant, il ne se soigne plus, il a laissé pousser cette barbe horrible et ses cheveux s’emmêler, il ne se lave plus, ne change de vêtements que lorsqu’il n’en peut plus de m’entendre récriminer. Bien sûr, avec ses hommes, ou quand il part en expédition, il prend sur lui, il donne le change, il rit, chante, saute partout comme avant, mais quand il se retrouve seul ici, il sombre dans la mélancolie, je le vois bien. C’est un homme brisé. Ah ! Monsieur ! J’espère sincèrement que votre arrivée ici va changer tout ça ! D’ailleurs, ça a déjà commencé, vous verrez, vous ne le reconnaîtrez pas ! Vous êtes ce qu’il lui fallait, à Lord Robert, un nouvel amour qui lui redonne envie de vivre !…
Achille était surpris, presque ému : il n’aurait pas imaginé que l’exubérant pirate, le chef impitoyable dont ses compagnons et lui avaient subi la poigne, le libertin qui lui avait fait une cour pressante, eût une vie privée somme toute plutôt « bourgeoise ». Il songea à la nuit précédente, à Robert seul dans sa chambre en train de ruminer son malheur, de rêver d’Achille et de ses caresses qui le lui auraient fait oublier. Il eut presque honte et pensa :
— J’aurais dû lui céder hier soir ; après tout, moi aussi, je le désirais !
Brestois continuait ses péroraisons. Il s’était rapproché d’Achille et lui soufflait à l’oreille, comme un secret, dans un murmure :
— Et cette chambre, Monsieur, c’était la leur… Leur chambre matrimoniale… C’est Lord William qui en avait choisi la décoration. Lord Robert n’y est plus entré depuis le malheur…
Achille ressentit un léger malaise, comme s’il avait pénétré chez quelqu’un sans le vouloir et qu’il eût découvert un secret de la personne. Puis il se raisonna : une chambre n’était qu’une chambre, quel que fût celui qui l’avait installée, qui y avait vécu. Toutefois, il ne faudrait pas que Robert en fît un sanctuaire… Il interrogea :
— Tous ces vêtements, dans l’armoire, ce sont ceux de Lord William, n’est-ce pas ?
Brestois répondit comme s’il avouait un péché :
— Oui, Monsieur, Lord Robert a dit qu’ils seraient à votre taille et qu’il aimerait vous voir les porter…
— Cette djellaba aussi ?
— Oui, Monsieur, avoua le valet comme à regret.
Achille réfléchit un moment, puis il ordonna :
— Tu vas me débarrasser de tout ça et tu installeras mes affaires à la place. Je n’ai pas grand-chose, mais ça suffira pour l’instant. Toutefois, tu prendras bien soin que le linge de
Lord William soit rangé soigneusement dans un endroit où il ne risquera pas de s’abîmer.
Brestois hésita un bref instant puis acquiesça, d’un ton où la réprobation était tangible :
— Oui, Monsieur.
Achille ôta la djellaba sans se soucier de montrer son corps au valet qui ne put s’empêcher de lui lancer un coup d’œil admiratif, enfila son haut-de-chausses et sa chemise puis demanda :
— Je présume que Lord Robert est dans sa chambre ?
— Oh ! non, Monsieur ! Il est avec ses Indiens !
— Ses Indiens ?!
— Lord Robert s’occupe beaucoup des Indiens. Les colons sont en train d’exterminer ces malheureux. Ils n’ont qu’une alternative : la mort ou la fuite ; beaucoup choisissent la mort, car c’est un peuple fier, un peuple de guerriers. Ceux qui décident de fuir sont contraints de se réfugier dans les îles les plus inaccessibles, des îles que les Blancs dédaignent pour l’instant. C’est le cas de Saint-Vincent, non loin d’ici. De nombreux Caraïbes y subsistent dans une grande misère. Lord Robert les aide beaucoup, nourriture, soins, construction de villages… Il leur consacre une grande part de sa fortune… Je vous le dis, Monsieur, Lord Robert est un saint !…
Achille était à la fois surpris, amusé et admiratif ; un peu agacé, aussi : son écumeur des mers serait donc une sorte de « Robin à la Capuche », ce héros des légendes médiévales anglaises qui volait les riches pour donner aux pauvres !… L’homme le séduisait de plus en plus, et cela ne lui plaisait qu’à moitié : il avait tant à lui reprocher à titre personnel !…
Soudain, un détail le frappa et il demanda, avec une nuance de déception dans la voix qu’il ne put maîtriser :
— Il est donc reparti pour Saint-Vincent ?
Brestois eut un petit rire ironique, presque insolent :
— Oh ! non ! ne vous inquiétez pas, Monsieur, je connais bien Lord Robert, il est fou amoureux, il ne vous aurait pas abandonné ! Ici aussi, il y a des Indiens ! Nous sommes à Bequia, la plus grande et la première des Grenadines, îles minuscules éparpillées entre Saint-Vincent et la Grenade. Les colons ne s’intéressent guère, pour le moment du moins, à ces petites terres : ils se partagent les grandes îles fertiles d’où ils chassent les Caraïbes. Certains d’entre eux trouvent refuge aux Grenadines… Ici… Lord Robert les a aidés à installer un village dans les collines, et il s’occupe d’eux, veille à ce qu’ils ne manquent de rien. C’est là-haut qu’il est en ce moment…
— Très bien. Quand il rentrera, dis-lui que j’aimerais lui parler…
Brestois s’inclina en signa d’assentiment.
***
Achille rêvait dans un fauteuil sur la galerie quand il se rendit compte qu’un homme était là, debout à quelques pieds de lui, à le regarder fixement. Il leva les yeux sur lui et eut un mouvement de recul : qui diantre était cet inconnu ? Mais presque aussitôt, il l’identifia :
— Robert ! C’est vraiment toi ? Quelle métamorphose !
Le pirate hirsute, le farouche pilleur de navires dont les cheveux n’avaient pas connu la brosse depuis des semaines et dont la barbe se hérissait en tortillons emmêlés était devenu comme par enchantement un vrai gentleman anglais alliant classe et nonchalance. Sa longue chevelure d’un auburn chaud et brillant était désormais bien lissée et sagement nouée sur la nuque par un ruban rouge. De sa barbe d’homme des cavernes ne subsistaient que les longues moustaches effilées de rigueur à l’époque, et la « royale », cette petite touffe de poils verticale entre la lèvre inférieure et le menton, que Louis avait mise à la mode. Ce visage policé mettait en valeur ses yeux vert d’eau et les faisait paraître plus clairs. Il portait le même genre de culotte assez moulante que Brestois, mais de couleur rouge, et une large chemise blanche en lin aux poignets et au jabot bouillonnants de dentelle, ouverte sur une poitrine musculeuse et discrètement velue.
Achille, déjà sous le charme du pirate peu soigné, fut définitivement séduit par l’homme raffiné qu’il était devenu. Il sentit le désir s’emparer de lui. Il allait se lever, s’élancer vers Robert, mais ce dernier le devança, se précipita et se jeta un genou à terre aux pieds du fauteuil. Il saisit la main d’Achille, la baisa, la posa sur sa poitrine et murmura, d’un ton intimidé :
— Mon aimé, tu méritais mieux que cette brute épaisse de Robert le Bougre, terreur de la Caraïbe ; Lord Robert est revenu pour toi.
Il ajouta, avec un fin sourire et un éclat moqueur dans les yeux :
— Après tout, tu es habitué à la couche des rois…
Achille se mit à rire :
— Ne te moque pas de moi, veux-tu ! Tu sais, il était attirant, Robert le Bougre ! Je ne l’aurais pas dédaigné ! Mais c’est vrai que je préfère Lord Robert ! Il est infiniment plus séduisant !
Le pirate sourit et serra plus fort sur son cœur la main d’Achille.
— Mon amour ! Alors, je peux espérer que tu m’accorderas bientôt tes faveurs ? Je meurs de désir pour toi !
Achille libéra sa main, l’introduisit dans l’échancrure de la chemise et caressa doucement le torse chaud et doux. Il planta son regard dans celui de Robert et déclara :
— Pourquoi résister ? À quoi serviraient des scrupules voués de toute manière à être
vaincus sous peu ? Oui, Robert, je me sens prêt à accepter ton amour ! Oui, Robert, j’ai envie de toi ! Le seul fait de penser à une étreinte avec toi me met le feu au sang !
Un sourire radieux s’imprima sur les lèvres du pirate et son visage s’illumina. Il se pencha vers Achille et embrassa doucement ses lèvres.
— Oh, Achille, quel bonheur ! Tu fais de moi un homme heureux et je t’assure que tu ne t’en repentiras pas ! L’amour dont je vais t’entourer sera tellement fort que tu ne pourras pas t’empêcher de le partager !
Achille prit la tête de Robert entre ses mains et déclara d’un air un peu triste :
— Je ne suis pas sûr que toi, tu sois prêt à m’aimer…
— Moi, pas prêt à t’aimer ?! Mais je t’aime depuis la première fois où je t’ai vu, je suis fou de toi ! Prêt à tout pour te plaire, prêt à changer ma vie pour toi ! Tu déraisonnes ! Que veux-tu dire ?
— Sans doute, tu es prêt à faire l’amour avec moi, à me donner de la tendresse. Nous y sommes prêts tous les deux. Mais tu n’es pas prêt à avoir avec moi la relation que tu dis souhaiter, une véritable passion assortie d’une vie de couple à part entière. J’ai parlé avec Brestois, ce matin. Il m’a un peu raconté ton histoire… ton malheur. Une belle histoire, d’ailleurs, un bel amour qui finit mal… Ne va pas croire, surtout, qu’il y ait de la jalousie de ma part… Ce qui m’ennuie, Robert, c’est que ce n’est pas moi que tu recherches, mais William. Tu veux que je lui ressemble… Tous ces vêtements à lui que tu avais laissés dans mon armoire… Remarque, si c’est ce que tu veux, à moi, ça me convient, je me déguiserai en William, j’agirai selon tes désirs… Même si je trouve cela un brin malsain… Mais j’ai cru comprendre, je suis même sûr que tu cherches autre chose… C’est pourquoi je te dis que tu n’es pas prêt…
Robert demeurait silencieux. On voyait qu’il réfléchissait. Son visage s’était empreint d’étonnement, de sérieux, d’une certaine tristesse aussi. Finalement, il déclara :
— Tu as raison, mon bien-aimé, je ne suis pas prêt. Pardonne-moi : j’allais faire démarrer notre relation sur de mauvaises bases, j’allais construire notre demeure sur des sables mouvants. J’allais, non pas rêver de quelqu’un d’autre en étant avec toi, mais faire de toi un personnage double, un mélange de deux êtres que j’aime, toi et celui qui n’est plus. Ce n’est pas ce que je souhaite en réalité : avec toi, je veux repartir de zéro. Je te remercie, mon Achille : tu m’as ouvert les yeux sur l’erreur que j’allais commettre. Il faut que j’enregistre tout cela, que je l’accepte, que je le digère. Après seulement, je m’unirai à toi.
Il darda sur Achille un regard fiévreux et ajouta en lui serrant fortement la main :
— Ça va être difficile d’attendre !
Il se releva et s’éloigna sans un autre mot, sans un autre geste, comme perdu dans ses pensées.
***
En quelques minutes, le jour a remplacé la nuit. Les grenouilles se sont tues et déjà le soleil point par les interstices des persiennes. Sur son lit à baldaquin de tulle blanc, couché en chien de fusil, Achille dort. Un drap léger le recouvre jusqu’à la ceinture, parant de mystère ses jambes et ses fesses subtilement moulées dans le lin. Son torse hâlé durant...
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