65
pages
Français
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2018
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Ebook
2018
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Publié par
Date de parution
24 août 2018
Nombre de lectures
2
EAN13
9791029402975
Langue
Français
Un amour de jeunesse
Jean-Paul Tapie
Roman de 234 000 caractères, 41 100 mots, le livre papier fait 150 pages.
Dans la ville moyenne où la dernière insubordination de son père, un militaire de carrière "forte tête et caractère de cochon", vient de l'entraîner, Pierre, 17 ans, découvre les Morin-Géniez. Une famille bourgeoise dont la stabilité et la décontraction le fascinent.
Parmi les membres de la tribu, l'un d'eux l'attire particulièrement : Pascal, 15 ans, un garçon sportif, rebelle et indifférent.
Entre ces deux garçons, que peut-il se passer ? Un amour de jeunesse peut-il être le bon ? Est-on condamné à n'aimer qu'une fois ? Est-il possible d'aimer sans espoir de retour à 17 ans ?
Pierre se pose de redoutables questions dont il n'est pas certain de posséder les réponses.
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24 août 2018
Nombre de lectures
2
EAN13
9791029402975
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Français
Un amour de jeunesse
Jean-Paul Tapie
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Si vous demandez à n’importe quel membre de la famille Morin-Géniez ce qu’il ou elle pense de moi, il ou elle vous répondra quelque chose comme : « c’est une merde ». Chacun choisira ses propres termes, bien sûr, mais au bout du compte, chaque opinion se résumera à ces deux mots lapidaires : une merde. Séverine, la fille, usera sans doute d’une expression plus convenable, et Adrien, le père, d’une insulte plus subtile. Mais Cédric, le fils aîné, et Pascal, le benjamin, me traiteront probablement de petite merde. Voire de sous-merde.
Même si je trouve que, dans toute cette affaire, c’est moi le plus à plaindre.
2
C’est peu de dire que je les ai aimés, tous, les uns après les autres, chacun à ma manière. Je venais d’avoir dix-sept ans quand j’ai fait la connaissance de Cédric Morin-Géniez. Mon père avait été brusquement muté dans cette ville moyenne de l’ouest de la France, qui semble n’avoir été créée que pour servir de lieu de relégation pour militaires indisciplinés. J’avais traîné les pieds pour suivre mon père, mais je n’avais pas le choix. J’aimais la petite ville du sud où nous vivions depuis trois ans. Mais il avait encore fait une connerie et il avait été brutalement muté dans cette ville moyenne – moyenne dans tous les sens du terme.
Au fond, il était fatal que je m’engoue des Morin-Géniez : ils étaient l’un des rares éléments attractifs de l’endroit.
Impossible de ne pas remarquer Cédric Morin-Géniez, le premier jour où je suis entré dans la salle de classe des Terminales C, deux semaines après le démarrage de l’année scolaire, alors que tout le monde avait déjà pris ses marques et ses habitudes. Il était le plus grand et le plus élégant d’entre nous. Pas le plus beau, non, mais le plus attirant, sans aucun doute. D’ailleurs, j’ai pu le constater tout au long de l’année scolaire, il était la coqueluche des surprise-parties qui ont commencé à se donner un peu partout dès la fin de l’hiver. Quand il riait, tout le monde se tournait vers lui et le regardait. J’ai fait comme les autres. J’étais assis deux rangées derrière lui, au fond de la classe, là où il restait deux ou trois pupitres dont personne n’avait voulu. Je le voyais de trois quarts. Il avait des traits parfaits, un front clair, un joli nez droit, une mâchoire ferme et racée, de belles oreilles – avant lui, je n’avais jamais imaginé qu’un garçon pût avoir de belles oreilles – et bien sûr des yeux bleus frangés de longs cils, surprenants chez un garçon. Il avait en outre de beaux cheveux, qu’il semblait ne jamais coiffer, mais qui s’arrangeaient pour toujours présenter la meilleure coiffure qui soit.
Il était habillé avec un classicisme que peu d’élèves, même en Terminale, auraient osé imiter. Il semblait ne posséder aucun vêtement de marque, mais je me suis rendu compte plus tard que les marques de ses vêtements, discrètement cousues à l’intérieur du col ou de la ceinture, étaient considérées comme le comble du chic par tous ceux qui étaient plus soucieux de style que de mode.
Il était fatal que je m’intéresse à lui.
Je tiens à préciser, avant de poursuivre, que, du premier au dernier jour, je n’ai jamais été amoureux de lui.
3
Quelle connerie avait bien pu faire mon père pour être muté, une fois de plus, sans que l’on ait pris, cette fois, la peine de déguiser sa mutation en fausse promotion ? La volonté de le punir était flagrante.
Il s’en foutait. Être encore sous-officier à quarante-deux ans alors qu’il aurait au moins dû être, à son âge, capitaine, voire commandant, ne semblait pas le déranger. Quand quelqu’un – un collègue, presque toujours – s’offrait l’audace, ou l’inconscience, de le lui faire remarquer, il haussait les épaules et convenait en souriant : « J’ai une trop grande gueule ! » Quand j’étais là, j’ajoutais : « Et une trop forte tête ! » Mon père rigolait franchement et concluait : « Les deux vont souvent ensemble, chez moi elles se tirent la bourre en permanence ! »
En général, ceux qui avaient posé la question souriaient devant tant de franchise décontractée. Mon père n’avait de problèmes qu’avec la hiérarchie. Tous les autres sous-officiers, pour ne rien dire de ses hommes, l’adoraient. Il était facile à apprécier si l’on aimait les hommes simples et sincères. On ne pouvait pas l’accuser de cacher son jeu. Il était franc comme une page blanche. Il disait toujours ce qu’il avait sur le cœur ou ce qui lui venait à l’esprit. Ce qui expliquait les nombreux dérapages de sa lente carrière.
Pourtant, au tout début, elle avait connu une progression prometteuse. Il s’était engagé volontaire au moment de la guerre d’Algérie, devançant l’appel de sa classe, et son comportement de l’autre côté de la Méditerranée lui avait valu rapidement promotion et galons. Des médailles aussi, notamment pour deux actions d’éclat qui avaient prouvé son courage et son sens de la fraternité. Il avait commencé là-bas à illustrer sa devise : « Ne jamais laisser un homme sur le terrain ».
Il était fait pour devenir maréchal à trente ans dans la Grande Armée. Mais la paix lui avait été fatale. Ce n’étaient pas les rares engagements de la France au cours des années suivantes, en Afrique notamment, qui allaient lui permettre de donner de nouvelles preuves de ses qualités guerrières. D’autant qu’il était revenu d’Algérie avec une réputation sulfureuse. Il semblait avoir été impliqué dans des actions dont je ne l’avais jamais entendu parler qu’à demi-mots. Il avait eu cependant la chance d’être aux arrêts quand les généraux félons avaient tenté leur putsch. Car nul, le connaissant, n’aurait douté un instant qu’il ne se fût joint à eux. Il avait donc réussi à éviter cette tache sur son CV.
Il n’avait jamais commis de fautes trop lourdes, qui auraient pu lui valoir d’être cassé de son grade ou renvoyé de l’armée. Il s’agissait, le plus souvent, de problèmes relationnels avec ses supérieurs. Avec l’un de ses supérieurs. Il y en avait toujours un qui lui déplaisait, ou à qui il déplaisait. Il respectait pourtant ceux qui étaient plus gradés que lui, mais il avait une véritable aversion pour ceux qui avaient gagné du galon dans les couloirs du ministère ou à l’ancienneté.
Ceci dit, je crois que mon père se satisfaisait de la modestie de sa carrière. Il aimait commander ses hommes, les entraîner, les mener au combat, pas les diriger derrière une carte d’état-major. Il y avait du sergent à vie chez lui. Ce n’était pas un militaire, c’était un soldat.
Bref, cette année-là, l’année où j’ai fait la connaissance des Morin-Géniez, mon père venait de connaître une nouvelle affectation, probablement après une rixe avec son supérieur hiérarchique immédiat, et nous avions été tous les deux limogés, pour ainsi dire.
4
Après le charme du Sud, notre nouvelle résidence n’avait rien pour me plaire. Très vite, j’avais fait le tour des charmes qu’elle pouvait recéler et aucun ne m’avait retenu longtemps. Il n’y avait donc plus que les gens pour me consoler de ce changement d’adresse. Les Morin-Géniez ont parfaitement comblé l’absence d’intérêt de la ville où nous vivions désormais.
5
Il ne m’a pas été difficile de devenir copain avec Cédric Morin-Géniez.
Je ne suis pas particulièrement beau, j’ai des traits fermes, assez banals, et une vilaine cicatrice sur la pommette gauche, mais mon père a fait de moi très tôt un athlète. Il m’a imposé, dès l’âge de six ans, un entraînement de commando. Il m’obligeait à courir avec lui, à ramper, à sauter, à grimper à la corde ou aux arbres, à nager là où je n’avais pas pied, à crapahuter dans la nature. Il y a été aidé par l’absence de ma mère. Elle l’avait quitté alors que je n’avais pas encore cinq ans. Je n’avais rien compris à leur séparation et mon père m’avait encouragé à ne pas chercher à comprendre. Je m’étais contenté de la voir de temps à autre tant qu’elle habitait la même ville que nous. Parfois, sans prévenir, elle venait me chercher à la sortie de l’école. Je la suivais. Je savais instinctivement qu’elle n’agissait ainsi qu’approuvée par mon père. Elle n’aurait pas osé, même après l’avoir quitté, enfreindre ses consignes. Je passais deux ou trois jours avec elle, puis elle me ramenait chez mon père, me laissant devant la caserne. Je ne ressentais aucun mal-être à être ainsi partagé entre elle et lui. Elle me faisait retrouver le goût de la douceur, au propre comme au figuré – elle cuisinait très bien, notamment les desserts – mais au bout de trois jours, il me tardait de retrouver l’ambiance masculine et sportive de mon père. Ce partage pacifique avait duré deux ou trois ans, puis elle avait rencontré un homme qui l’avait emmenée à l’autre bout de la France, avant carrément de l’emporter vers les Antilles. Je ne l’avais plus revue pendant près de six ans. Un jour, mon père m’avait annoncé qu’elle était prête à me recevoir chez elle, à Gosier, à la Guadeloupe. Je l’avais regardé sans réagir. Comme il n’ajoutait rien, j’avais haussé les épaules. Il avait hésité encore un instant, puis m’avait dit : « Tu iras. » Je devais avoir quatorze ou quinze ans, quelque chose comme ça, à l’époque. Nous vivions déjà dans le Midi, avec mon père, il n’avait pas fait le con depuis au moins deux ans et je commençais à considérer notre installation là-bas comme définitive.
Un jour, je m’étais embarqué à Marseille, direction la Guadeloupe. J’y étais resté quinze jours. Les retrouvailles s’étaient bien passées, il n’y avait rien de particulier à en dire. Le lien, s’il n’était pas tout à fait rompu, était suffisamment entamé pour que je ne ressente rien de vraiment pré