Un tour du monde pour le Refuge
95 pages
Français

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Description

Un tour du monde pour le Refuge
Collectif de 15 auteurs
Roman de 361 500 caractères, 62 300 mots. La version papier fait 256 pages.
Tous les droits d’auteurs de cet ouvrage vont au Refuge.
Un tour du monde pour le Refuge vous emmène dans des pays aussi variés que, par ordre alphabétique : Allemagne, Chine, Finlande (photo de couverture), Grande-Bretagne, Grèce, Islande, Italie, Japon, Pologne, Québec, Russie et Rwanda.
La thématique donnée aux auteurs était :
Faites vivre un pays au travers d’une histoire qui traite d’homosexualité.

15 auteurs ont bien voulu participer et donner leurs droits d’auteurs au Refuge, qu’ils en soient remerciés. Leurs textes vous sont donnés dans ce recueil par ordre décroissant de longueur :
De chair et de cendres de Sébastien Monod
Berlin spleen de Jeff Keller
Un Negroni, sinon rien de Nathaniel Vigouroux
Équilibre de Maxime Meyer
Birthday Boy de Enzo Daumier
Douceur Pure Laine de S.M. Gerhard
Rysy de Jeanne Malysa
Un lointain voisin de Denis-Martin Chabot
Chaud-froid de Aurore Kopec
Le témoin de Sébastien Avril
Évasion à Ératini de Mélanie Tellier
English Breakfast de Vincent Koch
Lhomme de Laponie de Ludovic Zadania
Le chant du papillon de Michel Evanno
Gravir des sommets de Luc Frey


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Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 juin 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9791029402227
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un tour du monde
pour le Refuge
 
 
15 nouvelles
 
 
 
 
De chair et de cendres
 
Sébastien Monod
 
 
Julio était en extase devant le reflet de son grand frère dans la grande psyché de la salle de bains : Guillermo avait enfilé la tenue qu’il comptait porter lors de la fête organisée par la famille De la Vega. Elle n’avait lieu que le samedi suivant, c’étaient donc trois longs jours qu’il devait attendre avant de la mettre. Il ne pouvait patienter, il tenait à voir à quel point il était séduisant et sexy dans ce nouveau pantalon en lin beige acheté le matin même dans un magasin à la mode de la ville. La chemise, achetée la veille, avait été repassée une demi-heure durant et posée sur un cintre recouvert d’une housse de protection. Une chemise légèrement cintrée, à la coupe parfaite, mettant en valeur sa musculature fraîchement acquise aux côtés d’un coach payé une fortune pour « tonifier » un corps trop longtemps délaissé. Mais la fête, prévue depuis trois mois, avait persuadé Guillermo de redonner tonus à sa musculature.
Julio ne put s’empêcher de lâcher un « Waaaah ! » d’admiration quand son frère referma un bouton de sa veste, elle aussi en lin et assortie au pantalon. Il avait fière allure, la chose était indéniable. Dommage qu’il fût si bête et imbu de sa personne. C’était le jugement sans appel de Lorenzo, posté derrière la porte d’entrée de la salle de bains, attendant qu’elle fût libérée pour prendre une douche. Il avait grand besoin de se rafraîchir. Ce mois de juin était atrocement chaud. Les arbres et les pelouses de Cordoue grillaient à vue d’œil, et le Guadalquivir n’était plus qu’un maigre filet coulant mollement sur des pierres aussi blanches que l’astre implacable. Le jeune homme avait été chargé de désherber le jardin, mais il n’avait pas travaillé une demi-heure que son corps ruisselait de transpiration, ce dont il avait horreur ! Ses cheveux châtains étaient constellés d’herbes qui lui démangeaient le cuir chevelu, et ses yeux, de grands yeux verts sur lesquels on s’extasiait, étaient rouges, irrités par des éclats de terre remuée.
Oui, Guillermo avait fière allure, on pouvait même dire qu’il était beau. La nature n’avait pas été garce avec lui et lui avait offert un corps bien proportionné et un visage angélique – ce qu’il n’était pas en réalité. Galbé dans son pantalon épousant la moindre courbe, son fessier ne laissait pas de marbre filles et garçons qui avaient le loisir de marcher derrière lui.
Lorenzo rougit de honte à ces pensées : Guillermo était son frère, et l’on ne décrivait pas un frère en ces termes. En réalité, il était son demi-frère. Mais cela ne changeait rien à la donne : on n’était pas censé dire d’un membre de sa famille qu’il avait un corps de rêve. Voilà sûrement pourquoi Lorenzo se sentait obligé d’ajouter qu’il était « con comme un balai », pour reprendre son expression favorite.
Julio aussi était son demi-frère. Lorenzo vivait avec eux dans la maison de leur père, Felipe Garcia. Âgé de vingt ans, Lorenzo était le cadet, entre Guillermo de deux ans son aîné, et Julio, âgé de quatorze ans. « L’autre », comme il le nommait, cet homme qui était devenu son beau-père, lui avait volé sa mère. Depuis le décès de celle-ci, il était contraint de supporter cette famille qui le tolérait, mais ne l’avait jamais réellement accepté. Quant au père de Lorenzo, il était un mystère, il ne l’avait jamais connu, et sa mère avait toujours refusé d’en parler.
Le jeune homme était, comme à son habitude, dans ses pensées quand la porte s’est ouverte violemment. Guillermo était derrière. Il avait retiré sa tenue, il arborait un caleçon blanc et un air narquois.
— Qu’est-ce que tu fous là ? Tu me matais en loucedé ?
— Moi ? Non, bien sûr que non !
— Si, je suis sûr qu’il te matait ! lança Julio, tout excité à l’idée d’assister à une bagarre.
Lorenzo voyait Julio comme un petit perroquet à la coiffure iroquois : les cheveux rasés derrière la tête et sur les côtés, mais plus longs dessus, et, inévitablement, badigeonnés de litres de gel !
— Tous les mêmes, les pédés ! reprit Guillermo. Peuvent pas s’empêcher de se rincer l’œil à la moindre occasion.
— Tu délires, Guillermo !
Le frère aîné s’approcha, l’air menaçant :
— Ne t’avise pas à recommencer, tu pourrais le regretter !
— De recommencer.
— Hein ?
— « Ne t’avise pas à recommencer » n’est pas correct.
— Fais le malin, petit intello de mes fesses, ce n’est pas parce que tu es mon demi-frère que je vais hésiter à te donner une correction !
Lorenzo eut envie de répondre quelque chose à « petit intello de mes fesses », mais jugea bon de ne pas trop user de second degré, c’était un langage inconnu de Guillermo. Il l’aurait entendu sans le filtre de l’humour et en serait venu à la conclusion qu’il le cherchait, l’accusant de provocation, ce qui aurait attiré de sérieux ennuis à Lorenzo. Du sang mexicain coulait dans les veines des demi-frères – leur père étant né à Cancún –, autant dire qu’il s’échauffait facilement !
Guillermo était à quelques centimètres de lui, son parfum hors de prix lui agressait les narines, et, d’une manière générale, tout était agressif chez son demi-frère : son regard, ses paroles, ce corps tendus vers lui. Un coq, voilà à quoi il lui faisait penser !
— Écoute, je voulais juste prendre une douche…
— Mais oui !
La crise de son demi-frère commençait à ennuyer Lorenzo. Coincé dans l’entrebâillement de la porte, il força le passage pour entrer dans la salle d’eau. Sentir le corps de ce « petit pédé », comme il l’appelait – Lorenzo se plaisait à penser qu’il y avait dans ce diminutif quelque chose qui relevait de l’affectif –, contre lui, ne fût-ce que l’espace d’une poignée de seconde constitua le degré ultime de l’agression. Guillermo devint tout rouge et attrapa son demi-frère par le col de son tee-shirt pour le mener dans la cabine de douche. Comme Lorenzo se débattait, il demanda à l’Iroquois de l’aider à le maintenir sous le jet d’eau tandis qu’il actionna le mitigeur orienté vers le froid. Lorenzo cria, surpris par la fraîcheur de l’eau, sous les rires des deux autres.
— Ça devrait te rafraîchir les idées ! lança l’aîné en quittant les lieux, suivi du perroquet qui, bien entendu, répéta la phrase du grand frère.
 
La maison des Garcia se situait sur la rive gauche du fleuve, dans une rue parallèle à l’avenue de Cadix. Pour traverser le Guadalquivir, il choisissait systématiquement le pont Romain alors qu’il eût été plus simple d’emprunter le pont Saint-Raphaël. Ce pont, le plus vieux de la ville, avait plus de charme, il possédait une âme. Et ainsi il passait devant la tour de La Calahorra. En dépit de son nom, celle-ci n’était pas constituée d’une seule tour, mais de cinq : trois tours carrées donnant sur le fleuve et deux tours cylindriques. Sur le pont, il admirait à chaque fois l’immense statue de l'archange Raphaël. Il avait toujours habité Cordoue, mais il aimait voir la ville avec un œil neuf à chaque fois qu’il déambulait dans ses rues. Lorenzo était ce qu’on pouvait appeler un rêveur.
Après la douche froide, il s’était déshabillé et avait actionné l’eau chaude, car il frissonnait et craignait d’attraper un rhume, ce qui aurait été le comble avec cette chaleur caniculaire ! Puis, il avait voulu se changer les idées en allant prendre un verre en ville en compagnie de sa meilleure amie, Julieta.
Il était dix-neuf heures, la fraîcheur allait bientôt recouvrir la torpeur de Cordoue. C’était le moment attendu par tous. Et on voyait les terrasses peu à peu se remplir, les volets s’ouvrir et les habitants retrouver le sourire.
Lorenzo n’évoqua pas la dispute avec son frère, mais Julieta perçut aussitôt que quelque chose n’allait pas. Il préféra esquiver le sujet. Elle lui aurait, pour la centième fois, supplié de « casser la gueule à ce sale con de Guillermo ». Et elle aurait eu raison ! Mais le jeune homme était pacifique, et il ne voulait pas en arriver à cette extrémité. L’affaire, dans ce sens, n’en serait pas restée là, et son beau-père lui aurait soufflé dans les bronches. Ce qu’il ne faisait pas à ses fils quand ils s’acharnaient sur Lorenzo, grommelant qu’il avait dû leur chercher querelle et qu’ils n’avaient fait que se défendre. Un jour, Julieta lui avait dit : « Ce n’est pas Lorenzo qu’on aurait dû t’appeler, mais Angelo ! » Car, en effet, le jeune homme avait tout d’un ange.
Il préféra lui parler de la fête chez les De la Vega, il savait que cela allait réveiller les instincts de midinette de la jeune femme pourtant réputée être une personne pragmatique, toujours prête à s’indigner d’un comportement déplacé ou d’une injustice. Elle n’était pas lesbienne, pour autant elle était membre d’associations de lutte pour les droits des homos. Ce qui n’était pas le cas de Lorenzo qui se tenait en retrait du « milieu ».
— Guillermo a essayé les fringues qu’il va mettre samedi. Même toi tu aurais dit qu’elles lui allaient à merveille !
— Pfff… J’aime pas les mecs trop sûrs d’eux, ce type, il pue l’arrogance. Et pourquoi toi tu n’es pas invité ?
— Ce sont les Garcia qui sont invités. Moi je suis un Delgado…
— Ah oui, j’oublie toujours que ce n’est que ta belle-famille. Enfin, pas si belle…
Lorenzo dévoila une rangée de dents blanches qui contrastait avec son teint mat. Elle le trouva d’une beauté renversante, et elle en fut renversée. Mais elle fut aussitôt envahie d’une immense tristesse qu’elle masqua en se levant après avoir prétexté une envie pressante. Le jeune homme pensait qu’elle était amoureuse de lui. Il n’en était rien. Du moins, plus maintenant – bien sûr, elle avait succombé à son charme lorsqu’ils s’étaient rencontrés. Non, sa tristesse provenait d’un terrible constat : ce garçon était la gentillesse incarnée. Alors qu’il aurait dû mordre la vie à pleines dents et être serein et heureux, elle le voyait triste et craintif. Cette injustice la terrassait.
 
*
* *
 
Le jour de la fête était arrivé. Guillermo avait passé sa journée entre la salle de bains et s

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