À deux, passionnément
230 pages
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Description

Comment trouver sa place et s’épanouir au Luxembourg lorsqu’on est Sénégalais? S’il a travaillé pour l’Organisation des Nations unies à Genève, puis pour la Banque mondiale, Amadou doit faire face à la frilosité d’un monde professionnel privilégiant les Européens. Marié à Karine, une Allemande, il devra affronter les préjugés aussi bien sur ses origines que sur les couples mixtes, mais l’amour et la conviction de pouvoir s’en sortir aideront le couple à aller de l’avant, jusqu’au jour où le destin leur ouvrira grand les bras... Saga sociale se déroulant sur une quinzaine d’années, de 1994 à 2008, l’opus de Mamadou Dione dépeint avec justesse un parcours sentimental et professionnel semé d’obstacles et de doutes. Réflexion autour de l’immigration et du racisme, mais aussi du retour aux racines familles, "À deux, passionnément" livre une étude culturelle soignée, doublée d’une belle leçon de persévérance, universelle avant tout.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748377057
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À deux, passionnément
Mamadou Dione
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
À deux, passionnément
 
 
 
 
Chapitre 1
 
 
 
Septembre 1994, voilà quelques semaines que nous nous sommes mariés et avons posé nos bagages au Luxembourg, bagages composés essentiellement d’un canapé-lit, de quelques chaises, d’une table, d’un petit téléviseur portatif, quelques habits tous issus de notre vie d’étudiants.
En cette belle matinée de fin d’été, je décide, comme je l’ai fait quelques années auparavant en Suisse à mon arrivée comme étudiant, d’aller me présenter à notre consulat, le consulat du Sénégal au grand-duché du Luxembourg, situé au centre-ville de Luxembourg ville où je suis reçu par le consul honoraire. Le consul est un Blanc européen courtois, élégamment habillé et très attentif à mes propos. Je me sens à la fois fier et rassuré que ce soit un Blanc européen qui représente les intérêts de mon pays ici en Europe. Je me sens d’autant plus fier de pouvoir me présenter en tant que diplômé d’une université suisse, ayant acquis une première expérience professionnelle aux Nations unies et à la Banque mondiale, résumée sur trois années. Je me sens telle une valeur sûre.
Après quelques minutes de salamalecs, le consul me questionne sans nuances :
« Monsieur, qu’êtes-vous venu faire au Luxembourg ? 
–– Je viens pour m’installer et trouver du travail, je suis diplômé en sciences économiques et j’ai déjà une expérience professionnelle aux Nations unies… 
–– Vous n’avez aucune chance de pouvoir vous installer au Luxembourg et d’y élire domicile », m’interrompt le consul honoraire me regardant droit dans les yeux, tout en affichant un certain sourire compatissant mais franc.
En toute bonne foi et convaincu de mes acquis de pouvoir réaliser mes projets professionnels et familiaux, j’enchaîne :
« Je suis marié à une Allemande qui a trouvé un travail dans un cabinet d’audit et nous avons déjà loué un appartement… 
–– Ah oui ! Comme vous êtes marié à une ressortissante de l’Union européenne ! »
Et après une brève réflexion, le consul poursuit :
« C’est vrai, dans ce cas, vous pouvez habiter au Luxembourg ; par contre pour ce qui est du travail, oubliez ! Vous n’avez aucune chance, me lance-t-il froidement, ce qui m’indigne aussitôt.
–– Pardon ? Qu’est-ce que vous me dites là ? Je n’ai aucune chance de trouver un travail malgré mon diplôme universitaire ? »
Je me demande aussitôt comment le représentant de mon pays au Luxembourg peut-il paraître aussi négatif à mon égard.
En pensée, je me pose la question suivante : « Sur quelle planète suis-je en ce moment ? ».
Toujours sur un ton courtois, en affichant le même sourire compatissant mais franc, le consul poursuit :
« Sur le plan de l’accès à l’emploi en particulier, il faut savoir que le Luxembourg est un petit pays qui, comme tel, privilégie avant tout sa population nationale, viennent ensuite les frontaliers communautaires (Français, Allemands, Belges), et loin derrière, les autres Européens non communautaires, de sorte que vos chances y sont infimes. Je suis désolé d’être franc et direct avec vous, monsieur, mais c’est la réalité. Je vous souhaite néanmoins la bienvenue au Luxembourg qui est, n’empêche, un pays accueillant. »
L’audience se termine sans que je ne saisisse réellement le sens de mon entretien avec le consul, tellement ses propos m’ont choqué. Je sors du bureau du consul comme assommé et incrédule par ce que je viens d’entendre de la part de ce consul qui, j’en suis presque sûr, sait de quoi il parle.
Je remercie, à contrecœur, le consul honoraire pour son franc-parler et m’en vais en me demandant sérieusement si c’est réellement aussi difficile pour moi de réaliser une vie familiale et professionnelle normale, si j’ai vraiment aussi peu de chances au Luxembourg en dépit de ma formation universitaire et de mon expérience professionnelle.
Le consul ne voulait-il pas me signifier que mon avenir professionnel était en Afrique ? La problématique de la fuite des cerveaux me vient soudain à l’esprit. Je ressens comme une forme de culpabilité de faire partie de ces Africains qui choisissent, à la fin de leurs études universitaires, pour une raison ou une autre, de rester en Occident au lieu de rentrer servir leur pays d’origine et épauler le développement dont l’Afrique a tant besoin.
Je recense dans ma tête les étudiants africains que j’ai côtoyés ici et là en Suisse ou en France et l’orientation professionnelle qu’ils ont prise à la fin de leurs études. Quelle que soit la décision prise ultérieurement, chacun de nous redoutait le retour en Afrique : appréhension de la durée de recherche d’emploi, crainte d’une sous-utilisation des compétences acquises en Europe, souci quant à un réel développement professionnel, conscience d’une baisse de niveau de vie matérielle.
Beaucoup de mes amis étudiants sont rentrés en Afrique avec une période plus ou moins longue avant de trouver un emploi. Un seul a réussi à trouver un emploi en France grâce à son engagement dans les associations estudiantines européennes et aussi aux divers stages fort concluants en entreprise. Quelques-uns ont choisi de prolonger leur séjour en Europe et se sont inscrits dans d’autres universités. Il faut noter qu’en Afrique, l’opinion publique a généralement une réelle considération pour les cadres diplômés spécialistes dans plusieurs domaines.
D’autres, comme moi, ont décidé de se marier avec l’âme sœur rencontrée sur les bancs des universités et ont décidé de trouver leur bonheur en Europe.
 
 
 
Chapitre 2
 
 
 
Les mois qui ont suivi mon entretien avec le consul se déroulent normalement. Le même rituel journalier semble se répéter chaque jour de la semaine. Ma femme Karine, engagée comme auditrice chez un des cinq plus grands cabinets d’audit et de conseil au monde, passe des journées interminables au bureau. Nous nous levons pour partager le petit déjeuner à sept heures trente avant son départ au bureau. Notre dîner se passe au gré de l’heure à laquelle elle rentre : vingt heures, vingt-trois heures, voire minuit.
Elle rentre toujours épuisée. Elle n’a pas encore le choix : elle doit travailler. Elle assure notre seul revenu. Il nous permet de continuer à vivre presque comme des étudiants et de rembourser un petit crédit contracté à la banque pour financer quelques équipements électroménagers.
Resté seul dans notre petit appartement, je prends facilement contact, par téléphone, avec une bonne cinquantaine de sociétés : des banques, assurances, sociétés d’informatique. La majorité d’entre elles me confirment être à la recherche de gens ayant mon profil et qu’il y aurait une possibilité d’embauche même en tant que débutant. Je suis dès lors encouragé à leur envoyer mon CV et une lettre de motivation. Je me suis fixé comme objectif de préparer une dizaine de candidatures par jour, candidatures que je fais vérifier par Karine le soir ou tôt le matin avant son départ au travail.
Au retour de Karine le soir, nous partageons un petit dîner que je prépare et laisse mijoter, attendant son arrivée. Je raconte alors à Karine le déroulement de mes démarches par téléphone et les perspectives qui se profilent. Elle m’encourage à persévérer. Karine m’écoute parfois sans sembler m’entendre. Je devine sa lassitude et son anxiété face à sa charge de travail croissante au fur et à mesure que « la saison » approche. Ses journées sont longues et apparemment dures. Elle ne cesse de me le faire savoir :
« Je ne suis vraiment pas faite pour ce travail ; je n’ai pas le profil type d’un auditeur, je ne suis pas très forte en comptabilité. C’est toi qui devrais être à ma place et faire ce métier. 
–– Je sais que je pourrais parfaitement assurer un tel travail et je sais aussi que je trouverai un emploi sous peu en tout cas. Je fais tout pour y arriver. »
Durant mes journées remplies par les démarches professionnelles, je guette la sonnerie du téléphone dans l’espoir que ce soit un potentiel employeur qui me contacte. Dans les rares moments où le téléphone sonne, c’est souvent Karine qui m’appelle pour s’enquérir de mes nouvelles et trouver un petit réconfort à son stress quotidien.
Jour après jour, je commence à recevoir du courrier en réponse à mes candidatures. À mon grand étonnement, la totalité de ces sociétés ou banques retournent mon dossier de candidature accompagné d’une « gentille » lettre justifiant leur refus.
« Votre candidature a retenu toute notre attention, mais elle ne correspond pas à ce que nous recherchons…
Nous vous souhaitons bonne chance pour la suite… »
Ainsi, le doute commence sérieusement à s’installer dans mon esprit et je me rends compte, somme toute, de ce que le consul m’a décrit comme étant la réalité du marché luxembourgeois.
Je finis par me faire la traduction des lettres négatives ponctuées souvent par le renvoi de l’intégralité de mon dossier de candidature composé du CV, de copies de mes diplômes et des références de mes précédents employeurs. À chacune d’elles, je traduis le retour du dossier par :
« Monsieur, comme nous savons que vous allez galérer pour trouver du travail, nous nous sentons dans l’obligation de vous retourner votre dossier car vous en aurez besoin tant il vous faudra contacter une infinité de sociétés. »
 
 
 
Chapitre 3
 
 
 
L’automne s’est bien installé au Luxembourg avec toutes ses caractéristiques. Il n’y a pas un seul jour où il ne pleut pas ou que le vent glacial annonçant l’approche imminente de l’hiver ne souffle. Je ne compte

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