Après le noir, le mauve
113 pages
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Après le noir, le mauve , livre ebook

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Description

Prune est une artiste anonyme assez prolifique. Elle crée entre autres des œuvres littéraires ainsi que des prototypes de jeu qui ne franchissent hélas jamais les portes de son appartement. Comble de malchance, sa créativité l’isole. La jeune femme n’a aucun contact avec le monde extérieur. Ce qui déplait fortement à sa belle-sœur qui un jour décide de prendre son destin en main. À partir de là, la jeune fille va devoir faire face à toute une série d’aventures.
À l’issue de quelques minutes de recherche, Madame Kleb lève enfin la tête— Voilà, je suis à vous ! dit-elle en tendant la main à son rendez-vous.Prune la saisit sans quitter ses yeux noisette.— Prune Toati, enchantée !— Léa Kleb, la directrice ! J’espère que vous ne m’en voulez pas pour cette attente.Que vous voulez que je réponde à ça ? Si, même que j’ai failli me barrer. La prochaine fois, je vous insulte ou je vous mets la tête sous l’eau froide pour irrespect envers le public.— Non, pas le moins du monde.— Très bien ! Avez-vous trouvé facilement ?— Oui, assez facilement !— Je vous pose cette question parce que vous m’aviez l’air d’anhéler en entrant.Incroyable, je n’aurais jamais cru qu’elle le remarque. Perspicace la patronne.Comme un lapin pris dans les phares d’une voiture, Prune reste sans voix. Aussi, ne pouvant lui révéler qu’une boutique lui a fait perdre la tête, elle invente un bobard.— C’est à cause d’un chien errant !Étonnée, Madame Kleb écarquille les yeux comme une chouette chevêche.— À bon ? Que s’est-il passé ? Rien de grave, j’espère !Confuse, Prune temporise. Le mensonge est un art dans lequel elle n’excelle nullement. Dans l’obligation de fournir une explication plausible, elle force sa nature.— Je traversais la rue piétonne quand tout à coup, un dogue allemand à la mâchoire imposante et avec des dents acérées comme des couteaux s’est mis à aboyer. Après quelques soubresauts, la peur m’a toute de suite envahie. Plus encore lors de mon passage devant lui. Le canin ne me quittait pas des yeux. J’avais l’impression d’être un bout de viande au milieu de la savane. Si la rue avait été déserte, sans doute lui aurais-je servi de repas. Fort heureusement, ce ne fut pas le cas.Quoi qu’il en soit, après vingt mètres, ce dernier a commencé à me suivre. Je ne vous raconte pas la trouille bleue que j’ai ressentie à ce moment-là.— J’imagine ! Moi, j’aurais été tétanisée, incapable de me mouvoir. Et après, que s’est-il passé ?Prune déglutit plusieurs fois avant de poursuivre son récit.— De peur qu’il me morde, je me suis instinctivement mise à courir. Vite. Très vite. Si bien que le décor alentour se floutait. Mes jambes contrôlant mon cerveau filaient droit devant elles comme un sprinteur jamaïcain. Chaque foulée s’apparentait à un bond de kangourou. C’était étrange.— Et donc, vous avez réussi à le semer ? demande Madame Kleb, intriguée.— Oui ! Enfin, pas au début. Car courir était une grave erreur. Sans m’en rendre compte, je le stimulais. Motivé par l’appât que je représentais, le fauve doublait sa cadence. J’entends encore son souffle. Fort. Rauque. Rien que d’y penser, j’en ai encore la chair de poule.— Ma pauvre ! lance sa confidente. Et ensuite ?— Ensuite.. ensuite, j’ai viré dans la rue Balantin. Le klaxon d’une voiture sur le point de…Elle cherche ses mots.Mince, je ne sais plus quoi dire. Vite, une idée.— Détendez-vous ! Prenez votre temps !Si elle savait que je suis en train de le baratiner, elle ne serait pas si bienveillante. J’ai honte. — Hum ! Je disais que le klaxon d’une voiture sur le point de me renverser a effrayé l’animal. Il a détalé dans la direction opposée sans demander son reste. Finalement, au-delà de la rage que j’aurais attrapée et la jambe dans le plâtre que j’ai évité, je m’en suis sortie indemne. La suite, vous la connaissez. Je suis là, devant vous, toute chamboulée.Le César de la meilleure actrice est attribué à Prune Toati !

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 novembre 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782363158222
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0074€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Apès le noir, le mauve


Frédéric Kenig

2018
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
1
 

 
Qu’est-ce qu’il y a dans ma tête ? Pourquoi cette sensation de lourdeur ? Lorsque j’avance d’un pas, au second, une force invisible me retient. Je tente tout de même de le poser. En vain. C’est comme si des centaines de branches de lierre m’en empêchaient. Il y a toujours une barrière qui se dresse. Hier, au moment de prendre ma bouffée d’air, c’est-à-dire, Tom au téléphone, des filets entrelacés d’épines de rosier me stoppaient dans ma lancée.
 
— Allo ! Oui ! Quoi ?
Mon sourire s’éclipse.
— Tu me quittes ! Comment ça, sans raison !
Les larmes commencent à faire leur apparition.
— T’as rencontré quelqu’un ?
— Oui !
— Et moi alors, je ne compte pas ?
— Si, bien sûr, mais… entre nous c’était agréable, dit-il avant de raccrocher.
 
Oui, c’était ses derniers mots. Pitoyable pour un mec qui me proposait il y a de ça trois mois le mariage. Aujourd’hui, un mur en plexiglas d’une épaisseur de cinq mètres me cloue dans ma sphère. Je vois des gens heureux se promenant main dans la main. Je vois des enfants jouer au ballon multicolore. Je vois des oiseaux roucouler, des chiens japper après leur maitre, des vieilles dames assises près du belvédère en bois et en train d’observer des acrobates. Je vois des musiciens jouer leur partition et des badauds applaudissant, riant et tapant dans leurs mains pour les accompagner. Je vois des moulins transformant l’impureté de l’air en de saines atmosphères. Je vois des marcheurs avec des churros ou pizzas à la main. Je vois tellement de choses agréables qui à la fois m’emplissent de joie et à la fois me font mal. Je ne peux les partager. Juste les observer. Car ce monde m’est refusé. Il faut un sésame, une clé, une autorisation, un mot de passe, un parrainage pour pouvoir y accéder. Or, je n’ai rien de tout ça. Comment fait-on ? Où trouve-t-on toutes ces choses indispensables à l’entrée du bonheur ? Au cours de mon éducation, j’ai reçu des tas de conseils. Mais jamais on ne m’a parlé de liberté, de ce monde où les gens sont si légers qu’un poids est nécessaire pour ne pas s’envoler. A-t-on sciemment omis ce sujet ou est-ce à chacun de le découvrir ? Depuis onze ans maintenant, ma fabrique à souvenir s’est appauvrie. Je n’ai rien de sensationnel à raconter. Même pas un amour, un voyage ou une rencontre amicale. J’ai passé les trois quarts de mon temps cloitré chez moi. Comme j’avais grand espoir de changer mon destin, je me suis mis à créer. Des jours, des semaines, des mois, des années sans sortir. Hormis la poubelle à qui je faisais prendre l’air et la boite aux lettres à laquelle je rendais visite une fois sur deux, je n’ai fait que rester assis ou accroupi. Rarement j’ai vu le bleu du ciel, les blancs nuages et le vert de l’herbe. Rarement j’ai humé l’air, senti se poser sur moi les rayons du soleil, ou senti la neige et la pluie quand le temps était triste. Comble de l’ironie, je n’ai aucun ami. Même pas un virtuel. C’est la loose. Pourtant, mes paroles sont douces et ma compagnie, je crois agréable. Enfin, selon moi. Car si vraiment j’étais aussi bon que je le décris, ma tête serait allégée et ma vie plus fluide. Au lieu de ça, je me bats comme une dératée pour comprendre. Comprendre pourquoi mes efforts se soldent toujours par des échecs. À ça, la culture de l’échec, je connais. Je pourrais écrire un livre dessus. Il s’intitulerait… difficile à dire. « Comment perdre son mec en trois semaines ? Comment bondir d’une mission intérim à une autre sans jamais marquer d’essai ? Comment se faire arnaquer par le premier démarcheur venu ? Comment une idiote incrédule gobe tous les bobards de la planète ? Non, plus simple. Comment rater sa vie ? » À tous les coups, ce serait un bestseller. Maintenant que j’ai fait le point sur ma vie, que faire ? Continuer à me lamenter ou entreprendre quelque chose. Oui, mais quoi ? Mais où ? Comment ? Dans quel but ? Avec qui ? Je n’ai toujours pas de recette miracle. Une chose est sûre, j’arrête de me prendre pour une artiste. Fini les jeux de société, les paroles de musique, les poèmes, les contes et les aventures de jeunesse. Fini l’insociabilité. Dans l’immédiat, je vais commencer par me faire un chocolat chaud. Ça me donnera du peps.
 
Putain ! Fais chier ! Même lui je le rate. Il est aussi bouillant qu’un volcan. L’absorber va me prendre une bonne semaine. On n’a pas idée de laisser la bouilloire aller jusqu’à son terme. Pourtant, quand ça fait du bruit c’est un signe. Mais non, moi, cruche que je suis, ça ne m’affole pas. À propos de signe, qu’est-ce qu’il me veut celui-là ? Un homme sous ma fenêtre qui me fait de grands gestes. J’ouvre.
 — Excusez-moi ! Pourriez-vous m’indiquer la rue des Castors ?
Incroyable, il m’a prise pour Google Maps. Décidément, ma vie ne tourne pas rond. Même les plus insignifiants détails sont de nature à me faire broyer du noir.
— C’est juste après la tour.
— Hein ?
En plus il est bête.
— Vous allez tout droit, puis deux fois à droite et vous y êtes.
— Merci !
Pas de quoi ! La prochaine fois, apporte-moi une bonne nouvelle.
 
Elle l’accompagne du regard. Pas vilain le type. Dommage qu’il ne se soit pas présenté pour mes beaux yeux. Non, mais sans dire, mes yeux, ils sont magnifiques. Bleus comme la mer des Seychelles. Avec une tête blonde posée sur un support d’un mètre soixante-dix. La classe à Dallas, quoi. Vraiment, je ne vois pas ce qui cloche. Surtout, ne me parlez pas de sort. Je ne suis pas superstitieuse. C’est pour les gens crédules ces machins-là. En tant que femme appartenant à la communauté des pragmatiques, je ne crois qu’en ce que je vois. Si l’on avait des pouvoirs, ça se saurait. Tu me diras, maintenant j’ai un doute. Car c’est prouvé, il y en a qui ont le don de vous polluer la vie. À étudier. Pour le reste, si je trouve le con qui s’est penché sur mon berceau et qui m’a refilé le mauvais chemin, je lui fais vivre au centuple toutes mes galères. Je lui fais sauter ses dents de devant. Il ne lui restera plus que celles de derrière pour mâcher la purée. Il va voir de quel bois je me chauffe ce farceur. Allez, fini le délire. J’ai à faire.
2
 

 
— Vous n’effectuez pas la bonne manœuvre, signale la boite de dialogue.
— Putain ! M’emmerde pas. Je sais. Ce n’est pas une raison pour en rajouter une couche.
Elle récidive.
— Vous n’êtes pas autorisée à entrer.
— La poisse ! Vraiment, tu commences à me faire suer. Merde, mais c’est quoi le mot de passe. Si ce n’est pas PRUNE18, PRUNE1998, c’est peut-être 18_1998. J’hésite. Ça me semble étrange. Et si ce n’était pas celui-là. Faut que je fasse gaffe, car c’est mon dernier essai. Allez, advienne que pourra, je ne vais pas y passer la matinée. Je clique sur valider.
Un autre message de la boite de dialogue apparait aussitôt.
— Votre compte est bloqué. Si vous n’en êtes pas le propriétaire, vous risquez 200 000,00 € d’amende pour tentative de fraude. Dans le cas contraire, vous recevrez d’ici dix jours un courrier des impôts avec votre mot de passe confidentiel.
— Décidément, tout ce que je touche se transforme en boulette pour chat.
 
Dans cet instant de grande solitude, je repense à ma mère. Elle me disait souvent qu’il fallait toujours être organisée, sans quoi c’était la porte ouverte aux problèmes. Elle avait raison. Paix à son âme. Moi, dès que je reçois un truc, je le fourre à la poubelle. Je n’en peux plus des courriers et réclames tous azimuts. Ça m’apprendra à être rebelle. En attendant, je ne sais toujours pas comment faire avec ma déclaration de patrimoine. Il n’y a même pas de numéro pour les joindre. Tout passe par internet. Les médecins, les banques, les assurances, certaines mairies, l’assurance maladie, Pole Emploi et divers organismes privés et publics. Le pire, c’est la SNCF. Pour avoir des billets « abordables », il faut réserver trois mois à l’avance. Je veux bien, mais je n’ai pas toujours ma boule de cristal sur moi. Je ne sais déjà pas ce qui va m’arriver dans deux jours, alors dans trois mois, tu penses. C’est beau le progrès 2.0. mais si tu n’as pas internet, t’es mal barré. Déjà que j’ai du mal, je plains les vieux, vraiment. Le téléphone sonne. Quoi encore ? Quel ouistiti va me pourrir la journée ? Ah, c’est Marie, ma belle sœur. Super, je la prends.
 
— Allo, ma belle !
— Salut, Prunelle ! Comment tu vas ? T’as le moral aujourd’hui ?
— M’en parle pas, j’ai encore une galère. C’est avec les impôts, je m’en vois.
— Aîe ! Pas bon d’être en froid avec eux. J’espère que ça va s’arranger. Autrement, ils ne vont pas te louper.
Merci de me remonter le moral, j’apprécie.
— Tu avais quelque chose à me dire ?
— Oui, c’est à propos de mon boulot.
— Catherine t’as encore piqué ton agrafeuse !
— Non, de ce côté-là, ça va. Elle se tient à carreau. Le coup du tétanos, ça la refroidit. Elle ne m’emprunte plus rien de ferrailleux. Par contre, du côté des plastiques, c’est autre chose. Il va falloir que j’invente une autre histoire afin qu’elle laisse tranquilles mes stylos. Non seulement elle ne les remet pas à sa place, mais en plus elle les bouffe, genre labrador. Le pire c’est qu’après je les mets à la bouche par réflexe. Tu vois le tableau.
— Ah, c’est dégueulasse !
— Bref, ce n’est pas pour parler papeterie que je t’appelle. J’ai besoin de te voir pour te faire une proposition.
— Une proposition ? demande-t-elle interloquée.
— Oui, une proposition.
— De quel style ? J’espère que ce n’est pas cochon. Tu sais, moi et les femmes, ça fait deux. Je ne suis pas intéressée.
— Rrrr ! Où tu vas encore chercher des idées pareilles ? Ce n’est pas parce que je suis homo que je saute sur tout ce qui bouge. Arrête de fantasmer ma grande.
— Ben alors, c’est à quel sujet ta proposition ? Tu veux braquer une banque ? Tu veux te présenter à un concours de beauté et tu souhaites que je t’accompagne ? T’as besoin qu

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