Chroniques... ta mère
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Chroniques... ta mère , livre ebook

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Description

Elle est jeune, jolie, le visage illuminé par des yeux cristallins. Elle est professeur des écoles, comme on dit maintenant. C’est son premier poste après une formation à l’IUFM. Le concours d’entrée est exigeant tant les candidats sont nombreux. Être enseignant, ça fait toujours rêver. Les vacances, la sécurité d’emploi, les horaires, enfin, tous ces poncifs en trompe-l’œil qui masquent la réalité d’un métier parfois explosif. Elle est jeune, jolie mais les yeux cristallins sont remplis de larmes. Elle est professeur des écoles en charge de l’internat éducatif et son premier poste, elle s’en souviendra longtemps. Nous sommes assis l’un en face de l’autre. Je lui propose un kleenex qu’elle accepte sans mot dire. Maudire ceux qui lui ont vendu un travail qui n’est pas la réalité, maudire cette primo immersion qui ressemble à une noyade dans un établissement sensible, maudire cet élève de quatrième qui vient de l’humilier publiquement...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748374933
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chroniques... ta mère
Christophe Defrance
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Chroniques... ta mère
 
 
 
 
Avant-propos
 
 
 
Les faits consignés chronologiquement rythment une année scolaire en EREA. Ils pourraient dérouter le lecteur non averti et le décontenancer tant les analyses et certaines prises de position sembleront parfois contradictoires.
 
Il suffira de placer ces événements dans leur contexte pour dissiper ce malentendu. Réactions et perceptions s’inscrivent dans un instant donné et prennent des formes différentes suivant la réalité du moment.
 
Si la direction d’un établissement s’apparente à un art, elle supporterait la comparaison avec un mobile de Calder où l’esthétisme de l’ensemble est tributaire du positionnement de chaque élément constitutif du tout. Ce dispositif instable explore toutes les dimensions de l’espace au gré des tensions et des réussites. Son appréciation dépend du point de regard choisi, son fonctionnement ciselé reste toujours délicat.
 
Ce modeste témoignage donne simplement « à voir » le travail des équipes inscrit dans un mouvement perpétuel et imprévisible.
 
L’énergie de ce mouvement est la pédagogie qui permet de côtoyer l’harmonie en évitant l’écueil de la sclérose en classe.
 
Rechercher ce mouvement idéal pour atteindre la stabilité, un paradoxe langagier mais une condition nécessaire pour conduire les élèves en difficulté vers la réussite.
 
 
 
Préambule
 
 
 
J’ai pris mes fonctions à L’EREA de Mainvilliers en 1998 après avoir été durant deux années directeur adjoint en SEGPA. Un parcours classique jalonné de différentes formations, des stages en écoles dites normales pour y préparer des certificats spécialisés et grimper modestement sans m’en apercevoir dans la hiérarchie de l’éducation nationale. Rien ne me prédestinait à diriger un établissement régional d’enseignement adapté (EREA). Cette nomination m’est tombée dessus. Certes, je m’étais présenté à l’entretien pour être éventuellement inscrit sur la liste d’aptitude correspondant à ce type d’établissement mais les échanges avec l’Inspecteur d’Académie qui menait les débats ne laissaient pas présager de suites favorables. Je m’étais inscrit « pour voir » de quoi il retournait et lorsque j’ai vu mon nom au BO (Bulletin Officiel) sur la liste complémentaire, ma surprise fut réelle. Ensuite les choses se sont enchaînées ou déchaînées très vite, c’est selon. Un coup de fil du ministère, une proposition et une réponse à donner dans la journée. J’ai dit « oui » pour Mainvilliers. Le train ne passe qu’une fois et je ne voulais pas rester sur le quai de la gare. Prendre une carte, localiser la ville inconnue et contacter le directeur en place pour le passage de témoin.
 
En septembre j’étais en situation, la peur au ventre à peine estompée par l’envie d’une nouvelle aventure humaine. Les premiers temps j’ai perdu le sommeil. Les problèmes étaient himalayens, démesurés et la tension palpable tous les jours. Il fallait trouver ses marques progressivement en devenant crédible face à des équipes installées de longue date. Prendre sa place dans le trafic. Et des trafics, ils n’en manquaient pas dans l’établissement. Rackets, substances illicites, vols, échanges d’objets divers sans oublier un climat de violence et une ambiance délétère identifiés par un audit. De quoi douter mais pour autant je n’ai jamais regretté mon choix. J’y suis, j’y reste, dans les périodes difficiles je martelais la formule. Les enjeux étaient de taille mais au fond je ne pouvais pas faire pire. Une décennie plus tard, je me repasse le fil de l’histoire. Le diplôme de directeur d’établissement spécialisé est juste un sésame qui nous autorise à exercer la fonction. Il n’y a aucune corrélation entre l’obtention d’un bout de papier qui valide une formation et la réalité du métier de chef d’établissement. On le devient. Éventuellement.
 
La charge administrative est conséquente mais à terme elle est, malgré l’évolution de textes et des contraintes nouvelles, assez répétitive. Ce qui semble au début un parcours d’obstacles délicat et contraignant se révèle comme une suite de passages obligés et connus. Le chef d’établissement pour toutes ces tâches n’est pas seul. Il dispose généralement d’un secrétariat compétent et d’un service d’intendance performant. Il peut également s’appuyer sur un adjoint de direction omniprésent, un chef de travaux engagé sans compter dans les formations professionnelles et un éducateur principal investi, en charge de l’internat. Sans eux, un directeur n’est rien et toutes ces personnes réunies sous le vocable « d’administration » mériteraient une authentique reconnaissance des autorités de tutelle.
 
La véritable difficulté vient d’ailleurs. Elle se niche sournoisement dans toutes ces situations complexes qui s’imposent à nous tous les jours et pour lesquelles nous n’avons reçu qu’une dérisoire formation. Information serait plus convenable.
 
C’est ce quotidien-là que j’ai choisi de présenter sous forme de chroniques, convaincu qu’elles peuvent parfois apporter des réponses aux collègues en proie aux mêmes situations déroutantes, sans oublier les professeurs et les parents qui méconnaissent cette face cachée de notre rôle de chef d’établissement.
 
Tous les événements narrés sont authentiques. Ils sont objectifs autant que faire se peut et les réponses apportées ne sont pas un modèle, juste des propositions imparfaites. Nos missions sont assurément démentielles mais surmontables. La preuve en maux bleus.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Chroniques ta mère
 
 
 
 
Triste bestiaire
 
 
 
Je me lance. Pas trop loin j’espère. Allez lance… toi. C’est mon côté homme de nord qui revient comme un ballon de foot.
 
J’ai repris mes fonctions de directeur depuis plusieurs jours déjà, même si malgré les vacances, j’ai l’impression de jamais ne les avoir quittées. Encore un privilège de mon rôle, le sentiment de responsabilité ne me quitte jamais. Septembre 2008 restera dans les annales de l’éducation nationale. On supprime des milliers de postes, ce n’est qu’un début et continuons le combat, surtout pas. Le consensus semble être de mise. On s’agite bien un peu dans les instances syndicales mais avec une mollesse qui fait peine à voir. La saignée face à cette résignation collective a de belles années devant elle. Pas de veine, l’hémorragie va couler tranquille dans le bassinet des réductions de moyens. Le temps est à la calculette. Il est vrai que globalement les effectifs sont en baisse mais pour deux élèves en moins, on détruit un poste d’enseignant. Pas sûr que pour deux élèves de plus en moyenne, on crée un poste de prof. La saignée des enseignants c’est seyant. Il y a quelques années on nous inondait « allégrement » avec le dégraissage du mammouth, pas celui de l’enseigne de supermarchés également disparu. Fallait comprendre le mammouth « éducation nationale ». Aujourd’hui, plus question de faire maigrir la bête ; il s’agirait plutôt de la faire disparaître. Les porteurs de flingues sont nombreux et les anti chasses se font rares dans un contexte où tout le monde trahit tout le monde. Le pachyderme poilu est menacé d’extinction rapide et ce n’est pas l’écolo Borloo qui va voler à son secours. Je me souviens l’avoir croisé quand il faisait campagne dans ma région sur un parking d’un supermarché « Mammouth » justement. Les coïncidences sont parfois étranges, c’est le principe des coïncidences.
 
À l’époque Borloo était peu connu et il sillonnait le Pas de Calais pour obtenir un mandat politique qui augurait de bien d’autres. Il avait choisi de faire meeting à bord de tractions « avant ». Les véhicules anciens, grands consommateurs de carburant étaient rutilants et polluants à souhait. Je revois l’homme distribuant aux chalands « encaddillés » des badges à son effigie. Une campagne à l’américaine qui ne manquait pas d’interpeller les consommateurs. Il a été élu, les électeurs aiment la nouveauté, peu importent les idées et les contenus, l’emballage change le goût des produits.
 
L’enseigne au pachyderme a disparu, Borloo est resté. Le ministre est devenu écologiste mais l’éléphant des temps anciens n’a rien à attendre de lui. Une taxe peut-être tout au plus… l’ambiance est aux taxes, une nouvelle idée à financer, une nouvelle taxe à payer généralement par les mêmes, pas les riches, encore moins les très argentés, toujours pour la classe moyenne forte de ses enseignants enfin ce qu’il en reste. Des milliers de postes détruits à chaque rentrée, ce slogan à la mode est terriblement inquiétant. L’élu, comme souvent, changera de maroquin et les prélèvements de nos portefeuilles resteront.
 
Hier soir l’alarme s’est déclenchée dans la nuit froide. Une alarme gratuite, une alarme à l’œil. Un nouvel élève au nom d’oiseau siffleur a vaporisé une bombe aérosol sur le détecteur fixé au plafond de sa chambre. La sirène hurlante a réveillé tous les internes et provoqué un rassemblement nocturne sous le préau. Je n’ai rien entendu, le signal sonore dans mon logement de fonction est resté muet. Les nouveaux arrivants se sont débrouillés au mieux en suivant les consignes reçues sur le tas. J’ai failli involontairement à ma charge et même si tout s’est bien passé, je me sens coupable car il m’incombe d’être présent surtout dans une telle situation. Je me suis néanmoins rendu avec mon fidèle adjoint dans la chambre de l’élève qui av

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