Cœur fondu
248 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
248 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« Ce soir-là, Nathalie était juste montée, il se releva de son canapé, tourna cinq minutes dans la salle à manger, s’attarda sur le meuble bas et feuilleta les courriers debout dans le porte-documents. Il en retira la lettre de cette ancienne amie qui lui demandait ce qu’il était devenu. “Bonjour François, C’est Martine, je ne sais pas si tu te rappelles de moi, cela fait si longtemps. J’habite désormais à La Rochelle et je me suis mise à te rechercher sur Internet pour savoir si tu étais toujours dans la région. Je t’ai retrouvé dans les annonces légales car tu as une entreprise, et je vois que tu sembles avoir bien réussi, tu es restaurateur. J’ai toujours su que tu réussirais ta vie, tu semblais tellement déterminé. Je ne sais rien de plus de toi, moi je vis seule désormais, divorcée, j’ai un grand fils qui habite toujours au Bouscat. J’ai été nommée à La Rochelle à un poste à responsabilité, et tout se passe très bien. J’aimerais beaucoup savoir ce que tu es devenu et, si tu veux reprendre contact, je te laisse mes coordonnées. En espérant que tu répondes favorablement, je te dis à bientôt peut-être...” »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 avril 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342004304
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cœur fondu
Francis Beaufour
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Cœur fondu
 
 
 
 
L’accident
 
 
 
« Voilà combien de jours, voilà combien de nuits, voilà combien de temps que tu es reparti », ces quelques paroles de la chanson de Barbara hantaient François depuis son réveil. Le récit qui va suivre n’est pas réellement le sien, mais celui de son entourage qui lui avait raconté une fois, deux fois, mille fois cette même histoire, pour qu’un déclic réveillât sa mémoire complètement éteinte depuis ce fameux soir d’automne.
François était un Vendéen de quarante-sept ans, tout du moins jusqu’à ce fameux soir de 2010. Aujourd’hui, il est âgé de cinquante ans. Presque trois années se sont écoulées, trois années qui lui ont été nécessaires pour se reconstruire et redevenir l’homme stable, rangé, serein et généreux qu’il avait toujours été.
Très entouré par son épouse Nathalie et ses trois enfants, Valentin, Manon et Constant, il avait pu retrouver, jour après jour, quelques bribes de son histoire et recoller petit à petit les morceaux du puzzle de sa vie qui s’étaient dans un premier temps volatilisés, puis éparpillés de-ci de-là.
La chanson de Barbara avait été un repère dans le travail de reconstruction de sa mémoire. Cette chanson qui le faisait toujours autant frissonner, était celle qu’il écoutait dans sa voiture au moment de l’accident, en cette fin d’après-midi d’octobre. Des paroles pourtant toutes simples, associées à une mélodie tout aussi simple mais envoûtante, plein de douceur, de tristesse, d’émotion : bouleversant ! Il craquait, et quand il craquait pour quelque chose, sa vie s’en trouvait chamboulée, rien n’était plus comme avant.
François était passionné de musique, de chanson ; les mélodies et les paroles qu’il aimait étaient la sève de sa bonne humeur, de son énergie, tout comme son frère Daniel, d’un an son aîné. François avait découvert et apprécié beaucoup de chanteurs devenus célèbres après leur mort. Ce fut le cas pour Brel, Brassens, Bécaud, Piaf, et plus récemment Balavoine ou Jean Ferrat. De leur vivant, ces hommes ou femmes avaient été transparents ; ils avaient fait partie du mobilier, au même titre qu’un vieux buffet de salle à manger, ou d’un parent proche. On n’imaginait pas leur absence, alors on ne leur prêtait pas la même attention, sans délicatesse ; on les négligeait.
Barbara fut de ceux-là. Chanteuse à la voix très aiguë, aux mélodies parfois rengaines car trop entendues à la radio : de son vivant, François l’entendait mais ne l’écoutait pas. De plus, chez les gens soi-disant cultivés, qui portent des jugements sur tout, d’un niveau social et intellectuel qui leur semble plus élevé, il était de bon ton d’apprécier les artistes comme elle et les chansons « à texte ». François s’en était toujours méfié ; lui, ce qui le faisait vibrer, c’était un refrain, une mélodie plutôt entraînante, des mots tendres, mais aussi des paroles fortes. Pourquoi rougir d’apprécier les chansons de Claude François, de Johnny Hallyday ou de Zaz aujourd’hui ? S’il en rougissait adolescent au lycée, aujourd’hui il assumait ouvertement ses goûts.
Après leur disparition, et sans doute après le tapage médiatique qui s’en était suivi et le témoignage des autres artistes, qui, dans ces occasions-là, évoquaient toujours la personnalité exceptionnelle, unique, irremplaçable du disparu, François, comme le commun des mortels sensible, tendait l’oreille et cherchait à satisfaire sa curiosité, et dans ces cas-là, il lui arrivait de « découvrir » un artiste. C’est de cette façon qu’il avait découvert Barbara.
Comme beaucoup sans doute, il connaissait par cœur L’Aigle noir , et instinctivement ou presque, il avait voulu rendre hommage à cette artiste en achetant son dernier album live, durant l’enregistrement duquel la chanteuse souffrait visiblement d’insuffisance respiratoire puisqu’on distinguait à peine les paroles de ses chansons.
D’abord simplement curieux, au fur et à mesure que les chansons défilaient, les poils de ses avant-bras s’étaient très vite dressés, le rythme de son cœur s’était saccadé : il avait été séduit, terriblement ému.
Dans un premier temps, Ma plus belle histoire d’amour c’est vous fut le titre qui l’envoûta, puis presque définitivement, il succomba à Dis, quand reviendras-tu ?
Les paroles étaient presque banales, la mélodie n’était pas extravagante, mais la communion entre les deux était parfaite. Les chansons de ce genre étaient harmonieuses, terriblement réussies puisqu’elles réveillaient tous nos sens : on les entendait, on les sentait, on les touchait, on les mettait en scène et on les savourait.
Et cette chanson Dis quand reviendras-tu ? réunissait tout ce qu’il aimait. Elle exprimait le désespoir, l’attente longue, pratiquement sans issue, un amour inachevé, la fragilité féminine, la fidélité, le don de soi et en même temps l’espoir, la foi. Cette chanson, c’était la féminité à l’état pur. Cette chanson le faisait frémir, lui mettait la larme à l’œil, le faisait retenir son souffle.
Et c’était justement cette chanson qui imprégnait l’air de sa voiture quand tout s’était arrêté, ce jeudi 10 octobre 2010, quand une moto, en dépassant imprudemment un tracteur, était venue s’encastrer de plein fouet dans sa Laguna.
10 octobre 2010 : une date porte-bonheur pour certains, et à oublier pour d’autres. François revenait d’un rendez-vous professionnel, il était 18 h 30 environ.
François tenait une petite auberge dans le bocage, cette partie de la Vendée et des Deux-Sèvres très vallonnée, verdoyante tout au long de l’année.
La nature y est magnifique, l’activité agricole principale est l’élevage, avec de beaux troupeaux de vaches parthenaises, au poil caramel et au contour des yeux foncés ; ce qui leur confère quasiment une allure de starlette. Hormis les bovins, les prairies sont habitées par des troupeaux de moutons et de chèvres.
Les fromages de chèvre sont très prisés quand ils sont frais, car on y retrouve l’odeur délicate de l’herbe, du foin. Alors que secs, demi-secs ou rôtis en médaillon sur une salade, ces fromages excitent les palais des fins gourmets par leur acidité obtenue en quelques semaines d’affinage.
Depuis quelque temps, on associe également le fromage de chèvre chaud au miel et aux fruits secs, ce qui donne des sensations gustatives nouvelles mais très harmonieuses, bien loin des mariages culinaires de nos anciens, qui ne pouvaient se passer de beurre demi-sel, accompagné du traditionnel « coup de rouge pour faire couler ».
Ayant baigné dans la cuisine depuis son adolescence, François ne pouvait s’empêcher de rapporter tout ce qu’il voyait à la cuisine, et à ses papilles gustatives, toujours en émoi.
François avait acheté avec son épouse, cette auberge à La-Forêt-sur-Sèvre sous l’enseigne du « Cheval blanc », en référence à l’époque d’Henri V, de François I er ou du Cardinal de Richelieu. L’auberge du « Cheval Blanc » était un ancien relais de poste avec une écurie.
Les messagers à cheval qui convoyaient les plis, les courriers divers, faisaient escale dans cette auberge au passage de l’axe qui relie Fontenay-le-Comte à Bressuire, puis Parthenay. Les chevaux pouvaient ainsi se reposer, voire être échangés pour repartir à bride abattue le lendemain matin.
François et son épouse Nathalie avaient été séduits par cette auberge de charme, à l’histoire chargée, à la monumentale cheminée conviviale, et aux dalles du sol lisses, luisantes, aux angles arrondis par l’usure, foulées un nombre incalculable de fois par de nombreuses générations, et donc chargées d’histoire.
Nathalie et François avaient fait leur trou ici en une dizaine d’années, fidélisant une clientèle locale et étendant également leur activité de restauration aux mariages et autres banquets familiaux.
Grâce au formidable sens de l’organisation de Nathalie surtout, ils avaient également eu trois enfants, ados désormais et avaient tout fait pour conjuguer au mieux leur vie de commerçants, et celle de parents. L’ingratitude de l’adolescence leur faisait au moment des faits vivre des épisodes houleux, faits de reproches culpabilisants tels que : « Les autres font ça avec leurs parents, pas nous », « Vous travaillez toujours… », « Vous n’avez jamais le temps, il y a toujours les clients », etc.
L’accident était justement survenu alors que François revenait d’un rendez-vous dans le bourg d’à côté, Saint-Marsault, où il s’était réuni avec deux autres couples, parents de futurs mariés, pour organiser un repas de noces. Les futurs époux participaient également de cette réunion, mais il est d’usage dans certaines campagnes, lors du mariage d’un enfant d’inviter tout l’entourage proche des parents pour le remercier et lui montrer son attachement. Il est également d’usage dans la plupart des cas que les parents financent la journée, qu’ils décident donc du déroulement des événements et du budget à y consacrer.
Tout s’était très bien passé, François rentrait satisfait : le devis proposé avait été accepté. Il lui semblait que sa proposition correspondait aux désirs des clients et que le prix convenu lui permettrait de marger suffisamment pour ne pas travailler pour rien ou presque.
Dans le calcul d’un devis, il y a un juste milieu à trouver et ne pas y parvenir peut quelquefois compromettre dangereusement la trésorerie de l’entreprise. Par expérience, il savait que faire accepter un devis était une épreuve à risque, car l’affectif souvent intervenait et obligeait à déroger aux tarifs préétablis. Et François ne sav

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents