De Rêves et de pain rassis
296 pages
Français

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De Rêves et de pain rassis , livre ebook

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Description

Histoire d’un enfant amazigh qui grandit dans une société arabo-berbère, imprégnée d’une culture où l’islam occupe une place fort importante. En ville, il endure son apprentissage de l’arabe dans un environnent de confusion linguistique et culturelle, et aussi de violence. Entre cinq et onze ans, il confronte et subit les conséquences d’une pauvreté inouïe. Il avait juste neuf ans quand son père, homme fort autoritaire, mourut. Il s’en souvient très bien et garde de lui des souvenirs inoubliables d’amertume et d’amour.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 août 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332764096
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-76407-2

© Edilivre, 2014
I
Mon grand-père, que nous appelions tous Hnini , était un des grands fermiers de la région de Tamsa. Il possédait des centaines d’hectares qu’il avait savamment acquis en juste quelques décennies. Bien que je n’eusse que quatre ou cinq ans quand il mourut, je garde d’assez bons souvenirs de lui. Je grandis en entendant souvent mon père, mes oncles et mes cousins parler de lui. Je le revois encore dans sa djellaba blanche et son burnous noir avec un grand turban blanc sur la tête. Mon grand-père avait une barbe grisonnante, de gros yeux noirs, un nez aquilin et une petite bouche. Il n’était pas grand de taille et était un peu rembourré. Il aimait beaucoup ses galettes, avec du miel et du thé à la menthe, avec beaucoup de sucre. Hnini passait beaucoup de son temps à inspecter les travaux dans ses fermes ; tantôt sur son cheval et tantôt dans sa belle Opel rouge que conduisait l’un de mes oncles. Il était très strict et donnait des instructions bien précises à ses ouvriers et à mes oncles, qui étaient chargés de superviser ces derniers. Mon grand-père devait être un bon gestionnaire de ses affaires, car il continua à acquérir de plus en plus d’hectares de terre jusqu’à ses derniers jours. Autant dire qu’il était mort en essayant de conclure l’acte d’achat d’un autre terrain, qu’il jugeait de bonne valeur.
Quand Hnini vit cette parcelle de terre qui était large de quelques dizaines d’hectares, elle lui plut et il commença à marchander le prix avec son propriétaire. Quand tout fut conclu entre lui et le vendeur, il envoya mon oncle Bachar, son fils aîné, chercher l’argent qui devait se trouver à la banque ou caché quelque part dans la ferme. Après quelques heures d’attente qui, en principe, ne devaient durer que quelques minutes, mon oncle n’était toujours pas de retour. Mon grand-père était embarrassé devant le vendeur et les deux administrateurs publics qui étaient présents pour officialiser l’acte d’achat. Il enragea et commença à crier de toutes ses forces, en menaçant d’égorger oncle Bachar dès qu’il le verrait. Soudain, il eut des difficultés à respirer, s’effondra sur le visage et mourut quelques jours plus tard, chez lui, après un bref séjour dans un hôpital de la ville. Mon grand-père qui avait la réputation d’avoir un bon sens des affaires ne pouvait pas supporter de voir cette terre lui échapper pour une cause aussi futile que l’acte irresponsable de son fils. L’idée de rater une si bonne occasion aurait causé son choc et puis son trépas, après.
Certaines gens du pays acceptèrent la mort de Hnini comme un acte d’Allah. Mais, d’autres crurent que mon oncle Bachar, était la cause directe de ce choc qui précéda sa mort. Pourtant, personne ne put conclure avec certitude, et baser sur une telle hypothèse, que mon oncle Bachar causa la mort de mon grand-père. De toute façon, sa mort ne fut jamais remise en question d’une manière sérieuse, malgré toutes les rumeurs, et personne n’avança jamais qu’elle ne fût pas naturelle. Cette mort fut un grand bouleversement pour tous les membres de la famille, qui devait être composée d’au moins soixante-dix personnes, aussi bien que pour tous ses amis et ses employés. Ces derniers l’aimaient comme un père, car il s’occupait bien d’eux et de leurs familles. Désormais, ils ne savaient plus s’ils allaient pouvoir continuer à travailler à la ferme. Ce que ces employés et les gens qui ont connu Hnini retiennent de lui surtout, c’était sa bonté et sa générosité.
Pendant la fête de l’aïd sghir , par exemple, une centaine de gens faisaient la queue devant le msid de mon grand-père pour lui payer leur respect. Ce dernier sortait le matin avec un de ses fils, portant un gros sac plein d’argent et s’asseyait dans le msid . Les gens entraient un par un, saluaient mon grand-père en essayant de lui baiser la main qu’il retirait vite et non sans gêne. Il leur donnait quelques pièces de monnaie et les invitait à prendre des galettes et du thé que ses serviteurs apportaient en grande quantité dans le msid . Les gens sortaient très contents et louaient mon grand-père pour sa clémence et la grandeur de son cœur. Après les moissons, il venait autant de gens voir Hnini qui leur distribuait des sacs de farine ou de blé.
Beaucoup de gens qui cherchaient à comprendre comment Hnini était devenu aussi riche, refusaient de croire la version soutenue par certains, et qui consistait à croire qu’Allah facilitait la prospérité de mon grand-père parce que, justement, ce dernier était un bon musulman qui distribuait le dixième de ses revenus aux pauvres. Selon eux, Hnini devait avoir un secret qui contribuait à sa prospérité. Les terres de mon grand-père étaient dispersées dans plusieurs régions au nord de Tamsa. Dans chacune de ces régions, il construisit une ferme pour ses enfants. Il était marié à quatre femmes et avait quinze fils et dix filles. Trois de ses femmes moururent avant lui. Mon grand-père maria ses quatre premiers fils, dont mon père, et les installa chacun dans une ferme. Mes oncles et mon père eurent au moins une cinquantaine d’enfants. Quatre autres de mes oncles furent mariés après et eurent plusieurs enfants chacun. Deux de ces oncles furent tués dans des accidents. L’un tomba dans un grenier souterrain, et certains disaient qu’il avait trébuché au bord du grenier, d’où il ne put pas ressortir, et y mourut. D’autres avançaient qu’il était descendu dans le grenier, pour y voler du blé et qu’une fois au fond du trou, il n’avait pas pu respirer et mourut.
Mon autre oncle voyageait en voiture avec sa femme et ses deux filles, lorsque le chauffeur d’un gros camion, allant dans le sens opposé, perdit le contrôle de son véhicule et percuta sa voiture, le tuant et blessant gravement sa famille. Mes deux autres oncles se marièrent, mais décidèrent de rester avec mon grand-père. De tous mes oncles et de toutes mes tantes, seuls deux oncles poursuivirent des études au-delà du secondaire. L’un devint avocat et l’autre juge. Ils quittèrent la campagne quand ils étaient étudiants et s’installèrent en ville où ils finirent leurs études et eurent des emplois. Le plus jeune de mes oncles s’appelait Aboud et devait avoir juste quelques années quand sa mère mourut. Il demeura à la ferme avec ses deux sœurs dont l’une était son aînée et l’autre était plus jeune que lui. Sept de mes tantes étaient mariées et avaient quitté la maison de mon grand-père des années avant sa mort, en 1960. Les trois autres étaient trop jeunes pour se marier. Deux d’entre elles étaient les sœurs d’Aboud de père et de mère. La troisième était issue de la dernière femme de mon grand-père que nous appelions Nanna et qui survécut à mon grand-père de quelque quarante années.
Tous les membres de cette grande famille ne vécurent pas sous le même toit, en même temps. Mais pendant les fêtes, tout le monde venait à la ferme de mon grand-père et cela faisait presque une centaine de personnes, en comptant ses enfants et ses petits-enfants, qu’il adorait et qu’il gâtait de bonbons parfumés et de pièces d’argent luisantes. Je me souviens d’un jour où mon grand-père nous emmena, mon frère Rahim et moi, en ville, dans sa belle Opel rouge. Mon oncle Aabd conduisait la voiture ; mon grand-père était assis à côté de lui, et nous, nous étions derrière. Sur la route qui menait à la ville, il n’y avait que trois voitures : la nôtre, celle d’un fermier français et celle des gendarmes. Nous roulions pendant plus d’une demi-heure, à travers des champs d’orge et de blé, qui s’étendaient à perte de vue et dont la majorité appartenait à mon grand-père. Celui-là les regardait de sa fenêtre ouverte et avait un léger sourire de satisfaction sur son visage qui inspirait la force et la tendresse à la fois.
Arrivé à Tamsa, mon grand-père s’arrêta devant une petite boutique dont il connaissait le propriétaire, qui fut ravi de le voir et qui l’appelait Baba Lhaj . Le boutiquier qui s’appelait Hmad avait une petite chambre au fond de sa boutique. Elle y avait installé deux seddaris (sorte de canapé rectangulaire, reposant sur une plate-forme en bois) et une petite table. Il nous invita et nous servit du thé chaud à la menthe. Mon grand-père devait avoir de l’estime pour Hmad, car il passait beaucoup de temps avec lui quand il allait en ville. Nous repartîmes à la ferme les poches pleines de bonbons et de biscuits. Beaucoup de gens de la ville s’arrêtaient devant la boutique de Hmad pour saluer mon grand-père. Ils devaient le respecter beaucoup parce qu’ils se penchaient tous devant lui et certains essayaient même de lui baiser la main qu’il retirait toujours vite.
Selon mon oncle Bachar qui accompagnait souvent Hnini , ce dernier était fort respecté, non seulement par les gens du pays et les notaires de la ville de Tamsa, mais aussi par les colons français. Ces derniers admiraient la façon dont mon grand-père gérait ses biens, et son bon sens des affaires, surtout lorsqu’il s’agissait de l’acquisition de terres agricoles.
Les fermiers français qui exploitaient des terres dans la région, qui étaient proches ou adjacentes à celles de Hnini , enviaient ce dernier pour les bonnes récoltes que ses terres lui prodiguaient. Certains d’entre eux croyaient que Hnini possédait le don de la baraka et le lui répétaient. Mais, cela n’était pas possible, car mon grand-père n’était pas un chérif , c’est-à-dire descendant d’un lignage de sainteté . Toutefois, il acceptait toujours cette remarque comme un compliment, mais au fond, il croyait que c’était le travail dur et la persévérance qui devaient compter pour son succès. Toujours est-il, et étant un bon musulman, il avait l

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