Dites-moi si je dérange
208 pages
Français

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Description

« Pierre va enfin oser adresser la parole à sa voisine, la jeune femme de l’appartement d’en face. Avant de l’aborder, il a pris soin de s’assurer qu’elle était libre. Soirs et matins, il a rivé son œil au judas de sa porte dès qu’il entendait du bruit sur le palier : rien à signaler. Plusieurs weekends, il l’a suivie à la trace : pas l’ombre d’un mâle dans sa vie. Un peu rapide comme conclusion mais bon, il ne se voit pas lui poser la question ni attendre de se faire damer le pion par un rival plus entreprenant. Ce matin donc, il se poste face à l’ascenseur à l’heure stratégique. Lorsqu’elle sort de son appartement, il s’avance vers elle, d’un air qui se veut dégagé et naturel. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 mars 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414323432
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Dites-moi si je dérange













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue Président Wilson – 93210 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-32344-9

© Edilivre, 2019
Be sexy : write
Pierre va enfin oser adresser la parole à sa voisine, la jeune femme de l’appartement d’en face. Avant de l’aborder, il a pris soin de s’assurer qu’elle était libre. Soirs et matins, il a rivé son œil au judas de sa porte dès qu’il entendait du bruit sur le palier : rien à signaler. Plusieurs week-ends, il l’a suivie à la trace : pas l’ombre d’un mâle dans sa vie. Un peu rapide comme conclusion mais bon, il ne se voit pas lui poser la question ni attendre de se faire damer le pion par un rival plus entreprenant. Ce matin donc, il se poste face à l’ascenseur à l’heure stratégique. Lorsqu’elle sort de son appartement, il s’avance vers elle, d’un air qui se veut dégagé et naturel.
– Bonjour, Pierre de Touche, dit-il en lui tendant la main. Nous sommes voisins : n’hésitez pas à sonner chez moi si vous avez besoin d’un service.
Elle le dévisage d’un œil amusé avant de serrer énergiquement cette main tendue.
– Rose Lamour, ethnologue. Vous avez vu l’affichette en face de notre immeuble ? Je me demande quelle réaction ce slogan peut provoquer chez un homo sapiens comme vous !
Pierre réfléchit à toute vitesse : « Affichette ? Quelle affichette ? » Sa voisine lui adresse un grand sourire et lui propose avec un clin d’œil malicieux :
– Si vous voulez, après-demain je vais déjeuner au café des cloches, rue Flamel. Venez me rejoindre… à treize heures : vous me lirez ce que cette phrase vous a inspiré ! Bonne journée, Docteur de Touche.
Pierre reste planté sur le palier après qu’elle soit montée dans l’ascenseur. Sidéré, il descend par les escaliers. A travers la porte vitrée de l’immeuble, il voit alors, collée sur une boîte à lettres jaune, une affichette sur laquelle sont écrits ces trois mots Be sexy : write. Seul un numéro de téléphone suit cette sentence équivoque. Les idées se bousculent dans sa tête. « C’est elle qui aura collé ce message ridicule ? Homo sapiens, est-ce que j’ai une tête de Cro-Magnon ? Et comment sait-elle que je suis médecin ? Qu’est-ce que c’est que ce rendez-vous au café des cloches ? Il existe ce café ? Elle a dit ça pour me traiter de ‘pauvre cloche’ ? ».
Après ce maelström cérébral, Pierre se moque de lui-même. « Après tout, se dit-il, c’est une manière spirituelle de riposter ! Entre sa beauté et son patronyme, Rose Lamour doit avoir développé une stratégie de défense face à des attitudes machistes auxquelles elle doit souvent avoir droit… Et puis, en tant qu’ethnologue, elle n’a pas pu s’empêcher d’étudier mon comportement : déformation professionnelle ! A moins qu’elle n’ait choisi ce métier à cause d’importuns comme moi. ».
Arrivant à son cabinet, Pierre vérifie son agenda pour le surlendemain. Il indique à sa secrétaire quelques rendez-vous à déplacer afin de se libérer entre onze heure et demi et quatorze heures. Puis, entre deux patients, il téléphone au numéro indiqué sur l’affichette : « C’est peut-être une agence matrimoniale pour intellos ou nymphomanes », s’est-il dit entre une injection de vaccin et une palpation d’abdomen. Une boîte vocale indique qu’il s’agit d’un atelier d’écriture et donne les horaires d’ouverture. Pendant sa pause-déjeuner, décidé à relever le défi lancé par sa voisine, Pierre se saisit d’une feuille blanche à l’en-tête d’un laboratoire. Il recopie Be sexy : write et réfléchit les bras croisés derrière sa tête avant de griffonner nerveusement : Après que vos doux yeux bruns aient effleuré les miens, j’ai eu l’irrépressible envie de vous écrire un poème… Trop mièvre ! Chaque soir, dans son grand appartement, la solitude et l’écriture étaient les seules compagnes de cet homme timide, jusqu’au jour magique où une charmante voisine… ». Nul, nul et archinul ! » Écœuré, il déchire la feuille. « Quelle est la personne assez stupide pour avoir composé un tel slogan ? » se dit-il. Il termine son sandwich à coups de dents rageurs et se sert un café avant de reprendre ses consultations.
Après avoir prescrit des antalgiques au dernier patient de la journée, Pierre souhaite une bonne soirée à sa secrétaire qui part et ferme la porte à clé derrière elle. A son bureau, il reprend son bloc et écrit : Homme pubère, vigoureux, au torse marbré de cicatrices laissées par des griffes de lion, meilleur chasseur de mammouth de la région, prêt à protéger femme et enfants dans leur abri sous roche . Il rit tout seul avant de chiffonner la feuille. « Le sex-appeal, cela se voit », se dit-il, « cela ne s’écrit pas. Un homme sexy est bronzé, musclé, avec un regard pénétrant, une voix chaude et sensuelle ». Se levant, il ouvre la porte de son placard sur laquelle est collée un miroir. Il ôte sa cravate puis se regarde sans complaisance. Contrairement à beaucoup de ses connaissances qui apprécient sa jovialité, sa gentillesse et son humour, Pierre de Touche a toujours été complexé par ses lèvres trop fines, son nez trop long, son menton fuyant. Enfin, remettant toujours au lendemain la décision de faire de l’exercice, sa garde-robe se compose de costumes qui, soit le boudinent, soit sont trop amples. Désabusé, il retourne s’asseoir à son bureau d’un pas traînant et se laisse pesamment tomber sur son fauteuil qui couine de mécontentement. Après quelques minutes de grande solitude, Pierre se redresse et réagit : « J’ai été lauréat au concours de médecine, je ne suis donc pas un idiot ; à défaut d’avoir développé une musculature de bodybuilder en soulevant de la fonte, a priori j’ai fait travailler mes connexions neuronales »… Il se sent tout à coup l’âme de chasseur sur la piste d’un gros gibier. « J’y suis », se dit-il, « une ethnologue s’intéresse à des caractères codifiés. Les maoris tatoués, les négresses à plateaux, les chinoises aux pieds bandés et tutti quanti, s’imposent ce que d’autres considèrent comme des supplices pour être sexy suivant les critères de leurs cultures, enfin je crois… Mais quoi écrire là-dessus ? ». Pierre de Touche bâille . « La nuit porte conseil, comme disait ma grand-mère », conclut-il. Sur ce, il rentre chez lui, certain de ne pas croiser sa chère voisine puisque le mardi, elle revient vers vingt et une heures, un sac de sport à la main. Sur le chemin, lors de sa halte vespérale à la boulangerie, il ne prend qu’une demi-baguette, renonçant à sa pâtisserie. « Demain j’achèterai des pommes : les fruits, c’est plus ethnologique » , se dit-il, en riant tout seul.
Le lendemain matin, Pierre se réveille avec une idée de génie . Il entend le pas léger de sa voisine passer devant sa porte pendant son petit déjeuner. Après s’être douché et préparé, il part exercer sa vocation : soigner les maux. Tout émoustillé, à onze heures et demie, il s’absente. Trois quart d’heures plus tard, sa secrétaire le voit revenir avec une armada de plastiques au logo de plusieurs boutiques du quartier. Un quart d’heure après, les yeux écarquillés, elle voit le docteur Pierre de Touche partir en tenue de combat.
A treize heures sonnantes, Rose Lamour entre au café des cloches. Son regard hésite avant de fixer un homme debout, accoudé au comptoir. Il est vêtu d’un costume noir bien coupé qu’il porte sur une chemise blanche à long col et dont les deux premiers boutons sont ouverts ; une longue écharpe rouge pend de part et d’autre de son cou attirant l’œil sur des chaussures anglaises très élégantes. Un carnet en moleskine dans une main et un crayon de papier dans l’autre, l’homme plisse les yeux dans le vide, semblant chercher comment mettre des idées en mots puis écrit plusieurs phrases d’affilée d’un geste saccadé. De nombreux clients chuchotent en l’observant et des femmes le dévisagent d’un air gourmand. Rose prend un délicieux sourire malicieux et, tout en posant sa main sur son bras, elle lui chuchote à l’oreille.
– Vous avez tout compris Pierre : rien de plus sexy qu’un écrivain inspiré…
La faim justifie les moyens
Boniface débute son numéro en posant délicatement ses pieds l’un devant l’autre. Ses bras souples font balancier de part et d’autre de son buste droit. Il progresse sur le filin au rythme d’une musique lente. Le public retient son souffle en suivant des yeux sa fine silhouette. Puis, le tempo s’accélère. Boniface l’enfant abandonné, l’adolescent en fuite, enchaîne alors sauts et pirouettes gracieuses sur le fil tendu à sept mètres du sol. Des soupirs de tension et d’admiration parviennent à ses oreilles. Sur ce fil, il oublie tout. Une clameur d’applaudissements jaillit des gradins. Il est sauvé.
Un an plus tôt
Seul dans la nuit, livré à lui-même, il avait faim. Pas le genre de petit creux que l’on ressent juste avant un repas mais une faim qui vrille l’estomac après un trop long jeûne. A dix-sept ans, en pleine croissance, Jean-Paul Deluc était insatiable. Au réfectoire, il se débrouillait pour se placer à côté des petits appétits qui, malheureusement pour lui, étaient peu nombreux. En se sauvant du foyer de Villers en Vexin, ce soir-là, il savait ce qu’il encourait : à sa première tentative d’évasion, il avait eu droit à de sévères remontrances et un enfermement dans une pièce pendant quelques jours avec des repas frugaux. En cas de récidive, la sanction serait son éviction de ce foyer et son enfermement, au sens strict, dans un autre genre d’établissement, l’antichambre d’une prison pour mineurs.
Chaque vingt et un juin, sans faillir depuis l’année où il lui avait été retiré, sa mère lui envoyait une carte où, d’une écriture maladroite, elle traçait les simples mots « Bon anniversaire Jean-Paul », avant de signer « ta maman, Josette Deluc ». Ce document avait pour valeur légale d’empêcher l’adoption de l’enfant. En effet, grâc

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