Elle, à sa fenêtre
156 pages
Français

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Elle, à sa fenêtre , livre ebook

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Description

Elle, c'est Michèle,
une adolescente qui passait de longues heures à regarder par la fenêtre.
Derrière elle, son enfance dans la guerre et la solitude. Une enfance bafouée.
Devant elle, des bâtiments HLM pou lui barrer la route d'une vie meilleure.
Sa force et sa ténacité, réussiront-elles à lui ouvrir le chemin de la résilience et de la sérénité?

Zoéto

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 mars 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332671349
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-67132-5

© Edilivre, 2014
Première partie
Elle, à sa fenêtre
Michèle regardait par la fenêtre, fenêtre d’une cuisine au quatrième étage d’un bâtiment HLM. Pas vraiment le même paysage que celui de la « Muchacha en la ventana » de Dali. Pas la mer en face mais des bâtiments gris et bleus. Bleus sous la fenêtre de la cuisine. Un bleu différent de celui du ciel. Bleu nuit, bleu pétrole peut-être ? Mais pas le bleu de la mer. En bas, des dalles en béton gris. Gris clair les jours ensoleillés. Gris foncé, presque noires les jours de pluie ou de froid. Très rarement blanches, la neige tombait rarement dans cette région d’Ile de France. Y avait-il un arbre ? Probablement, Michèle ne le voyait, ni ne le cherchait. Au-dessus, des morceaux de tours HLM pris en sandwich entre les barres et le ciel. Ciel gris ou bleu. Des barres identiques à celle dans laquelle elle habitait. Assise ou debout, un genou posé sur la chaise en formica gris clair, elle observait imperturbablement le dehors, là où circulait la vie. Des jeunes filles apparemment de son âge. Des jeunes gens aussi. Quelquefois rien. Rien que la couleur du béton et un chien ou un chat égaré.
Quelquefois, c’était elle qui traversait le gris de la cité. Le plus souvent, c’était pour se rendre au lycée. Lycée d’élite, de ceux qui feront des études longues. A quatorze ans, elle était encore en cinquième au lycée, pas au collège ou CEG où les livres étaient gratuits. Ses parents, son père surtout, avait décidé qu’elle réussirait sa vie. Et réussir sa vie, c’était gagner beaucoup d’argent. Mais avant, il fallait en dépenser pour elle, rien que pour elle, la petite dernière. Peut-être le fleuron ?
Pourtant dès le début du mois, leur compte était vide. Son frère payait le loyer, sa sœur gardait des enfants. Son père, ancien directeur de cinéma en Algérie, ne trouvait pas de travail en France. Sa mère n’en cherchait pas. Michèle semblait être l’espoir d’une vie meilleure. Pour son père essentiellement, sacrifice pour les autres.
« Michèle, veux-tu mettre la table ? criait sa mère.
Son père répondait à sa place :
– Elle étudie. »
Quelle jouissance de ne rien faire ! D’être la reine des désespérés mais la reine tout de même.
Sa mère avait fait l’effort de lui acheter une robe rouge avec une fermeture Eclair sur le devant. C’était un genre de blouse achetée à La Redoute à prix sacrifié. Prix sacrifié, il fallait bien ça pour l’habiller de neuf. Le reste de sa garde-robe consistait en quelques vêtements d’occasion déjà portés mille et une fois (une jupe rouge, une veste bleue). Le rouge et le bleu étaient à la mode. Cela tombait bien. Enfin c’est ce qu’il lui semblait jusqu’au jour où un professeur de mathématiques l’interrogea. Je dis bien un professeur de mathématiques et non le sien car à cette époque, les demi-pensionnaires pouvaient choisir entre se divertir en récréation ou s’améliorer avec des cours supplémentaires. Et elle, elle avait choisi de se perfectionner. Elle aimait les mathématiques et surtout les vrais chiffres et l’algèbre. Dès qu’il s’agissait d’hypothèses et de géométrie dans l’espace, elle se perdait et n’arrivait plus à atterrir. Elle avait donc fait ce choix. Monsieur C. l’interrogea au tableau. Elle se leva avec l’espoir de se rasseoir aussi vite mais il n’en fut rien. Elle monta sur l’estrade avec un trac infini pour résoudre le problème proposé. Monsieur C, installé dans son fauteuil derrière le pupitre, la tête tournée vers elle, lui fit aussitôt quelques remarques.
– Mademoiselle T, trouvez-vous élégant cette manière de vous vêtir ?
Le sang afflua jusque sur ses joues mates et la honte l’inonda. Elle se mura dans un silence étouffé.
– …
– Qu’est-ce que c’est que cette mode ridicule ? dit-il ironiquement en haussant le ton . Vous pensez vous mettre en valeur avec ces deux couleurs primaires ? ajouta-t-il avec un rictus méprisan t.
Cette fois encore, pour seule réponse, les yeux baissés, la tête penchée vers l’avant, un silence écrasant.
– …
– Non, mais répondez, dit-il cette fois d’un ton péremptoire.
Il regarda la classe afin d’obtenir l’approbation de tous les peureux qui l’approuvèrent discrètement avec un sourire figé et le début d’un rire forcé.
– Non ! répondit-elle, tremblant de tous ses membres avec une voix presque inaudible.
– Quoi ? Qu’avez-vous dit ? dit-il d’une voix de stentor.
– Non, répondit-elle encore plus doucement . Sa tête décidément de plus en plus penchée, le menton au niveau du sternum et les paupières baissées .
– Bon, résolvez ce problème et essayez de parler plus fort, dit-il cette fois excédé.
Elle, pétrifiée, ne dit mot.
– …
Lui, s’énerva.
– Allez ! Dégagez ! dit-il avec un large geste rageur .
C’était pourtant un vieux professeur qui venait du même pays qu’elle… Un vieux professeur désabusé, manquant de psychologie et peut-être un peu sadique ?
Rouge, bleu
Rouge, bleu…
Collant de laine rouge ou bleu.
Manteau rouge ou bleu.
Elle s’assit, reprit sa place près de sa camarade compatissante en songeant à son shopping avec son père. Autre lieu, autre temps…
Oui, le quartier où il l’emmenait pour se vêtir. Le quartier juif. Quartier d’Oran inondé de magasins. Chaque année, ils partaient tous les deux pour renouveler la garde-robe de cette petite fille qui grandissait. Son père lui donnait le choix entre deux manteaux. Elle hésitait souvent entre un rouge et un bleu. Son père lui laissait le temps de se regarder, d’essayer une fois, deux fois ou plus jusqu’à ce qu’elle soit convaincue de sa préférence. Un vêtement qu’elle porterait tout l’hiver. Hiver surtout pluvieux et humide. Ses premiers collants en laine bleue ou rouge qu’elle mettait à la hâte avant de partir à l’école et qui descendaient sur ses cuisses quand ils devenaient trop petits ou trop usés. Elle n’avait que six ans et une maman trop occupée. Michèle était soit seule, soit avec son père.
Les amies
A cet instant précis, dans cette classe en préfabriqué impersonnelle, sans affiche, sans carte géographique, ni fiche chronologique d’histoire, elle était seule au milieu de garçons et filles sans indulgence. Repliée sur elle-même. Des acouphènes aigus transperçaient ses tympans. Elle attendit la fin du cours sans même voir l’élève qui lui avait succédé au tableau. Même moquerie, même méchanceté gratuite de la part de Monsieur C envers cet élève fragile aussi…
Quand l’heure du supplice fut terminée, Michèle sortit à la rencontre de ses camarades, Catherine, Bubu et Marie-Christine, trois filles qui avaient réussi à partager ses moments ludiques de rires et de rêves sans se flageller avec des mathématiques …
Catherine était un peu son miroir. Les dents écartées du bonheur sur un sourire tendre et mélancolique. Toutes deux s’inventaient des mondes inaccessibles. Des éclats de rire fusaient parfois de leur imagination débordante. Michèle admirait la candeur de Catherine. Catherine aimait la douceur de Michèle. Une année scolaire aux relations accortes et amicales dans la découverte d’auteurs, de romans et de poésies. Catherine la lumineuse aux cheveux blonds crépus, à la peau claire d’une rousse, aux yeux bleus profonds qui la transportaient vers son imaginaire fantasque. Toutes deux étaient sensibles au charme d’un beau brun aux yeux verts. C’était un camarade de classe mais tellement plus mûr avec son duvet noir au-dessus de sa lèvre supérieure bien ourlée. Il ne prêtait aucune attention à ces deux filles tellement peu sexy. Pourtant Catherine osa se placer face à lui, tout près de lui au moment où la sonnerie avait retenti pour se ranger. Imperturbable, Catherine resta plantée là, les bras croisés, la tête levée, afin que son regard plonge dans l’azur de son premier émoi. Michèle en fut tout épatée. Catherine revint vers son amie toute souriante et heureuse pour se ranger. « Tu exagères, moi je n’aurais pas osé » lui dit Michèle… Et elles éclatèrent de rire.
Amitié de deux jeunes adolescentes, l’amitié ne l’avait jamais lâchée. A l’école primaire aussi, Michèle avait une amie. Elle se prénommait Martine. C’était à l’école Jean Zay d’Eckmühl à Oran… Qu’était-elle devenue ? Elle était petite et menue. Blonde comme Catherine mais le cheveu raide tiré en arrière, en queue de cheval. Sa maman palliait l’absence de ses parents. Souvent, le midi elles partaient toutes deux accompagnées de la maman de Martine. Mère et fille mangeaient tandis que Michèle attendait son papa en les regardant. La maman de Martine finit par dire à son père : « Je regrette monsieur mais je ne peux continuer ainsi, vous arrivez tellement tard que j’ai du mal à ne pas partager mon repas avec cette pauvre enfant. Débrouillez-vous ! » Son père fit ce qu’il put pour ne pas la laisser seule devant l’école…
Attentes
A midi, Martine et sa maman partaient chez elles, sans elle.
Michèle restait, attendait, espérait l’arrivée de son papa. Papa toujours pressé. Michèle, à chaque sortie de classe, balayait la foule de parents avec le regard tourmenté. Son cœur battait fort, très fort. « Petit Jésus, je voudrais que mon papa soit là. » Quelquefois, elle était exaucée et d’autres fois, elle l’était moins. « Sera-t-il là ? Quand viendra-t-il ? M’a-t-il oublié encore une fois ? Trop de travail ? Trop de… » Quand on est enfant on ne pense pas comme les adultes, on sait juste qu’on est seule et qu’on a peur, peur que l’heure du retour en classe revienne et que les deux heures soient passées à attendre sans manger. Jamais cela ne lui arriva mais cela a failli. Et revenir en retard, quelle angoisse encore de passer devant le bureau de la directrice et se faire gronder. Cette grande porte lourde en bois s’ouvrait ave

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