FRANCK
380 pages
Français

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Description

Bloquée sur une autoroute un après-midi de février, Alexandra croise la route de Franck. Une fascination naît et l’entraîne à « vouloir » cet homme énigmatique. Cependant, Alexandra ignore la blessure intérieure de Franck qui lui interdit d’aimer. En effet, il vit avec le poids d’une faute passée qu’il refuse d’oublier et attend la délivrance. Lorsque Alexandra en prend conscience, il est trop tard, l’amour qu’elle voue à cet homme l’empêche de reculer ou, tout simplement, d’accepter l’évidence. Malgré tout, elle signe avec lui un pacte irréfléchi et funeste.


Et s’il suffisait, pour qu’un amour demeure authentique, de déjouer le plan machiavélique du temps...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332865786
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-86576-2

© Edilivre, 2015
1
Lorsque tu as un poids sur l’estomac, soit tu le laisses passer tout seul, ça passe toujours à un moment ou un autre, soit tu agis pour l’évacuer rapidement. Tout est là, dans ma gorge, une remontée amère qu’il me faut expulser. J’ai besoin de mettre tripes sur table, de vomir le bon comme le mauvais, c’est un tout, une boule d’amertume au fond du ventre, avec des relents de nostalgie dans la bouche. Il n’y a qu’en me vidant que je pourrai me remplir de nouveau. On ne remplit pas un vase plein.
J’aurais pu t’appeler Alizée, Marine, Calypso, Ondine, que sais-je encore. Je n’ai pas choisi ton prénom pour sa beauté, mais par nostalgie. Afin qu’il me renvoie l’image de la mer, donc du père. Cependant c’est joli Océane, c’est doux. Je pensais que les bébés avaient les yeux fermés en naissant. Or, quand la sage-femme t’a posée sur mon ventre, tes yeux étaient bien ouverts. De grands yeux. De grands yeux noirs aux reflets moirés. Des yeux trop grands pour un bébé. En apercevant tes yeux, j’ai compris que le dolorisme de ton prénom ne serait rien face à tes deux billes sombres. Tu es un miroir ma fille.
La première fois que j’ai vu ses yeux, un hiver rigoureux s’était emparé de notre ville et n’avait nullement l’intention de la délivrer. Le froid nous glaçait les os et nous engourdissait jusqu’au plus profond de l’âme. La ville de Lyon n’était qu’une nappe brumeuse à l’atmosphère asphyxiée, ne jaillissant de sa léthargie qu’à partir de midi, heure où le soleil avait enfin réussi à percer cette pellicule confuse et réchauffer les corps ankylosés. Toutefois, la moitié des Lyonnais avait trouvé la parade en séjournant avec un bon quarante de fièvre au fond de leur lit.
Cette semaine-là, si le froid accomplissait ses ravages, il n’avait pas la vedette. Les conversations s’orientaient bien souvent vers la grève des routiers. Ceux-ci manifestaient leur mécontentement contre un système dicté par des exigences de compétitivité et de rentabilité. Les dix premiers jours de coalition n’ayant rien fait évoluer, le leader du mouvement, qui se définissait comme un forçat de la route, promettait un renforcement de leur mouvement et menaçait de frapper fort en bloquant les principales voies d’accès.
Quant à moi, cet après-midi-là, confortablement installée au volant de ma voiture, je roulais sur l’A7 en direction d’Aix-en-Provence. J’avais en tête le petit mas provençal que j’allais visiter, et n’avais pas hésité une seule seconde avant de m’engager sur les routes, malgré l’opposition bien singulière d’un froid tenace persévérant et de l’humeur des routiers qui commençait sérieusement à s’échauffer. Rien n’aurait pu m’empêcher de partir.
À trente-quatre ans, j’entamais un cycle de vie où le besoin de posséder comblait mes aspirations. De mon téléphone portable à la pointe de mes chaussures, tout transpirait la conquête du paraître. Après avoir investi dans la superbe voiture aux multiples gadgets, je visais la maison. C’est souvent par ces deux éléments que les personnes affichent leur réussite. Et comme mon métier est de vendre des maisons, j’allais en acheter une. J’évitais d’analyser trop profondément cette convoitise, par peur de découvrir que je cherchais peut-être à me fuir. Alors que le mot « crise » n’a jamais été aussi souvent employé, misérable terme englobant tous les maux de la terre, ta mère était en pleine crise identitaire. Cette maison, bien que je m’en défende, caractérisait sans doute un moyen de me rattacher à un avoir à défaut d’un être. Puisque je ne me satisfaisais pas du présent, je misais tout sur le futur, et le futur, à n’en pas douter, ne pouvait qu’être meilleur. L’agence immobilière dans laquelle je travaille possède une succursale à Aix-en-Provence et je connaissais sur place une personne compétente à qui j’avais exprimé mes désirs. Le mas nécessitait d’être juste assez grand pour cacher mes peines et accueillir mes joies à venir. Cela peut paraître succinct comme description, mais j’avais également donné un budget à ne pas dépasser, ce qui limitait les offres.
Toujours est-il qu’à cette minute-là, je dépassais Avignon, lorsqu’un ralentissement m’obligea à freiner précipitamment. Après avoir effectué un écart de côté, je pus apercevoir, malgré l’épais brouillard, trois poids lourds barrer l’autoroute d’un bord à l’autre. Les chauffeurs semblaient particulièrement décidés ; du fil barbelé tendu parachevait l’ouvrage en fermant totalement le passage. Aucun centimètre ne filtrait entre les deux rails de sécurité, même un piéton ne pouvait se faufiler dans ce maillage serré. Derrière moi, une centaine de voitures et de camions s’immobilisaient déjà. Alors que je demeurais médusée par cette vision, d’autres poids lourds s’alignèrent afin de bloquer l’arrière du bouchon. En un clin d’œil, une poignée d’hommes s’empressa d’installer le même dispositif qu’à l’avant. Le but de la manœuvre n’était pas de provoquer un embouteillage, comme ils l’avaient fait les jours précédents, mais de prendre des automobilistes en otage. Avant que nous ayons eu le temps de réagir, nous étions confinés dans un piège impossible à contourner. Le voile brumeux, enrichi par les gaz d’échappements, donnait un aspect fantomatique et irréel ; des véhicules à perte de vue escortés d’un tumulte incessant de klaxons, autour desquels s’agitaient des êtres mécontents.
Un groupe d’automobilistes excédés s’avança vers les camions de tête pour obtenir des explications, mais les camionneurs s’opposaient à la confrontation et rembarraient les furieux à grand renfort de grossièretés. Nous étions simplement une bonne monnaie d’échange afin qu’ils aient gain de cause. Les esprits s’animaient, chaque bord poursuivant sur son terrain, assuré de son bon droit. L’effervescence à son comble, de violentes altercations éclatèrent, particulièrement lorsque les routiers non-grévistes pris au piège laissèrent exploser leur colère. Certains avaient même tenté de démonter les éléments du barrage, bafouant ainsi la légendaire solidarité des professionnels de la route. L’échange d’hostilités dégénéra et l’empoignade évolua dangereusement ; des morceaux de ferraille projetés par des furieux risquaient de retomber sur la foule. Nos geôliers protégeaient leur forteresse coûte que coûte et devenaient menaçants. Beaucoup d’automobilistes, inquiétés par la tournure de l’affrontement, avaient regagné leurs véhicules.
N’ayant pas la carrure suffisante pour combattre, j’étais restée au chaud dans la voiture. Prête à démarrer, j’avais un pied sur l’embrayage, l’autre sur l’accélérateur, une main sur le levier de vitesse et la ceinture encore attachée. Cependant, cernée de tous côtés par des véhicules, je me résolus à arrêter le moteur. Je laissais mon corps s’écraser contre le dossier du siège, en signe de capitulation, quand mon regard se chevilla sur la silhouette du motard immobilisé devant moi. Je l’avais vu se frayer un passage entre les voitures, puis stabiliser sa moto entre la mienne et celle de devant. Il avait cheminé jusqu’à la barricade avec le groupe de courageux, mais s’était ravisé devant la hargne des routiers. Revenu sur place, il avait enlevé son casque et s’était attardé durant dix minutes sur son téléphone portable. Le rétroviseur de la moto ne me renvoyait que l’image d’une écharpe nouée autour d’un cou. L’homme avait les cheveux d’un noir extrême coupés très court. Par la suite, il avait remis son casque, soulevé la visière et demeurait depuis campé sur la moto. Seules les mains trahissaient une impatience en tapotant nerveusement sur les jambes.
J’enclenchai le moteur afin de chauffer l’intérieur de la voiture, le bruit attira l’attention du motard. Il me considéra furtivement à l’aide de son rétroviseur, puis me fixa avec une insistance troublante. Je reçus ce regard singulier avec plaisir. Il détourna alors les yeux et se frotta les bras avec vivacité. Manifestement, bien que vêtu de cuir, il avait froid.
Que faire lorsque l’on est bloqué dans son véhicule, mis à part observer ce qui se trouve à proximité ? Je demeurais donc les yeux ancrés sur ce corps aux lignes plutôt harmonieuses. Et que peut bien faire un motard immobilisé sur une autoroute, mis à part jeter quelques coups d’œil dans son rétroviseur sur une femme qui ne cesse de scruter son profil ? De ce fait, de temps à autre, son regard croisait le mien. J’inspectais son galbe cuirassé, puis je fixais mes yeux sur son rétroviseur. Dès qu’il regardait, je détournais mon attention. Les adultes sont souvent de grands enfants, particulièrement quand ils sont du sexe opposé. L’heure de la récréation avait sonné et mon nouveau copain participait de bonne grâce à mon jeu. Mais, à la différence des enfants, les adultes se lassent vite et en veulent toujours plus. Je décidai de faire évoluer notre passe-temps. « Retourne-toi ! » j’ai pensé. Concentrée sur mon attrait, j’ai répété plusieurs fois cette injonction en braquant mes yeux derrière son dos. J’agissais ainsi dans le métro quand j’allais au lycée. J’établissais mon regard sur le dos d’une personne et, au bout d’un moment, la personne se sentant observée se retournait. Je détenais un carnet sur lequel je notais mes victoires. Le lundi restait le moins productif. La perspective de reprendre le travail diminuait la puissance vibratoire de mon regard ou de ma pensée dictatoriale. En revanche, le vendredi mon carnet se remplissait rapidement. Et cela fonctionna aussi ce jour-là, le motard se retourna. Ravie de ma prouesse, je signai mon triomphe d’un sourire. Un sourire anima également ses yeux, toutefois, il ne s’attarda pas dans cet échange.

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