Gorgonie ou La Maison à béquilles
226 pages
Français

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Gorgonie ou La Maison à béquilles , livre ebook

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Description

1960. Un jeune géologue indépendant prospecte dans les montagnes des Corbières, dans le Sud de la France, afin d'y trouver des minerais intéressants pour de grandes industries. Il va y croiser l'amour. Sera-t-il le plus heureux ou le plus malheureux des hommes après cette rencontre romanesque ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 31 octobre 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332791863
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-79184-9

© Edilivre, 2014
Œuvre de Fiction Toute ressemblance à des événements ou des personnes existants ou ayant existé serait fortuite
Tous droits réservés
Copyright Géraud de MURAT
Du même auteur

Du même auteur :
– POÈMES INÉDITS DE CHANSONS
– NOUVELLES BRÈVES
Série Policière « Al Stabritt, Détective Privé » :
– LE RIRE DE LA PEUR
– LA MAIN DU DIABLE
– VIOLENCES FEUTRÉES
– INCENDIE AU GRANT HÔTEL
Romans :
– GORGONIE (ou LA MAISON À BÉQUILLES)
– LE BARON SAMPAIN (ou LES MONDANITÉS)
– POUSSE D'IVRAIE (ou UNE LEÇON DE VIE)
– DERNIER DE LIGNÉE (ou NOBLESSE OBLIGE)
Gorgonie ou La Maison à béquilles
 
– Tu sais, Brignon, j’ai vu encore de la lumière c’te nuit, là-bas, dans la maison à béquilles…
Elle avait dit cela sur le ton de l’information banale. Comme si elle venait de la lire dans son journal. Puis, la main protégée par un torchon frangé d’une couleur douteuse, elle penchait avec peine son corps énorme vers l’âtre pour en retirer, du trépied escaladant la braise grésillante, la cafetière fumante et noircie qu’elle déposait sur la table. Lui, assis, prenait le temps de remplir son bol et relevait la tête :
– Ça fait longtemps, la Laure, qu’j’te dis de pas t’occuper des autres…
La Laure ! Cet article, intentionnellement placé devant le nom ou le prénom de la personne à laquelle on s’adressait, avait de multiples significations que la seule subtilité ne permettait pas toujours de comprendre. Il pouvait être aussi bien péjoratif que souligner l’admiration, sanctionner l’amitié ou l’affection, situer les degrés de l’indifférence ou ceux du mépris.
– Ben quoi ! J’m’en occupe pas… des autres ! Quand j’ai froid, la nuit, et que j’me lève pour attiser le feu… j’peux pas manquer d’la voir, la lumière… j’peux tout d’même pas fermer les yeux !
– Si, justement ! T’as qu’à les fermer tes yeux… Et, pendant que tu y es, tu peux aussi fermer ta bouche.
– Dis-donc… t’avais bien parlé de la Gorgonie, toi aussi, quand on a retrouvé l’Anselme tout disloqué, la tête ouverte, au pied du Pic de l’Est ? T’as même laissé entendre que…
– J’ai rien laissé entendre !
– Et alors… Qui est-ce qu’a dit que l’Anselme s’était peut-être suicidé parce que la Gorgonie l’aurait pas voulu ?…
– Ça, c’était pour donner une explication… De toutes façons, c’est pas des choses à s’occuper, t’entends ? Laisse la Gorgonie tranquille… Les affaires de fesses, t’as pas à fourrer ton nez dedans.
– T’as bien parlé, Brignon… Si elle a envie d’un homme, c’est pas chez moi qu’elle viendra le chercher… pour sûr !
Après trente années de mariage, elle continuait à oublier son prénom pour n’utiliser que son patronyme. C’était une habitude coutumière qui imposait à la femme ce témoignage de respect admiratif pour le maître qui l’avait choisie. Mais cette concession aux usages ne l’empêchait point de faire, depuis vingt-neuf ans, les mêmes allusions blessantes au désintéressement de son mari pour les plaisirs de la chair.
D’un revers de main, il essuyait machinalement le café brunissant sa moustache. Préférant sa modeste tranquillité à toute polémique, il laissait toujours à la Laure le dernier mot de ces conversations dont, quel qu’en fût le sujet, l’esprit agressif marquait leur contact quotidien.
Pourquoi lui faire du mal en lui rappelant qu’il l’avait épousée pour sa grâce ? Pourquoi lui expliquer que son désir avait disparu dès que s’était manifestée la monstrueuse difformité qui avait suivi la naissance de leur fils ?
N’aurait-elle pas pu comprendre que ses jambes d’éléphant interdisaient les jeux de l’amour et s’apercevoir que son obésité envahissante l’avait bien vite chassé du lit conjugal pour le contraindre à dormir sur un grabat provisoire devenu définitif depuis près d’un tiers de siècle ?
À quoi bon, dans une révolte orgueilleuse, l’informer qu’il était toujours un homme et se le prouvait en s’offrant une jeunesse rétribuée chaque fois qu’il se rendait à Flavirac, la sous-préfecture ?
Ponctuant d’un hochement de tête l’inutilité de ses réflexions, il se levait et boutonnait son ample vareuse de velours en la secouant pour en faire tomber les miettes. Puis, enfonçant solidement sa casquette, il s’engageait dans la bourrasque matinale en s’arc-boutant pour refermer la porte qu’une puissante rafale menaçait de faire sortir de ses gonds fatigués.
En une sorte de rage, le vent soufflait violemment sur la contrée mystérieuse et grandiose. Porteur d’épouvante, grondant entre les monts, il semblait vouloir purifier la vallée et en chasser les hommes. S’il apaisait parfois son courroux, à l’approche de la pluie, c’était pour, redoublant de force, la précipiter, piquante et glacée, sur tout ce qu’il semblait souhaiter détruire.
– Sale temps d’chien !
Brignon avait prononcé avec force la phrase de tous les jours. Aimant cette terre pauvre où il avait passé sa vie, il ne songeait nullement à s’insurger et ces mots soulignés par un certain reproche n’étaient, en vérité, destinés qu’à chasser les pensées désagréables. D’ailleurs, comme un calmant à une colère étrangère au sujet, il ajoutait :
– Heureusement, bientôt l’été…
Mains dans les poches, courbé pour mieux affronter les éléments, il se dirigeait vers la gauche, traversait la route, et, d’un pas assuré, commençait à gravir le raidillon étroit et caillouteux qui allait se perdre vers les hauteurs du Pic de l’Ouest.
Deux bonnes heures plus tard, il redescendait, bras ballants et ventre en avant, la pente dangereuse. Rentré chez lui, il libérait sa ceinture d’un premier lapin et en extrayait deux autres des larges manches de sa veste de braconnier.
Allons… ! Repas compris, il pouvait encore augmenter la cassette lui permettant de passer la journée à Flavirac à l’occasion du marché.
* * *
C’est à la fin du printemps que, bien conseillé et dûment informé de la rudesse du climat de la région, François Ranson avait décidé d’y séjourner. Poussé par un vent doux mais continu, il était parvenu à Buzerques par la route des Gorges et ce trajet l’avait convaincu de l’excellence de son choix.
Jeune géologue désireux de se mettre à l’épreuve en travaillant seul, il n’aurait pu trouver meilleur champ de prospection que ce désert montagneux pour connaître sa mesure en se lançant sans contrainte dans l’étude pétrographique du lieu.
Lorsque la première maison du village lui apparût, il décida de s’y arrêter pour se renseigner. Posée de guingois avec un vieux toit plongeant recouvert de tuiles moussues maintenues par de lourdes pierres éparses, elle ressemblait plutôt à un appentis venu s’accrocher hâtivement à la demeure suivante pour mieux lutter contre le vent.
C’était celle de cet étrange personnage qu’il devait très vite appeler le père Brignon.
– Pour vous loger dans le pays ? Ben, vous savez… ya ben longtemps qu’y a plus d’hôtel ! A quoi qu’ça servirait ?
Dès son premier contact, François Ranson éprouvait une déception puisque son plan, soigneusement établi, exigeait en bonne logique qu’il vécût sur place. Pourtant, bien que préoccupé par la perte de temps qu’allait fatalement lui imposer cet inconvénient, il n’en continuait pas moins d’expliquer pourquoi il avait conçu le projet d’explorer ces montagnes.
Bientôt, il avait la satisfaction de constater que l’homme prenait un évident plaisir à son intérêt pour la nature chaotique qu’il aimait. Jusqu’à l’instant où l’effacement de son sourire coïncidait avec l’apparition, se profilant de travers par l’unique porte qu’elle ne pouvait sans doute franchir d’autre manière, d’une énorme bonne femme qui s’écriait :
– Alors ?… C’est-y qu’tu me le coupes, mon bois ?
Dédaigneux, il entraînait l’étranger à quelques pas, jusqu’au bout du chemin :
– Faites pas attention. C’est ma femme, la Laure. Elle est jalouse même quand je parle avec un homme !… Écoutez, Monsieur, pour votre affaire, voyez donc du côté du Maire… il est aussi le Directeur de l’École… c’est un enfant du pays qui n’a pas voulu s’en aller…
Ici, il connaît tout et il a une grande maison.
Puis, avec un clin d’œil complice :
– Moi aussi, je connais tout, ici… surtout ce qui vous intéresse… Si vous avez besoin de moi…
Le Maire, quarante ans bien marqués, grand et sec, serviable et sympathique, devait faire à Buzerques figure d’intellectuel. Et il l’était.
– Monsieur Ranson, je vous remercie… Tout d’abord d’avoir choisi mon village et, ensuite, de vous êtes adressé à moi.
– Monsieur Brignon me l’a conseillé…
– Ah ! Vous connaissez le père Brignon ?
– Depuis cinq minutes…
Trahissant une joie saine, le rire sonnait clair :
– Oui, je vois… c’est un phénomène, vous savez ?… Écoutez…
Et il écoutait : il se nommait Julien Grudet, était Maire de Buzerques parce qu’il avait voulu succéder à son père, mort prématurément, pour continuer son œuvre. Son œuvre ?… Arrêter par tous les moyens possibles l’émigration qui faisait peu à peu mourir le village…
– Car ce n’est plus qu’un village !… À peine trois cents âmes alors que voici vingt ans, il comptait quinze cents habitants… une petite ville… ! Le progrès a littéralement avalé la jeunesse pour la diriger vers les grands centres. Puis, ceux que l’on appelait les anciens, les plus tenaces, se sont à leur tour découragés. Ils sont partis lorsque la carrière de pierres n’a plus été exploitée… Ici, la terre est pauvre et le temps n’est beau que durant une partie de l’été…
Malheureusement, il le reconnaissait d’une voix posée dont le fort accent du terroir ajoutait à l’amicale sincérité, ses possibilités étaient réduites. N’ayant pas de fortune et ne pouvant espérer l’augmentation d’un budget municipal dérisoire, il ne devait compter que sur lui-même.
Ses moye

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