Il y a des silences
295 pages
Français

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Il y a des silences , livre ebook

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Description

Vík y Mírdal, au sud de l’Islande. Nína, presque dix ans, y vit entourée de sa famille de musiciens et des mélodies de Nina Simone, jusqu’au jour où son père décède sous ses yeux.


Sous le choc, Nína ne prononce plus aucun mot. Dès lors, un combat contre son mutisme s’engage, les instruments se taisent, les rancœurs entre sa mère et son oncle explosent et leurs désirs tus tendent à rendre la situation inextricable.


Les tensions entre les adultes s’apaiseront-elles ? Nína parviendra-t-elle à recouvrer la parole ? Jusqu’où pouvons-nous aller lorsque l’impuissance nous ronge ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 avril 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782493499622
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marina Carrieu
 

 
 
 
 
 
 
Crédits
 
Tous droits réservés
 
Couverture et mise en page réalisées par
©Elodie Belfanti-G / ©EBG créations
Correction et relecture par @Naïs Piet / @Anais correction
 
 
Édité par : Évasion Éditions
ISBN : 978-2-493499-62-2
©Évasion Éditions
 
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
 
Avertissement
 
 
Cette œuvre peut comporter des scènes violentes, érotiques avec un langage cru, incluant des agressions sexuelles et/ou physiques, susceptibles de choquer. Elle vise un public averti et ne convient pas aux mineurs.
L’auteure décline toute responsabilité dans le cas où cette histoire serait lue par un public trop jeune.
Conservez vos livres hors de portée des jeunes lecteurs.
 
Prologue
 
 
Il y a des silences. Toutes sortes de silences.
Notion d’ailleurs complexe le silence, car il avance tout en paradoxe.
S’étendre à son sujet le brise en mille morceaux et le condamne tout à coup à une vie éparpillée. Une omniprésence certes, mais si invisible ! Devenu ainsi minuscule, il se contente de hacher, couper et ponctuer.
Mais sitôt les mots tus, volontairement ou non, il s’épanouit, s’enfle, s’étire à l’infini et change la donne. Il ménage le suspens ou valorise certains phonèmes. Il masque aussi les pensées les plus intimes ou les dévoile. Il est tour à tour indispensable, insupportable, porteur de secrets, de désirs, de malaises. Il enveloppe, soulage, agace, éloigne, exprime ou dévore.
Convive attendu et inespéré au centre d’un univers sonore pénible, il nous attire dans l’exil, les grands espaces, le contact avec la nature, et in extremis, sauve nos têtes d’une implosion certaine. Nous inspirons, baissons les paupières, une sensation de bien-être absolu mérité nous envahit.
Quand survient le soir, il étend en toute simplicité ses ailes et assoit son pouvoir. La nuit est son royaume. Dans la pénombre des chambres en effet, il se substitue aux mots doux ou crus souvent bien inutiles, et brandit les émotions les plus intenses au bout de ses bras. Il inonde l’espace, suspend le temps à la fièvre, exalte les caresses. Complice des désirs soudains, il rougit et ferme les yeux pour le meilleur.
Pourtant, à la longue, sa présence est capable d’appesantir les épaules de ceux qui n’osent dire. Les timides, les discrets ou les affabulateurs s’enlisent, les pieds embourbés, croulant sous son poids. La vérité et les émotions s’oublient, rejettent les protagonistes, sans nul doute les écartent, et les gardent à distance parfois pour toujours.
Enfin plus grave, partenaire imposé et intolérable, il assaille de questions et d’angoisses ceux qui en sont les témoins. Il endolorit et pétrifie leur vie, leurs espoirs ou leurs projets. Sa déchirure tarde dans l’impuissance, terrible et dévorante. Le silence révèle dès lors les travers, précipite les situations précaires et aliène les esprits fragiles.
Ici, en Islande, il y a le silence de la nature qui ressource, vital, indispensable et offert à qui veut l’embrasser.
Ici, à Vík í Mírdal, village à la pointe méridionale de l’île, il y a celui du désir enfoui, de la passion et du gâchis.
Ici, dans cette famille, celui des non-dits, celui indomptable du traumatisme, celui qu’il faut combattre coûte que coûte.
Chapitre 1
 
 
Vík y Mírdal, village niché en contrebas d’une colline verdoyante, se réveillait peu à peu de sa longue nuit. Sous l’œil attentif de Reyniskirkja, son église blanche au toit rouge le surplombant, de minuscules touches de lumière timide palpitaient en effet comme autant de lucioles brillent dans la pénombre d’un crépuscule d’été.
Mais le silence épais qui régnait jusqu’à présent entre les maisons s’évapora lorsque les foulées hâtives et déterminées de Nína, Oskar et Niels battirent le bitume et résonnèrent contre les façades.
— Tu me ramèneras un bébé oiseau ? réclama la fillette de presque dix ans, en courant derrière son oncle et son père.
Encore un virage à droite, une pente légère à suivre, et au bout de la rue ses pas frottèrent le sable noir de la plage longeant le village. Elle marqua une pause, renonça à obtenir une réponse, saisit les mains des deux hommes s’offrant pour la soutenir, et regarda au loin. La ligne pure d’horizon se dévoila sous ses yeux, irisée comme un fil de soie humide de rosée.
L’objectif de la journée se découpa au fin fond de la baie : la majestueuse falaise de Reynisfjall. Rideau de basalte aussi sombre qu’inspirant, elle s’achevait en points de suspension avec mystère et panache grâce aux fameux Reynisdrangar, trio de pics rocheux improbables, forgés sous les à-coups répétés des vagues et des vents.
Oskar crispa la mâchoire et accéléra. Nína reprit sa course, entraînée. Niels, lui, soupira en maintenant la cadence imposée. Ce long lacet noir et brillant arpenté en cette première matinée de mars ne lui concéda ni le silence escompté ni la discussion réclamée. Et pour cause ! Son frère fuyait son regard. Mouettes, macareux moines et autres sternes envahissaient déjà le ciel par centaines, en confettis éparpillés et assourdissants ! Plusieurs touristes insomniaques photographiant leur vol gracieux y ajoutèrent même leurs flashs vifs et énervants ! Déçu, il secoua la tête.
À mi-parcours, le soleil printanier se profila à l’horizon en toute quiétude, mais le vent violent qui couvait déborda en une rafale surprenante, charriant l’écume et chahutant le corps de la fillette. Elle s’agrippa à leur main et hurla de rire ! Mais personne ne lui répondit. Bien trop parasités par l’incident qui sonnerait, en fin de journée, le glas de leur relation, ils ne se concentrèrent que sur le futur réveil de la nature comme échéance à respecter. Dans quelques heures, adviendrait l’instant où le sauvage exigerait de disposer à nouveau de son pouvoir. Sommé de se coucher, le soleil déclinerait derrière la roche libérant ainsi la nuit lardée d’aurores boréales. Magnifiques. Vertes, blanches, vaporeuses, mouvantes et hypnotisant les yeux écarquillés des badauds. Mais détournant l’attention de la terrible réalité. Loin du ciel, plus terre à terre, le basalte de la falaise s’envelopperait seconde après seconde d’une pénombre brumeuse. À sa base, le vent déchaînerait sa puissance et contraindrait la mer à se former en vagues monstrueuses et affamées, grignotant davantage la côte. La dangerosité détrônerait le merveilleux. Les eaux bouillonnantes, les roches friables, les courants aspirants recouvriraient la féerie de frayeur et reprendraient leur droit de gré ou de force.
Le ciel s’assombrit et une pluie fine s’invita. Nína remua, lâcha la main de son oncle pour essuyer ses joues et faillit s’envoler en un cri aigu sous une seconde rafale. Oskar resserra son étreinte et s’immobilisa, inquiet. Mais devant le minois hilare de la fillette, il y renonça. Libérée, elle lissa ses mèches de cheveux rebelles, défroissa sa robe rose et s’assit sur le sable humide afin d’ôter ses chaussures. Puis en un bond habile, elle se redressa, les tendit à son père et, les orteils enfoncés en pieux immuables, afficha son sourire fier.
— Papa, on lance des galets ? Elle en saisit un de taille moyenne. Tonton, tu viens ?
Ce dernier cessa d’avancer à son tour et ne put lui répondre.
— Non. Tonton n’a pas envie de jouer, coupa Oskar.
Niels s’éloigna d’eux tandis que leurs ricochets se noyaient dans les vaguelettes désordonnées et leurs rires. Il enfouit ses mains dans ses poches, fixa le lointain et se raidit, minuscule et fragile. Ses épaules se haussèrent et sa tête se détourna vers l’église se dessinant sur la colline. Il s’extasia devant les couleurs incroyables de ce tableau. Chaque détail fut mémorisé : bientôt il devrait tout quitter.
Les rires cessèrent derrière lui : le sable crissait à nouveau. Ce jour ouvrait la saison de la cueillette et signifiait escalader la falaise obstruant le bout de la baie. Pas une seconde à perdre ! Ce haut mur de roche paraissant si simple à gravir, parfois même en marches d’escalier régulières, recelait un trésor culinaire inestimable à qui savait éviter le basalte érodé et glissant. Chaque année, les œufs de macareux moines se prélevaient et s’offraient à la fillette qui les attendait sur la grève en chantant ses mélodies favorites. À chaque retour, elle les applaudissait en espérant qu’ils aient surpris un oisillon. Mais déçue par leur réponse sans cesse négative, elle se résignait à ne compter que les petites sphères tachetées et à les ranger vite dans son panier. Tous les trois riaient un temps ensemble, en une pause méritée procurant l’opportunité d’échanger haut et fort sur les différents oiseaux, les traditions des îles Westman réputées pour leur chasse aux palmipèdes et les légendes islandaises. Ils pique-niquaient ensuite d’un sandwich au fromage et de chips de poisson. Avant qu’ils ne rentrent, la guitare de Niels accompagnait avec finesse la voix enfantine de Nína. Enfin, dans la cuisine du foyer, les coquilles bleutées aussitôt brisées par Elín, sa mère, s’émiettaient entre ses doigts fins, et leurs contenus cuisaient en crépitations alléchantes.
L’écume glacée chatouilla ses petits pieds nus. Son cri soudain arracha les deux hommes à leurs songes. Depuis la veille au soir, leur esprit divaguait, et loin de s’amuser dans le présent ou de prévoir le trajet le plus sûr pour escalader sans risque la falaise, ils ressassaient leur colère.
Nína se jeta dans les bras de son père, et Niels les rattrapa, en quatre ou cinq foulées.
Ce soir, rien n’enthousiasmerait leurs visages.
Pas de discussions vives sur le concert à venir ni d’échanges endia

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