Je vous attendrai sur la place Castellane
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Description

« Antoine n'avait qu'une envie, que cette première rencontre soit suivie de beaucoup d'autres. Aussi, il prit son courage à deux mains et demanda : “Je pourrai peut-être vous revoir ?” Elle prononça un “Oui, si vous voulez !” avec clarté et sans timidité, peut-être même heureuse que cela soit ainsi. Il lui donna aussitôt rendez-vous pour le lendemain, lundi de Pentecôte, sur la place Castellane, tout en lui expliquant où se trouvait cette dernière. Elle la voyait bien, y étant passée en voiture avec son père pour aller à Taulignan rendre visite à des amis. » Autres temps, autres amours... Et à la fin des années cinquante, les couples balbutiants se faisaient plus réservés et discrets, plus humbles et patients... Pour autant, ceci n'empêche pas que, pour s'imposer, toute relation a ses difficultés à surmonter. Et pour Antoine et Aurélie, ces épreuves seront celles de la différence sociale, de l'éloignement, de la jalousie, dans lesquelles les accompagne avec tendresse et bienveillance G. Dessemond avec ce roman empreint d'une douce nostalgie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 août 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342010008
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Je vous attendrai sur la place Castellane
Georges Dessemond
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Je vous attendrai sur la place Castellane
 
 
 
À Éric et Christian et leur Nathalie.
 
 
 
 
 
 
 
À Grignan, selon une tradition remontant au Moyen Âge, on danse le dimanche de Pentecôte sur la place du mail. La municipalité avait bien fait les choses en cette année 1956 en s’offrant la prestation d’un « grand orchestre » qu’il ne nous est plus donné de voir, aujourd’hui, qu’à la télévision.
La question du choix de la piste s’était posée aux édiles grignanais : on danserait sur la clapicette des jeux de boules ou l’on ferait installer un plancher flottant par une entreprise spécialisée ?
À l’unanimité, il fut décidé que les afficionados évolueraient sur la clapicette recouvrant les aires de jeux ; la deuxième solution, idéale, bien sûr, dépassant de beaucoup le budget alloué à cette fête ne fut pas retenue ; les amateurs de paso doble, valse ou tango feraient avec.
 
À 17 ans, Antoine n’était qu’un danseur débutant ; Cécile et Julia, ses plus proches voisines, lui avaient enseigné les premiers rudiments du tango ainsi que de la valse à trois temps et de la marche, entre autres.
Ils étaient plusieurs à avoir profité de ces cours dispensés à l’aide d’un gramophone, ancêtre du tourne-disque avec son magnifique pavillon (objet rare que l’on ne trouve plus, de nos jours, que dans les brocantes !) et sa réserve de disques vinyle 78 tours.
L’orchestre jouait depuis un long moment lorsque Antoine arriva au mail, en milieu d’après-midi où il retrouva quelques copains, tous aussi petits danseurs que lui ou même incapables d’exécuter un seul pas.
Après avoir bavardé et plaisanté avec eux, il comprit qu’ils n’étaient pas très chauds pour s’aventurer dans la spirale de l’invitation avec le risque que cela comporte d’essuyer plusieurs refus jusqu’à ce qu’une jeune fille accepte enfin de danser avec vous.
Le mail, à Grignan, est une longue promenade avec, à l’origine, un très beau lavoir du XVIII e  siècle à quatorze colonnes ; elle est bordée, à droite par des maisons de standing, la plupart ouvertes que pour les vacances, abritées du fort soleil, l’été, par un alignement central de vieux platanes énormes plantés au temps de Madame de Sévigné, belle-mère du comte de Grignan, François Adhémar de Monteil.
À gauche, les jeux de boules ont remplacé le jeu du mail pratiqué au XVII e  siècle ; avec le développement fabuleux de l’automobile, cette place est vite devenue un vaste parking très utilisé en haute saison.
Antoine devait donc se décider puisqu’il était le seul courageux de la bande. Il promena son regard circulairement sur le bal qui tournait maintenant à plein régime, cherchant une cavalière qui, éventuellement, répondrait « oui » à son invitation, ce qui n’est pas toujours gagné pour un béjaune de dix-sept ans. « Qu’il fallait donc avoir du courage ! »
Un peu à l’écart, derrière un gros banc de pierre placé là pour le confort des boulistes, parallélépipède récupéré dans des ruines de fortification, il aperçut un petit groupe qui attira tout de suite son attention : un garçon d’une quinzaine d’années, une fille un peu plus âgée et une troisième jeune fille, probablement la sœur aînée de la fratrie, car c’était incontestablement la même famille : elle, plutôt grande, mince, bien faite de sa personne, très jolie, vêtue d’un ensemble corsage blanc, jupe plissée bleu marine, aux pieds des socquettes blanches dans des chaussures noires aux talons plats (il apprit un peu plus tard que c’était l’uniforme de l’institution religieuse Chabrillan à Montélimar.)
Mettez-vous à sa place, lui qui n’était pas beaucoup sorti du périmètre Montélimar/Valréas, approcher ainsi un être extraordinaire, qui sort de l’ordinaire au sens strict du terme, sur une place d’un village, peu connu à l’époque, un dimanche après-midi !
Il était subjugué, il ne voyait qu’elle… C’est ce qui s’appelle « le coup de foudre ». Il fallait à tout prix aller l’inviter, ce qu’il fit sur-le-champ, sans trac invalidant, ce qui le surprit d’ailleurs.
Il s’approcha timidement du groupe et lança à la belle inconnue : « voulez-vous danser, mademoiselle ? »
Tout étonnée que l’on s’intéressât à sa personne, elle s’avança vers lui et répondit : « oui (un oui très clair qui résonne encore dans sa tête), je veux bien mais le problème, c’est que je ne sais pas danser. ».
Le plus dur était fait, même si elle devait un peu lui marcher sur les pieds.
Depuis ce jour mémorable de mai 1956, on peut dire, à part quelques mois de séparation, que ces deux êtres ne se sont plus jamais quittés. Ils s’installèrent sur la piste, face à face, en attendant que les musiciens reprennent après une courte pause, et c’est là qu’il découvrit des yeux magnifiques d’un bleu intense se rapprochant du bleu de la mer en été ! Plus tard, il lui disait souvent : « je n’ai pas besoin d’aller voir la mer, je n’ai qu’à te regarder dans les yeux. »
L’orchestre entama une marche, l’ancêtre du paso doble, danse facile sans pas très élaborés, à la portée du premier venu… il avait de la chance ! Il prit sa cavalière dans les bras, tout intimidé, elle également (car elle n’avait jamais approché un garçon d’aussi près durant ses dix-neuf ans d’existence). Il sut son âge peu après.
Donc ils s’élancèrent sur la piste poussiéreuse et ça se passa bien, il faut dire que sa partenaire y mettait de la bonne volonté en suivant ses conseils avec un sérieux !
Tout en dansant, ils bavardaient bien sûr, disons qu’ils faisaient connaissance. Il sut qu’elle s’appelait Aurélie Chevalier et qu’elle habitait à Grignan depuis peu car son père venait d’être nommé percepteur dans le courant de l’hiver. Elle était en classe de philo dans une institution religieuse (d’où la tenue bleu marine qui attirait l’œil). Il eut un peu de mal à dire qu’il n’était qu’en première, orgueil mal placé, mais elle parut satisfaite. Elle avoua avoir dix-neuf ans ; tiens, un point de plus : son aînée de deux ans ! Elle lui parla de son jeune frère, Louis, en classe de troisième et de sa sœur cadette Laure, lycéenne également. Elle racontait tout cela d’une voix agréable et de temps en temps prononçait un : « excusez-moi » ou « pardon » lorsque ses pieds ne suivaient pas la musique.
Avec son bras droit, Antoine entourait sa taille très fine, juste au creux des reins, légèrement au-dessus des fesses qui paraissaient bien rebondies sous la jupe plissée ; c’est là qu’il découvrit, plus tard, deux jolies fossettes, marque de fabrique de la famille !
Mais revenons à ce qui le préoccupait au premier chef : un tango interprété par l’accordéoniste du groupe. Il faut imaginer qu’ils étaient loin du « vite, vite, lent » le B.A.BA du débutant, cela ne le dérangeait pas, il était sur un nuage…
Mais comme tout a une fin, la belle inconnue (qui ne l’était plus tout à fait) annonça qu’ils devaient rentrer, après lui avoir demandé l’heure : « dix-neuf heures déjà ! Mon Dieu, que le temps passe vite ! »
Antoine n’avait qu’une envie, que cette première rencontre soit suivie de beaucoup d’autres. Aussi, il prit son courage à deux mains et demanda :
« Je pourrai peut-être vous revoir ? » Elle prononça un « Oui, si vous voulez ! » avec clarté et sans timidité, peut-être même heureuse que cela soit ainsi. Il lui donna aussitôt rendez-vous pour le lendemain, lundi de Pentecôte, sur la place Castellane, tout en lui expliquant où se trouvait cette dernière. Elle la voyait bien, y étant passée en voiture avec son père pour aller à Taulignan afin de rendre visite à des amis.
Voilà, c’était l’heure de se séparer ; il la reconduisit jusqu’au banc de pierre, vers sa sœur et son frère qui, s’ennuyant un peu, étaient contents de partir. Elle lui fit un signe de la main, puis toute la famille disparut derrière le lavoir.
Immédiatement l’envie de danser et d’inviter une nouvelle partenaire s’estompa, il regagna la rue de Côte chaude dans un état d’esprit fort léger, il n’avait jamais été si heureux.
Sa mère, surprise de le voir arriver si tôt, lui demanda :
— La fête est déjà finie ?
— Non, mais ça commençait à se vider…
— Le repas est prêt. On peut passer à table.
 
Comme à son habitude, son père plaisanta sur ses cavalières de l’après-midi. Étaient-elles jolies ? Elles dansaient bien au moins ? (Lui-même était un grand valseur.)
Il ne répondit pas, muet comme une carpe, le nez dans son assiette ; il n’allait pas tout de même dévoiler son secret dès les premiers moments de son existence. Enfin ! Où avez-vous vu ça ?
Un secret est un secret…
 
Le lendemain, il se leva d’excellente humeur avec une seule idée en tête : le rendez-vous place Castellane avec Aurélie (il connaissait maintenant son prénom).
Il ne savait pas comment elle se débrouillerait pour venir, lui ayant avoué que son père était sévère et ne devait se douter de rien sur l’existence de cet important rendez-vous.
Vers 16 heures (il était en avance sous les platanes séculaires), il ne tarda pas à voir arriver le garçon et ses deux sœurs, l’aînée devant et paraissant plutôt pressée, ce qui était bon signe.
Il fit quelques pas dans sa direction, elle s’approcha de lui, souriante mais toujours cet air un peu gêné, elle devait être timide.
Plus de tenue bleu marine mais un haut bleu clair sur une jupe pied-de-poule mi-longue, laissant apercevoir de très jolies jambes !
Combien de fois, au cours de leurs longues années de mariage, l’a-t-il complimentée sur ses jambes ? Aux pieds, des ballerine

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