L AGOKWA, ou l être aux deux esprits
266 pages
Français

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L'AGOKWA, ou l'être aux deux esprits , livre ebook

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Description

► Auteure : Anne St-Denis


► Résumé : L’agokwa ou l’être aux deux esprits (personne transgenre se considérant comme un être bispirituel, homme et femme à la fois) raconte le parcours difficile et troublé d’Augustin de La Durantaye, jeune missionnaire débarqué en Nouvelle-France afin « d’évangéliser les sauvages. » Sa rencontre avec Uasheshkuan, une femme médecine de la nation innue, bouleversera totalement son identité sexuelle et ses croyances spirituelles les plus profondes. C’est le thème de l’arroseur arrosé, car celui qui voulait convertir sera converti. L’histoire se passe sous le règne du Roi Soleil, en pleine époque des premiers coureurs des bois français ayant sillonné l’Amérique.


► Nombre de mots : 88201


► Genre : Roman


► Public : LGBT et tout public


► Niveau d'érotisme : ★☆☆☆☆

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 janvier 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782925206040
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’ a gokwa
ou
L’être aux deux esprits
 
anne st-denis

Copyright © 2022
Tous droits réservés.
ISBN : 9782925206033
 
 
Dépôt légal
Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2022
 
 
 
DÉDICACE
 
 
À tous les hors-normes de ce monde, nos étoiles filantes .
 
Aux premières nations de la Terre qui ont été marginalisées et en particulier au merveilleux peuple innu.
TABLE DES MATIÈRES
 
DÉDICACE
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS
1 - LE CHANT DU CALUMET
2 - LE CHANT DE L'INNOCENCE
3 - LE CHANT DE L'INFLUENCE
4 - LE CHANT DE CONNAISSANCE
5 - LE CHANT DE LA TERREUR
6 - LE CHANT D'APAISEMENT
7 - LE CHANT DE LA TENTATION
8 - LE CHANT DE L'AMOUR
9 - LE CHANT DE VÉRITÉ
10 - LE CHANT TROMPEUR
11 - LE CHANT DE MORT
12 - LE CHANT DE L’EXIL
13 - LE CHANT DE LA FEMME FORTE
BIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
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REMERCIEMENTS
 
Mes sincères remerciements à
Louis-André Mireault pour l'orthographe, Jean-Marie Balard pour la révision historique et géographique, Sylvain Turner pour la révision complète et Sylvain Rivard pour ses précieux conseils d'auteur et ses encouragements. Merci également aux créatrices du site Innu-Aimun pour le dictionnaire en langue innue qui a été un outil précieux.
https://www.innu-aimun.ca/
 
Ce roman reste une fiction et n'engage en rien des personnes vivantes ou décédées.
 
Anne St-Denis
1 - LE CHANT DU CALUMET
Kakatshu observe la scène du haut des airs, au-dessus de la fourmilière humaine. Il vole de plus en plus bas, attiré par les odeurs appétissantes et les objets de métal, boucles de ceintures et autres, brillant au soleil.
 
L’air sent la viande grillée, le tabac, la fumée de sauge, le poisson séché, le cuir et une myriade d’effluves entremêlés. En contrepoint, un brouhaha formé de différents dialectes des représentants des Premières Nations venus pour l’occasion, rassemblés en ces lieux pour mettre un terme aux épuisants conflits mettant en danger la survie de tous les camps. Le soleil éclabousse les pierres douces et rondes, luisantes de chaleur. Le fleuve Saint-Laurent, le Chemin qui marche , comme le nomment les natifs, danse parmi ses vagues brillantes au soleil, en gros rouleaux d’écume, vivant au rythme de la respiration du monde.
Des campements ont été installés sur le sable à travers les hautes herbes chatouillant les mollets ; le temps du rassemblement de la Grande Paix, en ce mois d’août mille sept cent un.
 
Louis-Joseph Morel de La Durantaye avance à travers tout ce beau monde, à la recherche du campement des Montagnais, ou Innus. La grosse plume de son chapeau danse comme une drôle de chenille dans le vent et il a chaud dans sa veste, trop pleine de ses larges manches et de ses multiples boutons. Cette idée de porter du velours en plein été dans ce campement immense où tout le monde est à son aise lui paraît soudainement idiote. Il s’en veut plus que tout de sa perruque, qui le fait transpirer et lui pique le crâne. Il aurait dû venir tête nue et en chemise, comme tout le monde.
Autour de lui, on festoie, on fait de longs discours, on en profite pour faire du commerce, des jeux d’adresse, des cérémonies, des danses et des chants. Jamais on n’a vu Hochelaga si bien entourée. La population ayant plus que doublé, les Montréalistes, comme on les appelle, et leurs invités se mêlent dans une curiosité mutuelle.
Seuls les enfants de la nation des enfants jouent ensemble sans avoir besoin de comprendre la langue de leurs parents, car l’enfance est leur pays. Ils jouent comme le font les chiens de toute obédience, trop heureux d’attraper un reste d’os à gruger, peu importe d’où cela vient, car tous ceux qui mangent en lançant les restes sont leurs amis.
Non loin de là, Kondiaronk, le chef W endat, vient tout juste de terminer sa harangue dans une quinte de toux. On l’aide à s’asseoir. On allume le calumet et l’on prie à travers les volutes de fumée qui montent vers Manitou, le Créateur, le Grand Mystère.
La plume grouillante et dansante sur son promontoire de feutre croise des enfants jouant aux osselets. On prépare la soupe. À l’écart, un groupe d’hommes nus en sueur sortent à quatre pattes d’un meteshan en riant. Derrière la toile relevée, on aperçoit l’armature du sauna spirituel. Une femme sourit et salue de la main un drôle de corbeau qui semble voler assez bas. Une odeur forte frappe soudainement les narines du jeune homme, une attaque olfactive aigre, invisible.
Il reconnaît les chasseurs de la nation des P uants avec leurs guêtres faites de peaux de moufettes. Ce qu’il faut pour masquer l’odeur de l’homme. On mange, on boit, on se raconte des histoires drôles, on se fait des yeux doux, on éclate de rire dans la douceur et la bonne humeur de l’après-midi mollissant sous le soleil.
Enfin, l’homme au plumeau contourne un séchoir à poissons et se retrouve devant le campement des Montagnais. Au sol devant lui, l’ombre de Kakatshu plane. Devant ses yeux, un coureur des bois et un Innu se racontent des blagues.
—  Pardon, mon ami, connaissez-vous un ancien de ce campement qui pourrait me donner des nouvelles d’un missionnaire : un certain frère Augustin   ? C’était, il y a fort longtemps.
L’homme secoue sa pipe de plâtre sur le talon de sa botte et questionne son vis-à-vis montagnais dans sa langue.
—  Il dit d’aller voir la vieille femme, dans le fond là-bas. C’est celle qui brode.
—  Je vous remercie.
—   Il dit aussi que vous devriez enlever la grosse bête poilue de sur votre tête, avant qu’un aigle vous prenne pour son souper et s’en empare.
Les deux hommes éclatent de rire.
 
« En voilà au moins deux que je rendrai heureux aujourd’hui », se dit le quémandeur avec philosophie. Il sait bien que les Innus sont aussi appelés les Papinachois, le peuple rieur. Le genre à accueillir Jacques Cartier avec une histoire drôle à se taper sur les cuisses. Loin des images d’Épinal rigides et théâtrales où tout le monde a les mains jointes et les yeux levés vers le ciel.
Louis-Joseph s’avance et remarque que la vieille femme l’a déjà repéré. Elle le fixe de loin et semble l’attendre. Son maigre visage tout en longueur encadré de deux longues mèches roulées serrées de chaque côté lui semble familier. Son regard ne trahit aucune émotion. Elle dépose le fruit de son travail dans un panier et attend.
Le jeune homme se demande comment elle a fait pour créer un si bel ouvrage, ayant deux doigts en moins. La vieille tique. Elle regarde l’arrivant de guingois.
—  Vas-y. Je t’écoute.
—  Nukum , j’aimerais savoir si tu as connu dans l’ancien temps une Robe Noire qui vivait avec vous.
—  Qu’est-ce que tu lui veux   ?
—  C’est mon oncle. Un missionnaire. On ne l’a pas revu depuis des années.
 
La vieille se fige. Réfléchissant à ce qu’elle peut révéler ou non.
—  Le frère Augustin   ?
Louis-Joseph a un sursaut d’espoir.
—  Vous l’avez connu   ? Il vous a parlé   ? Est-il encore vivant   ?
—  Du calme, Ikuss .
Puis, devant le regard interrogateur de l’homme    :
—  Petit pou.
Elle soupire.
—  Ton vieux père t’a rien dit.
—  Vous l’avez connu   ?
—   Le capitaine de La Durantaye. J’en ai seulement entendu parler. Il en sait plus que moi sur ton oncle. Va le voir.
Un dépit et une frustration trop familière submergent le neveu.
Remarquant le pincement de ses narines et l’ombre noire derrière ses prunelles, la vieille ajoute :
—  Il est parti dans le monde des esprits   ?
Louis-Joseph ne dit mot. Ce silence en dit plus qu’un long discours.
—  Il ne veut rien te dire.
Elle soupire.
—  Faut tout faire ici.
Elle fait signe au jeune homme de la suivre. Se levant, elle emprunte un chemin sinueux à travers un barda d’objets apportés pour faire du troc et tout le nécessaire à la vie en campement. Tous deux aboutissent devant un petit wigwam recouvert d’écorce.
—  Entre, Ikuss. Je te mangerai pas. J’ai plus de dents.
Louis-Joseph et la vieille sont assis face à face dans un tout petit abri, le sol étant recouvert de branches de cèdre fraîches et odorantes, couchées dans le même sens, formant une courtepointe bien dessinée, presque vivante. Des herbes séchées pendent du plafond ; des tresses de foin d’odeur 1 dorées et luisantes, exhalant un parfum suave, légèrement sucré ; de beaux paniers tressés et brodés de piquants de porcs-épics colorés sont entassés dans un coin. Une douce fraîcheur semble respirer dans l’ombre du lieu. Tout est en ordre, agréable au regard, formant une harmonie de formes, de couleurs et d’odeurs semblant danser sur le même rythme, celui du chant de la terre. Louis-Joseph se sent étrangement bien, dans un confortable sentiment de sécurité, comme lorsqu’il était enfant.
Au loin, le son calmant d’un teueikan bat au même rythme que celui d’un cœur humain.
Le jeune homme brise le silence entre deux coups de tambour, presque à regret.
—  Il a disparu subitement, comme s’il n’avait jamais existé. On m’a dit qu’il était mort sur le poteau de torture, mais je ne le crois pas.
L’aînée le regarde intensément.
—  Tu l’aimais bien   ?
Louis-Joseph se sent fondre, en confiance devant cette étrange femme.
—  Comme mon grand frère. Je m’ennuie de lui.
Un voile passe dans le regard de celle-ci. Elle semble réprimer un imperceptible élan.
—  Bouge pas.
La vieille Innue se retourne et, tout en se raclant la gorge, fouillant dans ses affaires, elle en ressort avec quelque chose dans la main.
—  Je ne veux pas te faire de peine, mais j’ai vu sa carcasse toute brûlée, comme du vieux bois noir. Tu sais, il était sincère ton oncle. C’est juste qu’il voulait trop nous forcer à penser comme lui. Tiens, Ikuss, j’ai trouvé ça dans ses affaires. C’est pas bon. Ça porte malheur. Mais pas à toi, parce que ça vient de ton peuple.
Elle lui remet un crucifix en bois patiné par le temps, vibrant de l’énergie d’Augustin comme si l’emp

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