L Eau et le Feu
264 pages
Français

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Description

« Le train, en direction de Nîmes, démarrait enfin. Notre compartiment étant vide nous pûmes allonger nos jambes fatiguées par une longue course à travers la petite ville à Miramas. Eugénie, rassurée et apaisée se blottit tout contre moi. Un autre épisode de ma vie prenait fin sur ce petit train de Provence. Je songeais avec tristesse à ce brave curé de campagne qui se débattait sans cesse, dans sa petite église des courants d'air... »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342006285
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Eau et le Feu
Paul Tomei
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
L'Eau et le Feu
 
 
 
Je dédie cet ouvrage aux camarades de la V.D.L. et de la Source Perrier.
 
 
 
 
I
 
 
 
L’Eau et le Feu
Après une assez longue absence, je revins me baigner dans la douce tiédeur du Jardin de la Fontaine à Nîmes. Le printemps était bien présent ce matin-là dans ce site éternel où les fleurs avaient éclos par milliers. Un agréable zéphyr parfumé me précipita sur la rive d’un site ensorceleur. Les yeux grands ouverts, je contemplais avec extase le réveil de la nature. Obséder par ce parc où les bassins antiques frôlent avec harmonie et ravissement une luxuriante végétation, le poétique temple de Diane et les nombreuses statues de pierre, je me pris à rêvasser. Plongé dans une exquise torpeur, je n’avais pas remarqué la présence d’une jeune femme qui avec une certaine timidité tournoyait d’un pas léger et hésitant autour de mon banc de pierre. Elle me fixait par moments d’un regard assez évocateur comme si elle voulut par cette attitude m’interpeller. Elle hésitait cependant. Intrigué par cette présence insolite, je me décidais finalement à faire le premier pas. Je me levais et invitais cette douce demoiselle à prendre place à mes côtés. Dès ce moment-là sa timidité s’envola. Elle posa avec délicatesse un porte-documents sur ses genoux. Puis sans préambule elle se tourna vers moi. J’observais du coin de l’œil cette jeune fille sans comprendre. Que me veut-elle me disais-je, étourdi par son parfum à la violette. Soudain elle daigna me parler.
— Monsieur, je rôde dans ce jardin depuis de longues semaines à la recherche d’un jeune homme qui a eu la joie et la patience de côtoyer mon vieux grand-père. Il m’a décrit avec fidélité le personnage qui a recueilli avec amabilité les confidences sur sa vie. Vous devez bien vous reconnaître dans cette description, n’est-ce pas ?
— En effet, je me souviens très bien de ce vieux bonhomme qui paraissait bien seul dans la vie. À ce propos il m’avait dit n’avoir plus de famille, de ce fait je suis fort étonné de votre présence aujourd’hui.
— Mon grand-père perdait la tête par instants. Je l’ai soigné jusqu’au bout. J’ai recueilli ses dernières volontés. Il me parlait très souvent de vous en des termes élogieux. De ce fait j’ai voulu vous rencontrer pour juger sur pièce. Je suis agréablement surprise de votre gentillesse.
— Votre grand-père est-il encore en vie ?
— Non, hélas, il est décédé voilà tout juste un mois.
— Veuillez mademoiselle accepter mes sincères condoléances. Votre grand-père était un personnage haut en couleur et d’une douceur infinie. Je vais sans aucun doute regretter son absence. Je me préparais avec joie à le rencontrer ce matin.
— Il est venu presque chaque jour rôder dans ce jardin à votre recherche, mais en vain. Le désappointement pouvait alors se lire dans ses yeux.
 
Il était franchement déçu quand il rentrait à la maison la tête basse et l’esprit ailleurs. Il avait hâte de vous raconter d’autres épisodes de sa longue vie.
Il avait une totale confiance en vous. Bien souvent il me disait avec tristesse : J’aurais dû avoir un petit-fils qui lui ressemble, il est généreux, affable et d’un caractère enjoué. Il sait écouter les vieilles personnes, et son humeur n’a d’égale que sa gentillesse.
La veille de mourir, il m’a remis ces feuillets en me précisant de vous les remettre en mains propres selon sa propre expression. Voilà, je me prénomme Héloïse, j’habite non loin du Jardin de la Fontaine, voici mon adresse. J’aimerais bien si vous le souhaitez vous revoir en souvenir de mon grand-père.
— J’habite moi-même tout près de la sublime Place d’Assas. Mes parents m’ont prénommé Laurent. Je suis certain de vous revoir bientôt.
Après un long soupir, Héloïse me quitta non sans peine, elle se retourna souvent. Je caressais du regard sa démarche souple et ondulante, à la manière d’une vaguelette atteignant un rivage sablonneux. Son regard bleuté scintillait sous les rayons du soleil printanier. Elle disparut presque aussitôt derrière un vieil immeuble aux façades grisâtres en bordure de ce canal mythique peuplé de Cygnes blanc. Cette jeune fille paraît ne montrer aucun intérêt, pour les documents laissés par son grand-père, me disais-je.
 
De retour dans mon appartement, j’ouvris ce vieux classeur avec une certaine fébrilité. Des feuillets jaunis par le temps surgirent comme expulsés par une main invisible pressée de divulguer son contenu.
Par la suite, je revins m’asseoir sur ce vieux banc de pierre. La douce Héloïse fut souvent à mes côtés. Elle ne manquait jamais un rendez-vous que son cœur lui dictait. Au fil des jours, je percevais dans ses yeux, ses gestes et ses phrases d’une douceur infinies un amour naissant. Un pur et noble sentiment qui baignait alors nos deux êtres ne pouvait qu’engendrer une union spirituelle. Ce somptueux jardin fut le théâtre d’une aventure amoureuse hors du commun des mortels.
Le fantôme du vieux bonhomme avait réussi son pari, rapprocher deux âmes sensibles à l’évocation de ses souvenirs. Il ne fut jamais très loin de nous. Par moments, je percevais avec angoisse sa présence voire même le son de sa voix qui me paraissait tantôt lointaine, tantôt si proche.
Héloïse, radieuse posa sa tête sur mon épaule, ses yeux merveilleusement beaux scrutaient le moindre mouvement de mes lèvres.
À ce moment-là, je ne pouvais que me lancer dans un récit tourmenté, relatant avec précision une face cachée de la vie de son grand-père. Ce fut pour elle une sensation nouvelle, une révélation en quelque sorte car elle ignorait les passages importants de la vie de ses grands-parents.
L’histoire du vieux bonhomme
Ce matin-là à l’ombre du feuillage d’un grand chêne majestueux, je repris le cours de l’histoire de ce vieillard sur l’invitation pressante de la tendre Héloïse.
Voici son odyssée…
 
« Alors que je déambulais du côté de la petite gare de mon village, une affiche apposée sur un grand panneau publicitaire attira mon attention.
La compagnie de chemins de fer enrôlait des agents d’exploitations dans les gares de triages de toutes les régions. Je me disais alors Pourquoi Pas moi. Je devrais tenter ma chance du côté de la fonction publique. Je n’avais pas encore trouvé de logement décent dans ce village, et cette situation me rongeait. Ma décision de partir devenait donc presque inéluctable, du moins, le croyais-je à l’époque. Je fis aussitôt ma demande auprès du chef de gare local, et un beau matin, je fus convié aux bureaux de la compagnie à Nîmes pour y passer un petit texte de culture générale. Il n’y avait pas de quoi s’angoisser outre mesure. La compagnie évaluait tout simplement le niveau de ses futurs agents. Un mois plus tard, je reçus mon sésame pour rejoindre au plus tôt Miramas. J’aurais pu ce jour-là être contraint de me déplacer dans le Nord où bien dans l’est de la France comme la plupart de mes camarades de promotion. J’avais eu beaucoup de chance de me retrouver en Provence. À la suite de cette convocation, je donnais ma démission à la briqueterie du village. Je m’octroyais par là même une année que l’on pourrait nommer de sabbatique, et retrouver son emploi au bout de ce délai était chose possible, à l’époque bien sûr !
La direction m’accorda cette option, en regrettant toutefois mon départ. Pendant ce temps-là, Eugénie s’inquiétait. Je regrettais de ne pouvoir l’emmener avec moi. Je devais être logé seul, ou selon la disponibilité des locaux avec un autre cheminot dans une petite chambre de célibataire. Un ancien cheminot de passage à Miramas, me relata avec dégoût sa première nuit dans cette auberge pour les travailleurs du Rail.
« Mon pauvre ami, tu ne sais pas encore où tu vas atterrir ! C’est pire que dans un hall de gare ! Un va-et-vient continuel, aussi bien le jour que la nuit. Les portes qui claquent, les volets qui grincent, le bruit incongru de gros godillots cloutés qui martèlent sans retenue le pavé. Des rires, des éclats de voix, des disputes, voire parfois des coups de poing. À n’en pas douter, certains se croient sur un champ de foire. Ils n’ont aucune déférence pour leurs camarades qui s’octroient un instant de repos après une longue nuit de labeur. »
Il ajouta même que cette ville était constamment balayée par le vent – Mistral oblige. Le tableau était dressé, et il n’était pas idéal, affriolant, gaie, ni même rassurant pour moi.
C’est ainsi qu’un beau matin, muni de ma petite valise, je me dirigeais silencieusement vers la gare afin de rejoindre mon poste à Miramas.
 
Chemin faisant, il me semblait que je repartais effectuer un nouveau service militaire. J’étais fort déprimé, avec un moral au ras des pâquerettes, mais j’évitais de le montrer.
À peine marier et déjà la séparation qui se profilait au bout du chemin. Eugénie n’était certes pas à la rue, mais j’eusse préféré l’avoir à mes côtés, dans ce vague périple vers l’inconnu. Je doutais maintenant de ma réussite dans cette compagnie de chemin de fer. Avais-je bien mesuré toutes les conséquences de ce départ, et les aléas d’un nouvel emploi dont je ne connaissais nullement la teneur ! Allais-je m’intégrer dans ce groupe impersonnel, vaste, anonyme et régie par des règlements semblables à une armée motorisée en marche ?
Je venais à peine d’être libéré de vingt-huit mois de servitude militaire en Algérie, avec le souci permanent de me faire un jour ou l’autre trouer la peau, par un indigène en rébellion. « Mort pour la France

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