La Jaunisse noire
86 pages
Français

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Description

2006, dans les Alpes de Haute-Provence. Une femme revient dans son village natal, décidée à faire la lumière sur le Père Fustier qui l’aurait guérie miraculeusement cinquante-quatre ans plus tôt avant de mourir. Un copain d’enfance qu’elle avait perdu de vue va lui raconter l’histoire du guérisseur et de son sacrifice... Chronique de la Provence des années cinquante, "La Jaunisse noire" témoigne d’une époque et de ses croyances au sein d’un pays réfractaire au progrès et au modernisme. S’inspirant d’un fait divers, Raymond Aldeguer nous livre sur fond d’évocation historique des tranches de vie authentiques, nourries de mystères et de secrets de famille.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 mai 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748373776
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Jaunisse noire
Raymond Aldeguer
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
La Jaunisse noire
 
 
 
 
Prologue
 
 
 
Un guérisseur traditionnel est un personnage qui, par héritage familial, a reçu une série de dons aux vertus thérapeutiques.
 
Désigné socialement par la société rurale, il est le plus souvent relativement âgé. Son activité se fait par la manipulation d’objets et l’accomplissement de rites particuliers. Durant ces séances, peu de paroles sont prononcées, signe que la croyance n’est pas remise en doute. La gratuité est une règle absolue et constitue une différence fondamentale avec les autres médecines dites « parallèles ».
 
Parmi ces médecines, il existe la technique Bowen, née en Australie au début des années cinquante, qui porte le nom du chimiste et guérisseur Tom Bowen et continue à être développée de nos jours. C’est par accident qu’en 1952, il découvrit la puissance de guérison de ses propres mains ! Mais Bowen ne révéla jamais comment il avait obtenu ses connaissances. Certains pensent que son savoir viendrait des Australiens aborigènes, d’autres de son ingéniosité ou de ses facultés intuitives. À ce jour, nul ne le sait car l’intéressé a gardé le silence sur cette partie de sa vie.
 
Il fut forcé de quitter son emploi et d’ouvrir une clinique, tant il était devenu populaire et tant la demande concernant ses talents était forte. En 1974, il traitait déjà plus de treize mille patients par an et ses clients revenaient rarement pour plus de deux séances. Depuis 1990, ses techniques sont enseignées au cours d’une formation qui compte environ cinquante heures de cours. La Bowen Academy forme depuis 1994 des instructeurs pour différents pays.
 
Plus près de nous, Dominique Camus est ethnologue et sociologue. Docteur ès sciences à l’École des hautes études en sciences sociales (l’EHESS), il étudie depuis de nombreuses années les croyances populaires et les pratiques magiques dans la France d’aujourd’hui. Ancien enseignant à l’université de Rennes, il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles sur ces sujets 1 .
 
D’après l’opinion publique, le guérisseur est l’homme de l’ultime recours, celui qui a un don et peut exercer plusieurs spécialités telles que : magnétiseur, rebouteux, radiesthésiste, exorciste… Existant depuis la nuit des temps, tantôt considéré comme un sorcier, un être exceptionnel, un voyant ou tout cela à la fois, le guérisseur est le plus souvent une personne susceptible d’aider tout être vivant à se délivrer d’un mal physique, psychique, émotionnel, énergétique ou spirituel.
 
Dans le sujet qui va suivre, vous serez plongés dans le savoir et les croyances des années cinquante : à cette époque, les Français et plus particulièrement les habitants des campagnes, étaient plutôt réfractaires au progrès et au modernisme. Les Basses Alpes (qui deviendront plus tard les Alpes-de-Haute-Provence) – comme bien d’autres régions françaises –, étaient encore sous-équipées en matière d’infrastructures sur la plus grande partie de son territoire et jusqu’à la frontière italienne. Le premier gros chantier lancé dans cette région fut le barrage de Serre-Ponçon, construit de 1955 à 1961 sur la Durance, entraînant la destruction du village de Savines. 2
 
L’histoire que vous allez lire est inspirée d’un fait divers qui eut lieu dans un village d’Afrique du Nord en 1952, mais qui aurait probablement pu se dérouler n’importe où en France ou en Europe à cette même époque, compte tenu des croyances et des pratiques ancestrales courantes qui avaient la vie dure malgré les progrès fulgurants de la médecine allopathique des dernières décennies.
 
De nos jours, il est encore bien des gens qui ont recours à la « médecine parallèle des guérisseurs ». Il n’est pas rare d’avoir entendu le témoignage de personnes ayant eu affaire à un guérisseur, soit sur recommandation d’un proche, d’une relation, d’une connaissance, ou par ouï-dire, lorsque la médecine traditionnelle n’a pas donné les résultats espérés.
« Placebo » – « Nocebo » : il est hors de propos ici de faire l’apologie ou le procès de ces médecines dites « parallèles ». La seule ambition de l’auteur est d’être le conteur d’une histoire qui témoigne d’une époque et de ses croyances et de décrire un moment de vie dans un petit village des Alpes de Haute-Provence, autrefois appelées Les Basses Alpes.
* * *
Une petite route de campagne des Alpes de Haute-Provence.
Il est à peine 11 heures et il fait déjà très chaud en cette fin de mois de juillet 2006.
 
Une superbe berline de luxe décapotable, gris métallisé, immatriculée en Suisse, s’immobilise près d’un champ de lavande qui borde la route.
La conductrice, élégante et très agile, descend du véhicule, enjambe un petit caniveau et s’approche d’un pied de lavande pour y cueillir quelques brins qu’elle porte à ses narines.
Elle ferme un instant les paupières, comme pour mieux s’imprégner des parfums de la fleur puis, d’un regard circulaire, prend la dimension du paysage. Le ciel d’un bleu azur immaculé et les montagnes environnantes couvertes de chênes et de sapins, offrent un magnifique écrin à cette mer de lavande ondulant sous la brise qui, de temps à autre, vient lui apporter un peu de fraîcheur parfumée.
Les senteurs, la lumière exceptionnelle et la chaleur du soleil sur sa peau, semblent lui procurer beaucoup de plaisir, tant son visage, qui encadre deux magnifiques yeux clairs, paraît radieux. Un foulard noué sur la tête cache à peine l’abondante chevelure brune de cette dame à l’allure très distinguée, d’une cinquantaine d’années environ.
Les cigales s’en donnent à cœur joie.
Elle regagne son véhicule et reprend la route jusqu’à un panneau lui indiquant la direction de Thoard.
De cette petite route départementale sinueuse qui grimpe vers le village fièrement juché sur son piton rocheux, on peut, par instants, en apercevoir les premières habitations 3 .
* * *
En 1962, lorsque la brigade de gendarmes et la dizaine de familles vivant à Thoard déménagèrent, la commune racheta le bâtiment pour créer la première maison de retraite de la vallée pouvant accueillir une centaine de pensionnaires. Malgré de nombreuses difficultés administratives et financières, cela fut possible grâce au préfet de l’époque qui accorda les autorisations nécessaires. Certains habitants du village ne virent pas d’un très bon œil cette nouveauté qui fit venir auprès d’eux des « étrangers », originaires d’autres régions ou simplement voisins de quelques kilomètres.
Pourtant ce genre d’initiative permit de sauver les derniers commerces existant : la boulangerie, la charcuterie, le bistrot et le tabac ainsi que deux acteurs importants de la vie du village : un médecin et un mécanicien qui, eux, choisirent de venir s’installer en même temps qu’un artiste peintre et un artisan faïencier. Les va-et-vient des familles des locataires de la maison de retraite redonnèrent également un nouveau souffle de vie au village.
 
Ainsi, depuis le 1 er  janvier 1965, cette maison de retraite, qui avait acquis une solide réputation régionale, ne cessa de prospérer et attire toujours beaucoup de monde au village.
Elle doit en partie sa notoriété à son climat exceptionnel dû à la situation géographique du site et à son altitude : l’hiver, assez rude, est toutefois sec et sain et si le thermomètre peut chuter très exceptionnellement jusqu’à -18 °C au plus dur de la saison, le froid est bien plus supportable que les 10 °C de la côte ou de certaines régions humides et ventées de la Durance.
L’été est des plus agréables, car même s’il arrive que les températures soient caniculaires dans la journée, les nuits sont fraîches et permettent de récupérer des fatigues du jour. Chaque soir, il y a une tradition fort appréciée des villageois et des habitants des campagnes environnantes : prendre le frais après le dîner. Chacun s’installe à l’extérieur de la maison « à la fraîche », comme on dit au pays.
Il n’est donc pas étonnant que cette région soit particulièrement prisée par toutes les personnes souffrant de problèmes respiratoires.
 
Une certaine effervescence règne sur la petite place du village à cette heure avancée de la matinée où chacun vaque à ses occupations habituelles. Malgré cela, l’arrivée du véhicule, et surtout de sa passagère, ne passe pas inaperçue. Elle descend de sa voiture qu’elle vient de garer à l’ombre des platanes centenaires qui bordent la place principale du village, juste en face du seul café-restaurant offrant une terrasse ombragée. C’est une femme très élégante avec beaucoup d’allure et tous les regards convergent vers elle tandis qu’elle traverse la route pour s’installer à une table du café, nullement gênée par la sensation d’être « l’attraction du jour » et peut être même un peu amusée, compte tenu du petit sourire malicieux qu’elle arbore en disant « bonjour » aux gens déjà installés qui n’en finissent pas de la dévisager.
Le patron du bistrot vient prendre les commandes à la terrasse, pleine à cette heure de l’apéritif. Il ne prête pas plus d’attention que cela à sa cliente qui a encore ses lunettes de soleil sur le nez et son foulard noué sur la tête.
— Un Perrier doré, s’il vous plaît, commande-t-elle lorsque le serveur s’approche de sa table. Cette façon quelque peu mondaine de nommer ainsi un « Perrier citron », permet d’indiquer que l’on a une préférence pour une tranche de citron plutôt que du sirop. Cela n’échappe nullement à François, tout comme le petit sourire

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