La maison de la presqu île
242 pages
Français

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La maison de la presqu'île , livre ebook

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Description

Emma Mailhac est une psychologue trentenaire qui sacrifie tout à son métier qu’elle adore. Mais la jeune femme cache ses propres névroses derrière cet orgueilleux sacerdoce : maîtriser sa vie professionnelle et privée la rassure et lui donne bonne conscience. Le mur de protection, si patiemment érigé entre la vie et elle, ne va pas tarder à se lézarder, puis à voler en éclats, la laissant anéantie... Tout est à reconstruire... Dans sa maison de la presqu'île, Emma parviendra-t-elle à renaître des cendres de cet être factice créé par sa peur d'exister ? Grâce à Kyle, un séduisant et volage peintre britannique, va-t-elle enfin lâcher prise pour vivre vraiment ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 juillet 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332713537
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-71351-3

© Edilivre, 2014
Dédicaces


A ma mère,
A nos guides de lumière qui veillent sur nous…
Préface
Aujourd’hui peut-être, m’autoriserai-je à laisser l’inconnu me happer. En cet instant étrange où le néant apaise les craintes d’un avenir incertain, inconnu. Peut-être aurai-je le courage d’abattre les dernières défenses que j’ai construites autour de mon être pour coller à l’image que je voulais donner de moi. Vais-je me réveiller de ce long voyage dans l’eau glaciale et ténébreuse, dont mes membres gardent les séquelles d’un engourdissement tissulaire profond ? Mon cerveau a perdu la faculté d’auto-analyse. Ou a-t-il trop longtemps ruminé dans le vide, comme un mécanisme savamment huilé qu’aucune poussière ne peut venir vriller ? Mes rouages mentaux tournent dans le vide depuis si longtemps : impression acide, empreinte de bile de m’être si souvent approchée de la vérité sans jamais avoir eu le courage de la toucher. Un goût nauséeux remonte par mes glandes salivaires, je déglutis dans mon sommeil agité et humide. Ma respiration s’accélère. Sensation de remonter à la surface de cet océan d’angoisse. Je suis comme à l’intérieur de mon propre corps, sentant chaque molécule battre la chamade, le flux de sang bouillonner dans mes artères, chaque neurone électriser ma matrice cérébrale. Mais toutes ces particules semblent tourner dans le vide. A l’image d’un corps longiligne et nu se débattant pour retrouver la surface de l’eau, chaque parcelle de mon être se démène pour me garder en vie, et les ondes impalpables de mon esprit et de mon âme se rejoignent et s’entrechoquent dans un vacarme assourdissant pour me permettre de conserver la flamme.
Puis, quand mes forces me lâchent, mes yeux se figent, globuleux et limpides, et je me retrouve là, dans cet espace-temps brumeux, où je flotte sans réaction, en laissant le courant me porter, je ne pense pas, je suis cernée par le néant, et, pourtant, je garde tout, et ce tout finalement n’est… RIEN !
La maison de la presqu'île
 
 
AVRIL N-2
Accueil de jour pour personnes adultes déficientes mentales – banlieue Lyonnaise
Elle a de grands yeux couleur noisette dans lesquels peuvent scintiller des éclats dorés les jours heureux. Les journées de trouble rendent le regard mouillé d’impuissance : sombres abîmes torturés.
Valentine a un regard d’enfant ; ses grands cils noirs balayent tantôt l’angoisse, tantôt le jeu rieur de l’innocence.
Parler à Valentine peut s’avérer un exercice périlleux ; le Verbe est fragile devant un public vacillant.
– Bonjour Valentine !
Pas de réponse. Elle fuit mon regard, elle reste plantée devant l’accueil du centre. Sa maman l’a accompagnée.
– Elle n’est pas en forme, ce matin ! intervient-elle.
Sa mère l’embrasse machinalement et passe la porte, direction la sortie.
Valentine triture sa manche en tortillant ses doigts, sa main et son poignet en un rituel d’angoisse. Sa veste tombe de manière négligée sur une épaule, et son étole tient tout juste autour de son cou. Ses cheveux sont attachés avec soin par une barrette selon un savant imbroglio de mèches. Sa mère doit respecter son souhait de routine sécurisante.
Je m’approche de Valentine en me baissant au niveau de ses yeux. Je cherche son regard. Je me veux rassurante sans pour autant marquer physiquement cet ancrage : ma main ne se posera pas sur son épaule comme j’aurais aimé le faire. Il est indispensable, avec ces personnes fragiles, que je garde une distance physique. Cette distance est importante et symbolise pour moi la sécurité et la volonté de respecter l’autre.
Mon ton de voix se veut calme et posé. Cette première approche du matin est difficile, mais ce contact est primordial et marquera de sa couleur la journée qui démarre. Je lui souris et Valentine s’accroche à mon regard :
– Je n’ai pas envie… ! me lance-t-elle sur un ton laconique.
– Tu n’avais pas envie de venir ou tu n’as pas envie de faire une activité ?
Joëlle, l’éducatrice qui accueille aujourd’hui les personnes, me regarde de son air interrogatif.
– Je n’ai pas envie de voir le soleil et de voir les fleurs pousser, me répond Valentine en fronçant les sourcils, tournant ses pupilles de couleur noisette vers la fenêtre du hall d’entrée.
– La princesse, elle n’a pas une belle robe, et d’abord, je ne vois pas pourquoi elle met tout le temps du rose parce que le rose ce n’est pas une couleur de princesse.
Son regard revient vers moi puis baisse pour scruter le lino. J’observe sa tenue vestimentaire et je constate que Valentine est encore vêtue de couleurs sombres. Un pantalon bleu marine, une veste gris anthracite sans motif et une étole d’un noir délavé.
– De quelle couleur tu verrais sa robe, Valentine ?
Un sourire timide se dessine sur son visage.
– Une robe arc-en-ciel qui changerait tous les jours. Vous croyez que ça se trouve ?
– On va essayer de chercher ; sinon, tu peux aussi la peindre toi-même si tu veux : j’allais proposer un atelier de peinture aujourd’hui ; si ça te fait plaisir, ton support pourrait être une robe de princesse ?
– D’accord ! me répond-elle avec un entrain ponctuel.
Nous longeons ensemble le couloir qui rejoint la salle d’activités. Bastien, Stéphy, Lilian et Margot sont tous assis dans le coin de lecture en attendant d’être appelés pour débuter l’atelier. La salle d’activités est éclairée par un soleil timide mais rassurant. Margot va directement se coller au radiateur, encore en marche en ce début de printemps.
Je m’apprête à tenir cette heure de médiation avec ce même désir de tisser une relation de confiance avec l’ensemble des personnes accueillies ici. Ma volonté est de laisser la place à chacun, en tant que personne singulière, en tant qu’artiste aussi, puisqu’il leur est possible de s’exprimer grâce aux activités que je mets en place dans les ateliers de groupe.
Néanmoins, depuis cinq ans déjà que j’exerce en tant que psychologue, il m’arrive parfois de me sentir désarmée devant certaines manifestations de souffrance psychologique : parce que je peux perdre un regard d’une seconde à l’autre, parce que la violence peut envahir un espace de soins aussi vite qu’un souffle, et parce que chaque échange peut remettre en question toutes mes croyances.
Je suis dans le questionnement, le tâtonnement ; chaque journée peut paraître un recommencement, un départ à zéro. Mon travail de psychologue est divisé en deux temps. Je réalise un accompagnement thérapeutique des personnes accueillies par le biais d’entretiens individuels. Ce qui me permet de faire le lien entre les éducateurs de la structure, les infirmières-psychologues extérieures qui interviennent parfois, et les familles. Et parallèlement, trois heures par semaine, je pratique des ateliers de médiation en groupe avec les personnes qui le souhaitent, qui se sont inscrites et dont l’activité figure dans leur projet personnalisé.
Valentine est arrivée dans ce service il y a six mois déjà ; c’est une jeune femme de dix-huit ans atteinte de psychose déficitaire. Depuis environ deux semaines, son comportement a changé. L’épisode du rapprochement physique avec Bastien, un jeune homme trisomique accueilli dans la structure depuis peu, n’y est sans doute pas étranger.
Valentine est triste, emmurée dans ses angoisses, son mutisme et ses troubles.
Je demande à Valentine de me suivre car nous allons commencer l’atelier peinture. J’explique l’activité que j’avais préparée pour aujourd’hui en montrant les matériaux prévus à cet effet : des toiles blanches, carrés de 20 x 20 cm, des peintures de gouache et des pinceaux de tailles différentes. Bastien essaie de s’asseoir à côté d’elle, mais elle me dit clairement qu’elle ne veut pas se mettre sur la chaise près de lui. Elle montre des symptômes liés à l’angoisse que j’ai déjà identifiés. Je demande à Bastien de respecter le choix de Valentine. Je lui expliquerai plus tard ce qui se passe en les prenant à part tous les deux dans mon bureau. Pour l’instant, l’activité a lieu avec le groupe de cinq personnes, et je ne peux pas faire d’accompagnement individuel et laisser les autres personnes dans l’attente, sans consignes. Je verrai donc Bastien et Valentine après la séance.
Bastien, comme à l’accoutumée, fait des blagues qui font rire l’ensemble des jeunes accueillis. Valentine reste muette et ne partage pas du tout l’ambiance du groupe. Bastien amplifie ses anecdotes pour lui soutirer un sourire, mais Valentine est de plus en plus mal à l’aise. Je stoppe le chahut en donnant les consignes de pliage du papier pour les uns, ou de découpage du pot pour les autres ; chacun a déjà pris l’initiative de choisir le modèle à réaliser.
L’activité se déroule dans une ambiance posée, propice à la concentration de tous. La méticulosité de leurs gestes m’impressionne, l’envie de bien faire et l’attention apportée à mes regards approbateurs les rend attachants mais cela ne doit pas me faire oublier qu’ils ne sont plus des enfants. Mes remarques, mes consignes, bien qu’adaptées à leur handicap ne doivent pas être infantilisantes, bien au contraire. Mon langage doit être mobilisateur et valorisant. Je choisis mes mots : simples et clairs ; des phrases courtes et directes. Ma passion du métier est vraiment récompensée auprès de ces individus, souvent très affectueux. Je dois même parfois mettre de la distance face à l’effusion de certains comportements. Je vois bien qu’ils sont en général très réceptifs à l’empathie que je déploie au sein de ce service et qui est partagée par l’ensemble de l’équipe. La réactivité et la simultanéité de leurs actions sont très intéressantes, et cela permet d’ajuster la prise en charge. En

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