La vie indigo
332 pages
Français

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La vie indigo , livre ebook

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Description

Au début des années 70, Fran quitte à 23 ans son pays la France et sa famille pour suivre son jeune époux, un étudiant ghanéen dont elle est follement éprise. La jeune femme est entraînée malgré elle dans le torrent de son existence. Immergée dans un autre monde, elle change au contact d'une culture si différente qu'elle s'efforce d'intégrer.
Un peu de recul sur une vie, un exil, deux coups de foudre et quinze ans en Afrique de l'Ouest, le Ghana, la Côte d'Ivoire et la Sierra Leone.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 juillet 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332589507
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright




Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-58948-4

© Edilivre, 2013
Le bonheur n’est pas un état permanent.
Il y a des îles paradisiaques, clairsemées sur l’océan de la vie, on a parfois le privilège d’en aborder certaines, aussi étendues que l’Australie, de véritables continents.
Certains bonheurs vivent ce que durent les roses et passent en laissant derrière eux cette senteur délicate et surannée des fleurs séchées.
Il y a des feux de paille, brefs, éclatants et auréolés de chaleur.
Chaque bonheur doit être vécu intensément dans sa précarité.
Le malheur est sombre et parsème lui aussi l’océan de la vie de ses terres volcaniques en ravageant tout sur le passage de ses coulées de laves meurtrières.
Entre les deux, des zones de doldrums, où chaque jour se ressemble, quand rien ne se passe, lorsqu’aucun souffle d’air ne vient gonfler la voile…
Le marin, dans son hamac, rêve de son île…
Mais le bonheur n’est pas un droit, ni un état permanent.
I Le départ
Elle avait pris l’avion un soir brumeux de novembre.
Vêtue de son ciré bleu marine, une petite mallette rouge à ses côtés, elle vivait les derniers instants de cette France qui l’avait vue grandir. Elle attendait sous l’abribus, son envol vers ailleurs, vers une vie nouvelle dont elle n’avait pas idée et vers laquelle elle transportait naïvement son petit univers de jeune mariée.
Bébé se faisait lourd et elle avait hâte de s’installer dans l’avion. Elle avait fait le vide dans son esprit volontairement et du fond de son être, elle sentait vaguement sourdre le vague à l’âme des déracinés.
Elle eut comme un vertige lorsque plus tard, dans la soirée, elle eut conscience que le DC10 de Ghana Airways survolait la France et elle revit en une fraction de seconde, la chambre et le halo de lumière de la lampe de chevet, près du lit de ses parents à cette heure-là. Elle entendit les bruits familiers de la rue avant de fermer les yeux et d’enfouir cette dernière vision au plus profond de son être. Une larme rebelle allait rouler sur sa joue lorsque le bébé la gratifia d’un coup de pied salvateur.
L’appareil ronronnait doucement. Son jeune époux Manu attira son attention sur les flammes éparses dans l’immensité du Sahara… les puits de pétrole. Quelques noms magiques surgirent devant ses yeux, tout droit tirés des écrits de Frison-Roche : Tamanrasset, El-Goléa, Gardaïa… mais le désert noyé dans la nuit ne livra pas ses secrets. Elle détourna son regard du hublot et se cala confortablement sur son siège. Les paupières mi-closes, elle plongea dans une semi rêverie de somnambule où se mêlaient en vrac les impressions toutes neuves et les réminiscences d’une vie dont elle pensait avoir définitivement tourné une page.
Elle se revit à six ans, dans la cour de Tante Jeanne au cours de l’un de ces étés où les soirées s’étiraient, sans fin, dans le jardin qu’elles ne quittaient qu’à la tombée de la nuit. Les moustiques tourbillonnaient dans les derniers rayons du crépuscule et les premières étoiles s’allumaient une à une. Fascinée, elle ne se lassait pas de ce rituel et Tante Jeanne, la voyant captivée par la splendeur du ciel, fredonnait en arrosant ses plantes « Dors, mon petit Jimbo, la forêt est toute endormiiiieuuuuu, dors, mon petit Jimbo, la-haut le Bon Dieu allume ses bougiii-eueueues… »
Et elle se souvint aussi de cet après-midi :
« Oh ! La sotte ! », Cria Tante Jeanne Voilà le petit balai dans l’égout ! Fran regardait la poussière sur la grille. Elle n’avait nettoyé que trois barreaux – Que faire ? Au fond du trou, sur l’eau noirâtre, elle apercevait le manche qui flottait. Accroupie au-dessus de l’égout, elle contemplait l’irréparable. Tante Jeanne sortit de la cuisine, armée du tisonnier. Elle souleva la grille. – « Enlève-toi ! ». Sa main, protégée par un morceau de papier journal plongea pour repêcher le petit balai. « Ce n’est pas possible d’être sotte à ce point ! » « Sotasspoint ! » disgrâce suprême pour les six ans de Fran ! D’un air piteux, elle observait Tante Jeanne qui refermait la bouche d’égout et essuyait soigneusement la petite brosse. « La prochaine fois que je te prêterai quelque chose, il faudra y faire attention ! ». Tante Jeanne occupait un appartement dans une maison qu’elle partageait avec la propriétaire qu’elles appelaient irrévérencieusement « La Taupe ». La Taupe vivait derrière ses volets clos et n’apparaissait sur son balcon que pour se plaindre. Les gens la croyaient un peu folle. « Vous m’avez volé mes éléments de chauffage central ! » vitupérait-elle de la fenêtre de sa cuisine à Tante Jeanne qui traversait la cour avec le marc de café du déjeuner qu’elle portait tous les matins sur ses plantes. C’est un engrais, et elle chérissait ses géraniums, ses lauriers qui lui rappelaient le temps où elle travaillait comme gouvernante dans une riche famille, sur la côte d’Azur. Elle avait aussi une collection de cactus de toutes tailles. Des figuiers de barbarie et des « têtes de belles mères » hirsutes voisinaient avec des « queues de rats » que la fillette ne manquait pas de tirer et qui laissaient sur ses doigts une multitude de petites échardes. Tante Jeanne n’était pas mariée. Non qu’elle n’en eût pas eu l’occasion, mais sa santé fragile ne le lui avait jamais permis. Elle s’était dévouée pour les autres. Ainsi, Bon Papa vivait avec elle. Il était vieux, Bon Papa, et il se déplaçait avec sa canne de son fauteuil à son lit. Il venait manger à la cuisine et, le soir, lorsqu’il faisait bon, il sortait fumer sa pipe sur le pas de la porte. Bon Papa était très impressionnant avec sa grosse moustache tombante. Il était dur d’oreille et il écoutait les nouvelles tout près de son poste de radio. Tante Jeanne et Fran ne pouvaient ni parler ni rire sous peine de le voir se lever et brandir sa canne d’un air faussement menaçant. « Heu ! Chameau ! Silence vous autres ! »
Bon Papa avait beaucoup d’argent qu’il cachait dans une chaussette de laine, tout en haut de l’armoire. Tous les trimestres, Tante Jeanne lui rapportait sa pension. C’était toute une cérémonie. Devant Bon Papa assis sur le lit, elle ouvrait l’armoire, se hissait jusqu’au dernier rayon et en retirait religieusement la chaussette volumineuse. Alors, il faisait le compte lui-même, rangeait le tout et tendait solennellement un billet à Tante Jeanne : « Tiens, c’est pour le poulet ! ». « Le Poulet du Trimestre ! ». Quelle fête ! Toute la maison embaumait ce matin-là. Le fourneau crépitait et dégageait une douce chaleur. Tante Jeanne, dans sa blouse de vichy bleu, les manches retroussées, de la farine jusqu’aux coudes, faisait une tarte aux pommes. L’odeur de la volaille rôtie se mêlait à celle de l’ail haché menu pour la salade. Bon Papa assistait aux opérations en bourrant sa pipe d’un air satisfait. Lorsque la tarte était enfournée, Tante Jeanne mettait le couvert à la salle à manger pour l’occasion et rapportait sur la table un gros pot de géraniums rouges.
Le ronron régulier des moteurs et la fatigue eurent raison des souvenirs de Fran qui ferma les yeux et s’endormit malgré la chute obstinée d’une goutte de condensation qui s’écrasait sur son bras avec un petit claquement mouillé.
Lorsqu’elle se réveilla après l’atterrissage, il fallut se secouer et se lever. Manu s’affairait déjà à rassembler les bagages, son porte-document, le sac rouge de Fran et les manteaux qui ne serviraient sans doute plus jamais…
Il faisait si chaud dans cet appareil. Debout, exténuée, le ciré sur le bras, elle attendait d’être dehors, à l’air libre et elle suivait machinalement les autres passagers. La sueur dégoulinait sur son visage et trempait son T-shirt. Quand sortirait-elle de cette carlingue ? Elle soupira et leva les yeux au ciel qu’elle vit, constellé d’étoiles. La lune lui fit un clin d’œil ironique et elle reçut sur les épaules la chape de plomb de la nuit tropicale.
Elle eut une brève réminiscence de Besançon, de la petite chambre de Manu sous la protection de la haute silhouette de la Basilique de Saint Ferjeux, lorsqu’ils rentraient frigorifiés de longues soirées étudiantes et qu’ils longeaient le cimetière pour se retrouver entre quatre murs dans la chaleur de la musique qui s’envolait des hauts parleurs… la fatigue s’évadait par les orteils après une nuit de danse et de marche et Manu emplissait le couvercle de plexiglass de sa chaîne hi-fi d’eau chaude pour soulager les pieds endoloris de son amie. Elle avait alors écrit un poème où il était question des douze coups de minuit qu’égrenait l’horloge de la basilique, des dix-neuf points d’interrogation et des vingt-cinq questions de leurs âges respectifs qui éclataient dans sa tête et s’épanouissaient en corolle au-dessus du grand dôme tel le feu d’artifice de leur avenir non résolu et si loin de l’être !
Fran se sentait rejetée, humiliée par le refus catégorique de son père d’envisager la réalité de son idylle avec cet homme venu d’ailleurs. Comment son propre père, lui qui avait combattu aux côtés des Africains pendant la seconde guerre mondiale et avait ressenti douleur et indignation au plus profond de son être lorsque l’un d’eux, sans aucune raison, avait été abattu sous ses yeux, à bout portant, comme un chien, d’une balle dans la tête, comment un tel homme, « le philosophe » comme l’appelaient ses copains de régiment, si humain, pouvait-il se comporter comme le pire des nazis à l’égard de Manu, sans même le connaître ? Fran était dépitée de se heurter à l’imperméabilité de celui qu’elle aimait et respectait le plus au monde, dont elle avait toujours admiré la grande sagesse et elle ne pouvait trouver d’explication ni d’excuse à son nouvel état d’esprit. Du haut de ses vingt ans et de son désespoir, elle le condamnai

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