Le Château de nulle part
92 pages
Français

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Le Château de nulle part , livre ebook

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Description

« Le vide laissé par l’absence est insidieux, il ronge le corps, le cœur et l’âme. Il est la maladie dont on souffre le plus. Rien ne guérit de ce manque, il vous donne le vertige... On essaie en vain de garder son équilibre au bord de ce gouffre qui nous appelle, sans pitié pour notre fatigue à lui résister. » Dans ce roman psychologique, Mireille Lheureux retrace la quête d’une jeune femme déstabilisée par le suicide de son père. Katerine est emplie de sentiments contradictoires, mais se libérera-t-elle un jour de la présence post-mortem de ce père monolithe ? Imaginaire et réel sont ici mêlés pour faire vivre aux personnages une belle histoire d’amitié.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 septembre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748380309
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Château de nulle part
Mireille Lheureux
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Le Château de nulle part
 
 
 
À mon père
 
 
 
 
« Nous devons accepter notre existence Aussi complètement qu’il est possible. Tout, même l’inconcevable, doit y devenir Possible. Au fond le seul courage qui nous est demandé Est de faire face à l’étrange, au Merveilleux, à l’inexplicable que nous Rencontrons. »
Rainer-Maria Rilke
 
 
 
 
Première partie. En marge du temps
 
 
 
Lorsqu’un rêve merveilleux la réveillait, elle cherchait désespérément à le graver dans sa mémoire sans en omettre le moindre détail, puis elle se rendormait et le rêve suivant effaçait cruellement toute la beauté d’un instant de bonheur. Alors, au petit matin, elle essayait de gratter le nouveau paysage qui se présentait à elle, pour y découvrir le tableau de l’artiste caché par la main habile d’un faussaire. Cette nuit-là lui avait offert un de ces rêves, et cette fois-ci, elle avait voulu le concrétiser. Elle avait alors téléphoné à François de venir la chercher à la gare la plus proche du petit château, que lui avait légué son père. François était un homme habité de termites et pourtant lorsqu’il l’avait rencontrée, elle lui était apparue tout à la fois si forte et si sensible que ses confidences faites à un inconnu l’avaient profondément touché. Elle racontait sa guerre avec délicatesse et drôlerie. Cette lutte longue et difficile qui aurait abîmé tant d’autres femmes la lui rendait irrésistible, et il eut alors pour elle un réel élan de tendresse. Il le lui écrivit dès le lendemain. Elle ne lui répondit pas tout de suite, et pendant quelques jours, il se sentit léger et comme délivré de ses termites. Elle ignorait tout de sa vie. Il lui avait simplement laissé entendre qu’il nageait en eau trouble. Il n’était pourtant pas difficile de deviner que son paraître se figeait lorsque son être le faisait souffrir. En fait, François souffrait d’un amour qui agonisait depuis trop longtemps. Trop longtemps de souffrance, trop de méfiance pour qu’il puisse s’intéresser de nouveau à une femme. Elle, son inconnue, semblait trop vraie, trop vivante, trop transparente. Elle était l’autre face d’un miroir qui lui renvoyait l’image d’un personnage dans lequel il ne se reconnaissait plus. Il avait quarante ans d’âge et cent ans de tourments. D’ailleurs, il se posait souvent la question de savoir si un jour il avait été autre chose qu’un être torturé, car du plus loin qu’il lui était possible de s’en souvenir, et même lorsqu’il était enfant, il avait eu un caractère difficile, indomptable pour son père, trop secret pour sa mère. En fait, c’était un révolté, et jouer à provoquer son entourage calmait sa rage. Il avait raté tout ce qu’il avait entrepris. Il avait monté des affaires, construit des maisons, eu une femme légitime et des enfants qui ne lui ressemblaient pas. Et puis, il avait rencontré Laura. Laura, la veuve inconsolable et déjà réconfortée avant qu’il ne prétende la consoler. Pourtant, pendant des années, il s’était évertué à la penser inconsolable. Cela convenait à son tempérament. Elle l’avait floué, humilié, mais il vivait dans l’attente de ses retours. Il allait jusqu’à penser qu’il emporterait cet amour jusque dans sa tombe. Il disait en parlant de lui : « Je suis un mort vivant, une toute petite parcelle animale vit en moi et tout le reste est fait de bois mort. »
Laura avait su le séduire en se jouant de ses insuffisances et en flattant son orgueil par ses faux-semblants de femme du monde, mais elle n’était que rusée et matérialiste. Pour sortir de ce guet-apens, il avait essayé en vain de s’attacher à d’autres femmes, mais il allait d’échec en échec et demeurait inconsolable… Et puis, il y avait eu cette rencontre avec Katerine qui l’avait fait réagir. En dépit de ses épreuves, Katerine avait gardé son rire d’enfant et c’est cela qui l’avait étonné. Il l’avait invitée à dîner dans un restaurant situé non loin de la capitale. L’endroit était romantique, il leur ressemblait comme eux-mêmes se ressemblaient à ce moment-là. À son tour, il avait commencé à lui parler de sa vie, tout doucement en lui cachant son chagrin d’amour. Il lui avait surtout parlé de son adolescence agitée. Elle avait su l’écouter, comme il avait su le faire lors de leur première rencontre. Puis tout était allé très vite, bien trop vite entre eux, et lorsqu’ils s’étaient réveillés l’un près de l’autre, elle avait souri de leur aventure. François n’avait pas souri. Soudainement, cette situation l’agaçait. Les choses n’auraient pas dû se passer ainsi. Il était déçu et il le montrait en faisant des réflexions désagréables sur le décor de la chambre, la qualité du café et bien d’autres détails. Sa mauvaise humeur avait fait rire Katerine. Elle le trouvait de mauvaise foi, incapable de prendre à la légère ce tour que la vie leur avait joué. Elle était plus forte que lui, déjà prête à assumer sa défaite. Indulgente devant ce gamin capricieux qui n’avait pas su faire de cet instant un cadeau de la vie. Elle lui en voulut un peu, mais ne dit rien, et ce silence fut troublant pour François
Quelques mois avaient passé avant qu’il n’entende de nouveau la voix claire de Katerine. Son inconnue aimait surprendre, elle aimait surtout se surprendre. Elle était impulsive dans ses décisions et c’est avec allégresse qu’elle partit ce matin hivernal rejoindre son amant d’une nuit…
En arrivant à la gare, ses yeux noirs se voilèrent un peu et elle fit une moue de dépit en constatant que François n’était pas sur le quai. Peut-être l’avait-il oubliée ? Peut-être s’était-il une fois de plus perdu dans la brume des fantômes de son passé ? Alors Katerine s’assit sur un banc. Peut-être était-ce elle qui s’était égarée dans la brume qui se levait sur les étangs qu’elle avait observés tout au long de son trajet. Ce paysage presque irréel l’avait conduite au pays des rêves de son adolescence. L’espace d’un instant, elle était devenue Yvonne de Galais partant à la recherche d’Augustin Meaulnes, elle rêva que tout à l’heure, elle aussi descendrait sur la berge du lac où François l’apercevrait pour la première fois. Oui, c’est bien ainsi que cela devrait se passer. Elle se persuadait qu’il s’agirait de leur première véritable rencontre. Il est des rencontres qui ne comptent pas parce qu’elles n’ont été que le pâle reflet des espoirs que l’on en attendait… Le froid la surprit en flagrant délit de rêverie, elle se leva décidée à se hasarder un peu plus loin jusqu’à la sortie de la gare. En montant l’escalier, elle aperçut les bottes vertes de François, et elle hésita à lever les yeux de peur de découvrir qu’elles n’appartiennent à une autre personne.
« Bonjour Katerine, excuse-moi de mon retard », lui dit-il. Elle s’entendit balbutier quelques mots, ressentit sa joue contre la sienne, et leurs yeux osèrent se rencontrer. Il était là, fidèle à sa parole, et elle le regardait comme une antilope égarée dans la savane qui ne sait quelle attitude prendre : s’enfuir ou fermer les paupières pour se laisser conduire jusqu’au bout de son rêve. Elle opta pour la deuxième solution. De toute façon, elle n’avait plus le choix, François s’était saisi de son sac de voyage et le rangeait déjà dans le coffre de sa voiture. Assise à ses côtés, elle l’observait sans dire un mot, lui aussi ne parlait pas tandis qu’il conduisait lentement comme elle aimait.
Il lui montra les principaux monuments de la ville, et lui demanda soudain si elle aimait les huîtres. Elle était encore sous le choc de cette rencontre qu’elle avait pourtant provoquée alors que, lui, pragmatique, se préoccupait de la nourrir. « Nous ferons des courses au supermarché, si cela ne t’ennuie pas ? Je n’ai pas eu le temps de préparer ton arrivée », poursuivit-il en la regardant. Ils se sourirent… Il aima son sourire légèrement moqueur, elle se réchauffa de la tendresse que dégageait le sien. Ils se retrouvaient enfin.
 
Le château de François était à son image, il avait eu une âme qui, désormais, se choquait contre les murs gris de l’absence. Et Katerine se demanda pourquoi elle était aussi réceptive à une sorte de présence invisible qui semblait habiter les pièces du petit manoir, dont la tourelle trônait effrontément lui donnant l’allure d’un vrai château. Elle n’aurait su dire comment le tout paraissait authentique. Et c’était la même authenticité qui battait aussi dans le cœur, devenu sourd, de François. Ce cœur qui se voulait sourd mais qui ne l’était pas vraiment, car il venait simplement se briser comme des rafales de vent sur le vide de ses espérances.
Seul le crépitement du feu dans la cheminée rythmait désormais le temps, l’empêchant ainsi de s’arrêter. Katerine fixait le jeu des flammes. Elle avait toujours été attirée par le feu et par tous les symboles qui avaient alimenté l’imaginaire de l’homme depuis qu’il l’avait découvert : le feu qui réchauffe, le feu dévastateur de la forêt, le feu qui intrigue les animaux sauvages et qui les fait fuir, le feu qui méprise les insectes et le feu qui oblige les scorpions à se donner la mort. Katerine revivait alors une part de son enfance. Elle se revoyait à l’âge de neuf ans, lorsqu’assise au pied d’un bananier, elle regardait sa mère inonder d’essence le patio qui conduisait au jardin, et qu’elle attendait avec impatience le craquement de l’allumette, puis le jaillissement des flammes destinées à éliminer les espèces animales indésirables. Ce spectacle l’effrayait et la fascinait, alors pour se rassurer, el

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