Le Royaume des cafards
272 pages
Français

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Le Royaume des cafards , livre ebook

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Informations

Publié par
Date de parution 23 mars 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342049848
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Royaume des cafards
Luz Verde
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Royaume des cafards
 
 
 
 
 
 
 
La gare Saint-Lazare se vidait progressivement. La place où se dressait l’empilement d’horloges si caractéristique semblait déserte, éclaboussée de la lueur orangée des lumières nocturnes. L’énorme cadran aux aiguilles dorées pointa minuit, au sommet du bâtiment. Les derniers voyageurs se pressaient vers la sortie, et l’endroit était étonnamment silencieux. Les voitures ne circulaient plus, personne ne sortait du métro, les bancs avaient été désertés, et les commerces de la rue en pente qui longeait l’imposante gare étaient tous fermés. Un calme inhabituel régnait dans ce quartier pourtant si animé de Paris.
Aussi personne ne remarqua la présence d’une silhouette encapuchonnée, nonchalamment appuyée contre la barrière de l’escalier qui menait au métro extérieur, aux pieds de la statue. L’étrange personnage leva deux ou trois fois les yeux vers l’immense horloge, puis soupira d’exaspération. Abaissant la capuche de son sweat délavé, elle laissa apparaître un visage juvénile, aux larges yeux en amande, en grande partie escamotés par une mèche de cheveux turquoise ondulant sur sa figure. Quand elle levait le nez, ses pommettes accrochaient la faible clarté d’un réverbère, ce qui lui dessinait un masque de Zorro. Il semblait pourtant que depuis qu’elle avait baissé sa capuche, l’obscurité était revenue progressivement, comme l’enveloppant dans une sorte d’ombre visant à la dissimuler aux regards indiscrets. Quelque chose d’inquiétant se dégageait de cette jeune personne au regard perçant.
Cependant une joyeuse et bruyante troupe de garçons l’avisa, à l’angle de la rue, sous les colonnes abritant des cafés et des bureaux de tabac, et s’avança vers elle. L’un d’eux tenta d’engager grossièrement la conversation, en lui demandant d’une façon arrogante son nom et ce qu’elle faisait là. Visiblement habituée à ce genre de désagrément, la jeune fille garda obstinément le silence, n’accordant pas plus d’importance à ses interlocuteurs que s’ils avaient été une bande de pigeons.
« Hé, j’te parle ! beugla sous son nez celui des individus qui l’avait accostée en premier. Pourquoi tu ne réponds pas ? » La fille lui adressa un regard glacial. Il recula d’un pas, comme si elle était hautement contagieuse. D’un signe de main, il entraîna ses copains et ils disparurent à un coin de rue. Un badaud qui s’était arrêté pour observer la scène serra sa sacoche contre lui et détala à toutes jambes quand elle tourna la tête dans sa direction.
Apparemment, la fille aux cheveux bleus attendait que la place se vide entièrement. Elle ne cessait de regarder à droite et à gauche, sa tête s’agitant comme une girouette. Heureusement, la gare fut bientôt vide et les derniers voyageurs cessèrent d’aller et venir entre la bouche de métro et les escalators qui menaient aux quais. Elle leva une dernière fois la tête vers l’horloge. Il était une heure moins le quart. Elle pouvait y aller.
Elle se glissa d’abord dans la bouche de métro extérieure, à la sortie de la gare, jeta un paquet enroulé dans une veste sous la grille qui descendait lentement, et s’aplatit à son tour pour passer en dessous, puis traversa le couloir désert. La salle des portiques et des distributeurs de tickets était encore allumée, et quelques derniers employés circulaient d’une guérite vitrée aux portiques, d’un pas affairé. Elle se dirigea discrètement vers le quai de la ligne 3, direction Gallieni. Elle remonta son keffieh effiloché jusque sous ses yeux, et sortit une sorte de grenade en verre de sa poche, de la taille d’un melon, qu’elle jeta le plus loin possible. La sphère, remplie d’un liquide jaunâtre, explosa sur les rails. Aussitôt, un nuage nauséabond s’éleva en tournoyant depuis les débris de verre, et envahit le tunnel. Protégée par l’étoffe à carreaux usée, elle s’avança nonchalamment, enjambant les corps inertes d’employés du métro qui avaient été immédiatement endormis par le gaz toxique. Posément, elle déballa son paquet. La lame d’un wakizashi brilla à la lumière artificielle. L’objet semblait de très grande valeur, mais quelque peu usé, sa tsuka rouge et noire portant de nombreuses griffures. Laissant la veste qui l’enveloppait derrière elle, ainsi que son sweat à capuche, la jeune fille saisit le sabre et sauta sur les voies.
Puis, tout devint noir et silencieux.
Elle sentait comme un souffle de vent s’engouffrer dans le tunnel. Elle continua de marcher, trébuchant sur les rails. Elle ne connaissait pas sa destination, mais savait qu’elle devait continuer. Soudain, une sorte de pulsation retentit dans son oreille, en même temps qu’elle sentit une brûlure sur sa joue. D’une main, elle brandit le sabre, tandis qu’elle plongeait l’autre dans sa poche pour en sortir un Zippo noir. Levant le briquet au-dessus de sa tête, elle éclaira le plafond du tunnel.
Une créature au visage déformé, démesurément long, fendu d’un sourire narquois et effrayant, était accrochée là-haut comme une chauve-souris. Les longs doigts fins et crochus de ce qui semblait être ses pieds étaient profondément enfoncés dans le béton. Une langue bifide sortait de sa bouche mince aux lèvres noires, et ses yeux roulaient dans leurs orbites. Vêtue d’un grotesque costume rayé – ce qui est tout de même un comble dans la mesure où le costume rayé est censé être un paroxysme d’élégance des trafiquants d’alcool des années vingt – la créature semblait rire silencieusement. Son cœur, gonflé et tuméfié, parcouru de vaisseaux noirs comme de l’encre, nécrosé par endroits, battait régulièrement, bien en vue dans sa poitrine ouverte, elle-même laissée apparente par la veste boutonnée au niveau du nombril.
Exhiber ses organes internes est d’une affreuse vulgarité, mais la créature ne donnait pas l’air d’être très à cheval sur les convenances. Ce qui la classait directement dans la catégorie des « saloperies ».
La chose balançait ses bras démesurément longs armés de griffes acérées comme des poignards avec une étonnante agilité et une rapidité confondante. La jeune fille aux cheveux bleus bondit sur le monstre silencieux, qui continuait d’agiter ses bras pour l’atteindre, son sourire dément ne quittant pas son inquiétant visage figé. Ce qui était très, vraiment très énervant. Elle tenta de déchirer en deux le corps longiligne de son sabre, mais la chose s’enfuit, toujours silencieusement, rebondissant sur les quais, s’agrippant aux plafonds des tunnels. Elle courait après le monstre, sans s’essouffler, parvenant de temps à autre à lui infliger des coupures qui le faisaient grimacer, mais enfin, quand ils semblèrent arriver à destination, la créature cessa de bouger et se laissa lourdement tomber du plafond. Elle se déploya de toute sa hauteur, et son cœur apparent, battant toujours avec la régularité d’un métronome, se mit à enfler, libérant une autre créature, musculeuse, parcourue de spasmes, comme si chacun de ses organes avait une vie indépendante, à la colonne vertébrale hérissée de piquants suintant un liquide visqueux. Un combat enragé s’ensuivit : la fille roula de justesse sur le côté, se cognant contre le quai, agrippa le rebord d’une main, son sabre en bandoulière rebondissant sur son dos, et se hissa à la surface, puis courut vers une sortie qui n’était pas grillagée. Elle s’engouffra dans un long couloir carrelé, indiquant plusieurs stations de métro, les deux monstres toujours à ses trousses. Le cœur battant (le sien, pas l’autre), elle arriva sur une longue passerelle de bois : le couloir du RER E. Ses deux poursuivants l’avaient rattrapée : ils se ruèrent sur elle, l’un tentant de la mordre, l’autre de la lacérer, un comportement qu’elle jugea particulièrement antisocial. Ruisselante de sueur, elle parvint à repousser la créature en costume rayé d’un vigoureux coup de pied qui fit voler son visage en éclat. Elle bondit sur ses pieds, et profitant de la confusion – le monstre ramassait en tâtonnant l’un de ses orbites laiteux pour le remettre à sa place – elle abattit la lame de son sabre sur la mâchoire déployée de l’autre monstre, qui se tenait à quatre pattes, appuyé sur deux larges poings eux aussi hérissés de piquants. Le même liquide visqueux qui suintait de ses aiguilles coula en abondance, lui arrachant un hurlement. Elle sentit sa jambe la brûler atrocement : le tissu s’était ratatiné, consumé par le liquide corrosif. La plaie fumait encore. Elle trempa la lame dans ce qui tenait lieu de sang au monstre, et fendit l’air d’un large mouvement circulaire : le premier monstre fut nettement sectionné en deux, au niveau des hanches. L’autre créature se ratatina jusqu’à reprendre sa forme initiale. Le cœur se traîna sur ses ventricules jusqu’à son ancien propriétaire, clapotant dans l’horrible liquide, agité de monstrueux hoquets silencieux. Haletante, couverte de sang et de sueur, elle sortit un paquet de cigarettes aplati de la poche arrière de son pantalon lacéré, et serra fermement son briquet d’un noir aussi profond que le manche de son sabre pour allumer une cigarette, car elle tremblait encore. Elle attendit ainsi quelques instants. Tout cela semblait trop facile . Elle jeta le filtre encore rougeoyant sur les deux cadavres, qui s’enflammèrent aussitôt. Ils dégageaient une horrible odeur de moisi en brûlant. Elle prit tout de même 10 secondes pour admirer la ténacité avec laquelle ces choses lui pourrissaient la vie, même post-mortem .
Quand il ne re

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