Le Trouble-vie
108 pages
Français

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Le Trouble-vie , livre ebook

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Description

Après quelques années de petits boulots et de galère, Mathurin Gardisette ouvre à Saint-Raphaël un bureau d’écrivain public. Dans sa nouvelle activité, il découvrira une foule de personnages avec lesquels - ou entre lesquels - il créera des liens souvent inattendus, par le biais de lettres ou de rencontres. Étranger aux confidences qui lui sont faites et aux événements qui lui sont racontés, il se considère simplement comme une sorte d’intermédiaire transparent entre ses clients et les destinataires des travaux qui lui sont confiés. Rien d’autre. Il n’existe pas. Il se contente d’exécuter. Surfant sur la vie des autres, sans chercher à s’y impliquer, il peut ainsi jouer au médiateur... ou au trouble-vie. Au choix.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748373189
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Trouble-vie
Jan van Aal
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Le Trouble-vie
 
 
 
Les vies les plus belles ne sont pas forcément telles qu’on les imagine, mais simplement telles qu’elles sont.
 
 
 
Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des situations ou des personnes ayant réellement ou fictivement existé ne saurait être que pure coïncidence, fortuite, et indépendante de la volonté de l'auteur.
 
 
 
Un
 
 
 
Je m’appelle Mathurin. Mathurin Gardisette. Pas facile d’entrer dans la vie affublé d’un nom comme celui-là. Merci, Papa. Merci, Maman. Lui, son nom c’était Émile Gardisette. Elle, Ginette Gardisette, née Frangipane. Ne souriez pas, c’est comme je vous le dis : Frangipane, comme la pâtisserie. Ces choses-là, ça ne s’invente pas. On ne choisit pas. Certains jours, dans mes rêves, je me faisais appeler Pierre Dupont ou Jacques Duval. Tout me paraissait alors plus simple, plus lisse.
À l’école, le jour de la rentrée, premier appel du professeur principal pour relever les noms de tous les élèves présents.
— Votre nom ?
Réponse susurrée, inaudible.
— Articulez !… Je vous demande votre nom !
— Mathurin Gardisette, M’sieur.
Vous imaginez les copains, hilares.
Heureusement, on m’appelle Mathu. J’aime bien Mathu. Ce n’est pas un prénom qui court les rues. Remarquez, Mathurin non plus, ça ne court pas les rues. Ce n’est pas comme moi.
À onze ans, j’ai obtenu mon certificat d’études primaires. Je n’aimais pas le calcul, ni l’histoire-géo. C’était à cause des profs. Je suis sûr qu’ils ne m’aimaient pas. Avec eux, je chahutais plus que je n’écoutais. Quand je faisais l’idiot, ça faisait rire les copains. Alors, je ne m’en privais pas. La sanction tombait au moins une fois, souvent deux fois, par semaine. « Gardisette, vous me ferez deux heures ».
Vous n’êtes pas obligé de me croire, mais j’aimais bien être collé. Je profitais de ces deux heures pour lire tout ce qui me tombait sous la main. Des journaux, des magazines, des livres aussi, surtout des romans. Tout ce qui me tombait sous la main de Stendhal à Pennac. J’aimais bien les histoires que l’on raconte dans les livres. C’était grâce à mon professeur de Français, Monsieur Letessier. Je l’aimais bien Monsieur Letessier. Parfois, il me faisait peur et pourtant je l’aimais bien. Il avait le don de raconter des histoires comme personne. C’est pour cela que je l’aimais bien Monsieur Letessier. Ses histoires, c’était la vraie vie.
Comme j’aimais bien Monsieur Letessier, j’aimais bien le cours de Français. Et comme j’aimais bien le cours de Français, je n’étais pas mauvais en Français. Cela vous étonne ? On ne fait bien que ce que l’on aime. Moi, ce qui m’étonne, c’est que j’étais bon en Français à l’écrit, alors que je suis mauvais en Français à l’oral. Vous allez me dire que c’est impossible. Tout le monde me dit que c’est impossible. Tout le monde se trompe. C’est possible. La preuve. Là, je vous parle. Ca va. Mais, vous imaginez si j’écrivais comme ça !
J’étais fasciné par l’écriture, ou plutôt par la typographie et la calligraphie. J’admirais les pleins et les déliés de chaque lettre. Je m’exerçais à maîtriser la forme des lettres avant de m’intéresser à celles des mots. Les murs de ma chambre étaient tapissés de reproductions d’idéogrammes chinois – ou japonais, je n’ai jamais su. Je m’extasiais devant une lettrine enluminée. Pour maintenir mon enthousiasme pour la belle lettre, et m’encourager dans ce sens, Monsieur Letessier me confia un plumier qu’il avait conservé depuis des années. La boîte contenait quelques buvards pliés, un porte-plume en bois verni, une sorte d’acajou, une dizaine de plumes Sergent Major souples et une réserve d’encre noire dans une petite bouteille cubique. Longtemps, j’ai dessiné et redessiné au Sergent Major toutes les lettres de l’alphabet. Je trouvais ça beau.
On était toujours les trois ou quatre mêmes à être collés, en salle d’études. Il y avait là Roger, appelé Géro par les copains, Abdou dit Abdou-les-dents-blanches, et Antoine, alias Tonio, surnommé Beaugosse ou Lapollon à cause de ses pectoraux en barres de chocolat, dont il était si fier. À en être jaloux ! Je me demande ce qu’ils sont devenus ces trois-là. Perdus de vue : Géro, transféré dans une boîte à bac, style « enfoncez-vous-ça-dans-la-tête » ; Tonio, parti vivre à Marseille ou dans la région, avec sa famille ; Abdou, lui, je ne sais pas. Un beau matin, il était absent. On ne l’a plus jamais revu. Pfft. Disparu.
À dix-neuf ans, j’ai passé mon bac. Il était temps. Je suis allé chercher mon diplôme. Mes parents étaient fiers. Moi, j’étais débarrassé. Je l’ai fait encadrer avec un passepoil pour que ce soit plus beau. Il me suit partout. Vous voyez, il est accroché là, derrière mon bureau. Je n’ai pas fait d’autres études. Bac, plus trois années de galère. Comme on disait de moi que je maniais honorablement la langue française et que j’étais curieux de tout, je décidai que je serais journaliste. Une chance : dans le journal local, on me confia les faits divers. Cela me convenait tout à fait. Les faits divers, c’était comme les histoires de Monsieur Letessier : c’était la vraie vie. Cela n’a pas duré.
On savait bien que la presse quotidienne avait des problèmes… mais qui n’a pas de problème ? Alors on n’y pense pas trop, on vit avec, on oublie. Pourtant, un jour, Monsieur Lesourd – c’était le directeur du journal – nous convoqua tous en salle de rédaction et nous expliqua d’une voix tremblante – il avait l’air sincèrement ému aux larmes – que c’était la fin de notre journal, que le dernier numéro paraîtrait le trente novembre, dans moins d’un mois, qu’il était criblé de dettes, que les banques ne voulaient plus le suivre, que pourtant ce journal c’était sa vie, qu’il avait été fondé par son père, qu’il n’en pouvait plus, qu’il ne pouvait plus payer nos salaires, qu’il était désolé et triste pour lui, pour nous, qu’il était à bout, qu’il fallait que nous cherchions autre chose… Alors, Monsieur Lesourd se moucha, en profita pour essuyer ses yeux mouillés et s’enferma dans son bureau. Le coup de feu n’étonna personne. Le lendemain, le journal titra sur la fin tragique du directeur. Ce fut son dernier numéro.
Mademoiselle Barbu solda les comptes de chacun. Elle me laissa partir avec mon Mac et une imprimante. Ceci allait décider de mon avenir.
 
 
 
Deux
 
 
 
Mon avenir s’annonçait bien compromis. Je sortis des locaux du journal, mon Mac sous le bras et la tête en l’air. J’étais à la fois attristé (la mort brutale de Monsieur Lesourd encombrait logiquement mes pensées) et presque heureux, léger. Je me sentais libre, libéré d’un passé peu glorieux. Le moment était propice de tourner la page de mon adolescence prolongée. Ma décision fut rapidement prise. Je décidai de tout quitter – c’est-à-dire trois fois rien –, et de partir loin. Loin. Loin, ce serait le Sud. Voulant mettre immédiatement en pratique cette décision qui devait changer ma vie, je traversai la rue de la République sans crier gare. Mal m’en prit.
La grosse voiture – une Mercedes toute noire, je crois –, roulait trop vite. Le choc fut violent et je perdis connaissance. Après je ne sais plus.
Me voilà dans une chambre d’hôpital, un tuyau dans le bras, un autre dans le nez. Je touchai ma tête de mon bras libre et sentis un pansement qui me parut énorme. Ma cheville droite était également bandée. Le silence était impressionnant. Seul, le goutte-à-goutte scandait imperturbablement le temps qui passait.
Le calme qui régnait dans la pièce fut interrompu par une infirmière en blouse blanche.
— Alors ! Vous vous réveillez ? Bonjour, je suis votre infirmière, Mauricette.
— …
— Comment vous sentez-vous ?
— Dites-moi ce que je fais ici…
— Tout va bien. Vous avez reçu un gros choc. Vous avez été renversé par une voiture en traversant la rue devant la gare. Vous ne vous en souvenez pas, Monsieur Gardisette ?
— …
— Dites-moi, vous n’êtes pas encore très bavard ce matin. Comment vous sentez-vous ?
— Bien. Enfin… oui bien. C’est arrivé quand ? Je vais rester longtemps ici.
— C’est arrivé avant-hier. Rassurez-vous : vous n’avez rien de cassé, mais vous nous avez fait une sacrée peur. Quand le SAMU vous a amené ici, vous n’étiez pas beau à voir.
— J’ai dormi pendant deux jours ?
— Oui… si vous voulez. Vous avez un peu déliré et raconté des tas de choses bizarres.
— Bizarres ?
— …Un peu comme si vous rêviez. Oubliez tout cela. Dès que vous aurez totalement récupéré vos esprits vous allez pouvoir nous quitter. Dans trois ou quatre jours, au maximum, si tout évolue bien. Je vais prévenir le docteur Machefeux. Il vous expliquera.
— …et mon ordinateur ?
— Quoi !… votre ordinateur ?
— Oui, mon Mac. Où est-il ?
— Là, sur la table. Vous en avez de drôles de questions en vous réveillant. C’est si important que cela, votre Mac ?
— Oui, mon Mac, c’est sans doute ce que j’ai de plus important.
— Pfft…
Sur ce pfft narquois, elle haussa les épaules et quitta la pièce. Mais de quoi se mêle-t-elle cette Antoinette ?… ou Mauricette, je ne sais plus ! Que mon Mac soit important pour moi, en quoi cela la regardait-il ? C’était mon problème, pas le sien. Elle m’énerve Antoinette… ou Mauricette.
En début d’après-midi, le docteur Machefeux vint me voir. Il devait avoir une cinquantaine d’années, garants d’une certaine expérience de son art, et portait de fines lunettes qui lui conféraient u

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