Les femmes de Pierre
274 pages
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Les femmes de Pierre , livre ebook

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Description

"L'être humain est une étrange machine. Il est toujours de bonne foi lorsqu'il se laisse conduire par ses certitudes car le créateur, qui est parfois facétieux, a voulu qu'il ignore le plus grand nombre de ses actes et de ses motivations intimes.
Mais cette construction dangereuse n'est pas figée. L'être humain possède également la possibilité d'évoluer, parfois jusqu'à se rencontrer lui-même. C'est alors l'occasion d'un profond déchirement, une rupture comme on dit aujourd'hui. On peut observer aussi que cette faculté transcendante est liée à des événements douloureux ou à l'exaltation de passions désordonnées, ce qui au fond, revient au même.
Encore faut-il avoir la chance de rencontrer l'occasion unique."

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 décembre 2009
Nombre de lectures 0
EAN13 9782812123801
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright



















www.edilivre.com

Edilivre Éditions APARIS
56, rue de Londres – 75008 Paris
Tel : 01 44 90 91 10 – Fax : 01 53 04 90 76 – mail : actualites@edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN : 978-2-3328-0308-5
Dépôt légal : Décembre 2009

© Edilivre É ditions APARIS, 2009
Chapitre 1
« Pierre ? »
En fait, je ne suis pas certain d’avoir reconnu mon ami. L’homme que je viens de croiser est hirsute, avec une barbe de quelques jours, et marche le dos voûté, comme si le ciel s’était abattu sur ses épaules. Pierre est tout le contraire de cette déchéance : la quarantaine soignée, et surtout l’allure franche et décidée d’un homme bien dans sa peau.
Pourtant, l’individu que je viens d’interpeller s’arrête, tourne la tête et me dévisage. Cette fois, plus de doute, c’est bien Pierre, mon ami Pierre, mais son visage n’a plus de vie, plus de chaleur. Ce qui me frappe, c’est qu’il m’observe sans me voir, comme si j’étais transparent. Spontanément je lui saisis les épaules pour établir un contact.
« Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu es malade ? »
Il détourne les yeux sans répondre. Je dois le secouer pour qu’il daigne murmurer, de façon à peine audible : « C’est Françoise… Elle me trompe… »
J’avoue que cette déclaration me désarme. Célibataire, je me tiens aussi loin que possible de la vie conjugale et des compagnes de mes amis. C’est un territoire étrange où je sens que je n’ai pas ma place. Mais Pierre est là devant moi, malheureux. Je ne peux pas l’abandonner à son triste sort. Une main sur son épaule, je l’entraîne vers un café et nous nous installons le plus loin possible des consommateurs. D’autorité, je commande deux doubles whiskys, avec l’espoir que l’alcool pourra redonner un peu d’existence à mon compagnon.
Pierre liquide son verre d’un trait, mais le résultat n’est pas celui que j’espérais. Il se tasse sur son siège et semble somnoler. Pour ma part, je ne sais quoi dire, persuadé que les banalités que je pourrais proférer seraient parfaitement dérisoires et déplacées. Et puis, j’avoue que je suis réellement surpris par cette situation. Comme chacun d’entre nous, je me flatte d’être un grand psychologue devant l’Éternel et mes dons exceptionnels m’avaient convaincu que le couple Pierre et Françoise était des plus solides. La façon qu’elle a de le regarder, de parler de lui, la grande réserve qu’elle observe avec les autres hommes, tout cela m’a convaincu d’un attachement profond, d’un respect proche de l’admiration, pour tout dire d’un véritable amour. D’autres épouses d’amis ne redoutent pas de leur apporter, parfois ou souvent une pénible contradiction et développent naturellement autour d’elles une séduction redoutable. Mais Françoise est tout le contraire de cela. Et puis, ils ont un enfant, une petite Émilie, je crois ; et ils semblent adorer cette merveille avec passion, au point de tout lui sacrifier. Je suis donc incapable d’ajouter foi à l’accusation de Pierre et soupçonne fort une erreur imputable à la jalousie. Mais comment nouer la conversation avec un sac de sable ?
« Pierre, il faut que tu me parles. » L’être déconstruit qui me fait face sursaute à cette agression. Mais je suis heureux de constater qu’il accepte de me reconnaître.
« Jean, je voudrais te demander quelque chose.
– Demande, et tu seras exaucé !
– Voilà… Pourrais-tu m’héberger quelques jours ? »
J’avoue que cette question me surprend. Je n’avais pas supposé un instant que Pierre puisse être exclu de son foyer.
« Tu veux dire que tu ne peux pas rentrer chez toi ? Il interprète mal mon étonnement.
– Tu sais, si ça te gêne, ce n’est pas grave. J’irai à l’hôtel. Je dois aussitôt redresser la barre par une déclaration quelque peu théâtrale.
– C’est ça ! Pourquoi pas sous les ponts ? J’ai compris que tu venais de recevoir un choc qui t’inspire peu de considération pour l’humanité, mais tu devras comprendre, de gré ou de force, que l’amitié n’est pas un vain mot ! Je serai heureux que tu viennes partager mon appartement. J’espère que tu peux encore le croire ou faire semblant de le croire ? »
Il se contente de hausser les épaules avec un faible sourire, le premier depuis notre rencontre. J’en profite honteusement pour lui faire avaler mon verre et l’entraîner au dehors, cap sur mon petit deux pièces de la rue du Val-de-Grâce.
Lorsqu’il a franchi ma porte et qu’il s’est avachi sur le divan, je commence à espérer pouvoir lui apporter une aide. J’aimerais pouvoir dialoguer librement avec lui, mais je sens bien que sa détresse ne lui permettra pas de s’exprimer. Je tente encore de le libérer en lui remplissant un verre d’alcool.
« Tu sais Pierre, je ne t’ai pas beaucoup parlé depuis notre rencontre. Je suis silencieux, parce que je doute, je ne peux pas comprendre. Pour moi, Françoise est incapable de te tromper. Je crois sincèrement qu’elle t’aime. Je voudrais que tu répondes à une seule question : es-tu certain qu’elle te trompe ? Je veux dire, l’as-tu constaté sans équivoque ou n’est-ce qu’une intuition ? » Mon ami était probablement à jeun lorsque je l’ai rencontré et l’ivresse le gagne rapidement. C’est sur un ton grinçant qu’il me répond :
– Ma femme a un amant… c’est comme ça… c’est tout… et moi je ne sais plus où j’en suis. Je vais dormir un peu sur ton divan.
– Pas question ! Tu ne vas pas polluer mon quartier général. Tu vas dormir dans ma chambre et dans mon lit, et moi je pourrai vivre normalement ici. Comme il semble incapable de se déplacer, je le traîne et l’allonge.
Avant de succomber il s’agrippe à mon bras comme un suppliant :
– Fais encore quelque chose pour moi… je t’en prie, ne contacte pas Françoise, et si tu la rencontres, ne lui dis pas que je suis ici… » Il sombre immédiatement dans un profond sommeil qui me dispense de toute réponse. Lorsque je lui retire veste, chaussures et pantalon, j’ai le pénible sentiment de dévêtir un cadavre.
Lorsque je suis seul, une question me hante un long moment. Faut-il ou non prévenir sa femme ? Si elle le trompe et qu’elle l’a jeté hors du domicile familial, je serai évidemment mal reçu. Mais qu’y a-t-il de réel, dans tout cela ? N’est-ce pas Pierre lui-même qui a perdu les pédales et qui imagine être exclu ? Je finis par conclure que rien ne presse et décide de laisser faire les évènements.
Ce n’est que le lendemain après-midi que mon présumé cocu émergea de sa léthargie, après plus de vingt-quatre heures de sommeil. À plusieurs reprises, fort inquiet, j’étais allé vérifier s’il respirait encore. Malgré sa barbe encore plus drue, je pus observer avec satisfaction que son attitude était plus ferme et son regard enfin soutenu. « Toi, quand tu dors, ce n’est pas une plaisanterie. Tu ne fais pas semblant. Tu veux prendre un café et te restaurer un peu ?
– Oui, un café, ça me fera du bien. » Alors que je prépare le breuvage, la sonnette d’entrée retentit. Sans bruit, je lorgne à travers l’œilleton et découvre… Françoise ! Le bruit retentissant de la cafetière m’interdit de jouer aux absents.
« Pierre, c’est ta femme derrière la porte. Je ne lui ai rien dit. Que dois-je faire ?
Il retourne dans la chambre.
– Reçois-la, mais je t’en prie, ne lui dis pas que je suis ici.
– D’accord. Pour éviter toute surprise, je lui ferai comprendre que je suis avec une dame. Ne bouge pas de la chambre. » Je retourne à la porte en retirant ma chemise pour feindre l’amant qui se rhabille rapidement, alors que deux coups de sonnette décidés confirment l’appel.
« … Françoise ? Bonjour. Pardonne-moi ma tenue un peu négligée… entre !
– Tu n’es pas seul ? La belle semble décidée, et j’imagine que je dois jouer une comédie impeccable pour la convaincre. Je jette un œil sur la porte de la chambre, comme un enfant pris au piège, puis je lui souris béatement en rajustant mes vêtements.
– Non, je ne suis pas seul… je suis avec une amie… et un peu troublé. J’ai imaginé un instant que c’était son mari qui sonnait. Mais entre, ce n’est pas grave. Je l’oriente aussitôt sur ma minuscule cuisine.
– Tiens, je viens de préparer le café, tu en veux ? Elle prend place sans complexe, comme une habituée, et m’observe, le visage fermé.
– Toi au moins, on ne peut pas dire que tu recherches un prix de délicatesse. D’accord pour un café. Tu as rencontré Pierre, récemment ?
Je lui tourne le dos en lui servant une tasse. Pourquoi suis-je indélicat, et en quoi ma vie privée pourrait-elle la concerner ? Sa question directe me permet de tenter d’obtenir une confirmation.
– Oui, je l’ai croisé hier matin sur le boulevard. Il était au plus bas et il m’a dit que tu le trompais.
– Où est-il maintenant ? Réponds-moi franchement. La belle a un ton dur, impitoyable, qui me contraint à jouer serré. Je lui fais face en la fixant droit dans les yeux.
– Madame le commissaire, j’ai rencontré Pierre Granier jeudi sept juillet sur le boulevard Montparnasse. Il était sale, fatigué et bien malheureux. Lorsque je lui ai demandé la raison de son désarroi, il m’a juste répondu que sa femme le trompait, puis il m’a bousculé pour suivre son chemin. J’ai voulu le rappeler, mais il m’a fait un signe pour me demander de ne pas insister. Je n’étais pas seul lorsque je l’ai rencontré et c’est peut-être pour cela qu’il n’a pas voulu me parler. Voilà tout ce que je sais.
Ma réaction brusque contraint Françoise à baisser les yeux. Puis c’est avec une voix plus douce qu’elle me demande.
– Où a-t-il pu aller ?
– Ah ! Cette question ! Il a pu aller n’importe où, marcher droit devant lui, prendre une chambre d’hôtel, prendre un train, que sais-je encore ? » Elle observait sa tasse de café avec grande attention, comme si sa vie en dépendait.
À ce moment m’est venu un étrange sentiment à l’égard de cette femme. Elle est tout simplement belle et pathétique. Il me semble que son pouvoir de séduction me submerge brusquement, et que je doive m’approcher d’elle pour l’embrasser et l’enlacer, pour la

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