Les hautes herbes
158 pages
Français

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Les hautes herbes , livre ebook

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Description

La Mère travaille, assure l’intendance au quotidien.
Le Père est un passager aux visites rares et redoutées.
La chance de Pops ? Vivre à la campagne, avoir sa chienne.
Sauvage et révoltée, dès ses six ans elle apprend la vie.
D’argile et de bronze, mains ouvertes et cœur offert, en quête perpétuelle de tendresse, Pops est une sensitive, un instinct.
Brutalement elle découvre que grandir c’est changer de monde ; que la nécessité de s’adapter est la condition basique pour préserver le vrai qu’elle a acquis.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 février 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332683168
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-68314-4

© Edilivre, 2014
Dédicace

Pour Solène, Philippe, Corinne,
à égalité dans mon amour.
Merci à Katherine Pancol.
Mes écureuils ne sont pas tristes,
ils sont restés seuls un peu trop longtemps.
Et à Cyrille…
Jour d’été
– Mman, je vais promener Katie.
– Ne va pas sur la route, reste derrière.
– Hum.
Pops referme doucement la porte du bureau.
Ce bureau !
Bien sûr, c’est le centre de la maison, le ventre de la vie !
D’abord, s’approcher doucement de la porte, savoir si un client n’est pas là à raconter des fadaises, sa vie, celle des autres, attendre le bruit de la sonnette qui dit : « la voie est libre, tu peux y aller »
Toujours les mêmes blablas : « Je vous ai déjà dit que pour retirer un mandat, il faut une pièce d’identité !… », « Vous voyez bien que votre paquet est trop gros, il faut le refaire moins long !… » ; « Vous savez pas ? Elle est partie avec son beau-frère, elle a laissé les deux petits ! Pauvre homme, il avait tout fait pour elle !… »
Et du lundi au vendredi, les mêmes conneries, le point de passage obligé des ragots, des médisances, de la solitude des vieux qui viennent passer un moment en achetant un timbre, des courbettes devant la secrétaire du notaire, des sourires à la femme du boulanger qui profite dans les meules de foin des siestes de son mari…
Elle s’en fout Pops de toutes ces vies étalées comme des draps pas ragoûtants.
De toute façon, personne ne s’intéresse à elle, alors pourquoi elle irait, elle, prêter attention à ces adultes.
Six ans, des yeux de lac de montagne, des cheveux à la diable comme une brassée de blé mûr fauché à la démerde, un short un peu trop grand qui fait ressembler ses jambes à deux manches à balai dans une botte de paille, un tricot de peau troué…
Pas grave tout ça !
Pops, sa vie, c’est dehors.
La maison, elle y vient pour manger, dormir, s’abriter dans le grenier quand il pleut trop fort.
Quoi y faire sinon ? Qu’est-ce qu’elle ferait à l’intérieur, seule ?
La Mère travaille à son bureau, le reste du temps elle doit s’occuper seule de tout, la lessive, les repas, le jardin.
Alors, c’est sûr, elle n’a pas de temps pour Pops.
De toute façon, cette gamine depuis qu’on lui ressasse qu’elle n’est qu’un accident, il faut bien qu’elle se crée son espace, qu’elle trouve quelque part à combler un vide qu’elle ne comprend pas.
Alors elle s’est bâti son monde. Les prés, les fossés ; elle traîne dans les ronciers pour y chercher les escargots, elle connaît tous les nids d’oiseaux, elle a son hérisson, bien caché ; elle attrape les couleuvres et s’étonne à chaque fois de leur force, du froid et de la douceur de leur peau.
Et puis, elle a Katie.
Katie, la chienne jaune et blanche, toujours attachée, qui couche dans le vide sous la maison.
Elle y entre par une ouverture étroite, et souvent Pops descend à plat ventre dans son antre.
C’est plein de trésors là-bas dessous !
Des belles assiettes cassées qu’il faut recréer et quand on retrouve presque tous les morceaux, c’est comme un vitrail plein de lumière, des vieilles casseroles cabossées : celles-là, on les met de côté, elles serviront à faire l’omelette pour Katie ; des vieux paniers d’osier : tiens, ils pourraient servir aux pies si elles veulent bien y faire leur nid ! Mais il faudra aller grimper tout en haut du noyer du père Marchand…
Il y en a du travail à faire !
Il y a aussi son copain : Hack.
Mais là, c’est la barbe en ce moment !
Sa mère l’a emmené passer deux semaines chez une tante. Il paraît qu’il y a aussi des cousines qu’il ne connaît pas.
Deux semaines ! Deux semaines de vacances, en plein été, à rester seule !
C’est vrai qu’ils sont comme frère et sœur, deux sosies dans leur tête.
Aussi brun qu’elle est blonde, deux frimousses qui sortent en riant des roseaux avec des grenouilles dans les mains !
La même envie d’air, de vent, de liberté…
Lui, il a un frère, Andy, qui a trois ans de plus ; des parents qui lui parlent, qui l’emmènent parfois au cinéma, et même si ses habits sont souvent tachés ou déchirés, ce sont les siens, ils ont été neufs avant.
Pas grave tout ça !
– Allez Katie, viens, on part ! Je t’emmène dans le grand pré du père Marchand.
Mais je te préviens, pas faire de bruit ! Le vieux a dû s’endormir sous la haie, soi-disant qu’il surveille ses vaches !
On va aller là-bas, et il faudra passer à côté du garage du corbillard. Je sais, tu n’aimes pas, ça pue le mort et tu le sens.
Moi non plus je n’aime pas, mais on ne peut pas passer ailleurs. Alors il ne faudra pas pleurer et que je sois obligée de te porter.
Un autre jour, je te raconterai ce qu’on fait dans ce garage.
Contourner les jardins, passer entre les grillages et les barbelés qui accrochent, la chienne devant, pressée, qui se retourne souvent en ayant l’air de dire : « ben alors, tu bouges ! » ; la gamine à la traîne qui essaie d’écraser avec les pieds les tiges d’orties, mais ça pique quand même ces saletés !
Et ces garages à longer, avec au bout celui du corbillard, c’est long !
Après, c’est le chemin communal.
Il est beau ce chemin, large comme l’avenir, long comme l’espoir.
Que de l’herbe fine, douce, sans ronces ni orties.
Pops s’arrête, traîne les pieds, caresse les trèfles ras qui font des petites boules de fleurs si rondes ; mais Katie s’impatiente !
Avant la fin du chemin, Pops rappelle Katie, la saisit par le collier.
La chienne lève ses yeux d’ambre doré et lui demande :
– Pourquoi ? Pour une fois que je peux courir !
– Ecoute, le vieux, il n’est pas commode ! Si on le réveille, il va se mettre à hurler, ça, ce n’est pas grave, mais surtout il va aller raconter à la Mère qu’on est allées dans son champ et qu’on a foulé l’herbe, qu’après il ne peut plus faucher.
En rentrant, je suis certaine de gagner le gros lot sans avoir joué : la vraie punition ! Interdiction de sortir, des lignes à faire à l’infini du genre : « Je ne dois pas aller dans le pré de monsieur Marchand tant qu’il n’a pas ramassé son foin ».
Comme si faire des lignes pouvait nous effacer de l’âme le vent qui nous pousse !
Alors je vais te porter sur mes épaules, il ne faut pas que tu fasses de bruit.
Je dois retrouver la trace des sangliers qui ont déjà écrasé son herbe et on pourra aller en plein milieu !
On ira loin, il ne nous verra plus, ni lui ni personne, et là on sera bien.
Pops s’est accroupie pour passer sa tête sous le ventre de la chienne, péniblement s’est relevée, et le voyage a commencé.
En longeant la haie d’aubépine, elles ont dérangé une merlette qui s’est enfuie en protestant : Kik, Kik, Kik, Kik…
– Hey, c’est pas votre domaine ici ! J’ai quatre petits à protéger, à nourrir ! Le soleil assomme tout le monde à cette heure, vous pourriez me laisser me reposer un peu ! Faut être folles pour ne pas faire comme les autres !
– Ça y est Katie, regarde : la passe des sangliers !
Les empreintes ! Larges, profondes ! Il y en a de plus petites ! C’est une mère avec ses petits.
T’inquiète, on ne craint rien. A cette heure, il y a longtemps qu’ils sont revenus du ruisseau et qu’ils dorment dans un roncier.
Pops descend, descend, les herbes hautes lui chatouillent le dessous des bras en une caresse à la fois rêche et tendre, lui murmurent : « Tu nous déranges, mais c’est pas grave ! Il n’y a que toi qui sais nous regarder, qui sais comprendre et écouter notre musique quand le vent nous fait danser. »
Et puis, c’est l’arrivée dans le creux. Même pas un vallon, juste une petite bosse à l’envers, un ventre accueillant qui protège.
– On reste ici, on sera bien ! On va juste se faire un oreiller avec une poignée d’herbe qui sent bon. On s’allongera et on se racontera des histoires. Mais tu ne dois pas partir courir n’importe où, pas maintenant.
Une boule bien ronde, un œuf tout souple, en voilà un bel oreiller !
Pops s’allonge, cale sa tête, fait craquer les tiges à demi sèches, écrase les fleurs, fourre son nez dans les odeurs, s’y perd, s’y saoule…
– Oh ! Regarde ! Un trou de grillon ! Celui-là, on a dû le déranger lui aussi et il s’est arrêté de chanter, ou il est parti dans un autre trou !
Attends, on va voir s’il est toujours là.
Pops coupe une longue tige, enlève les feuilles et doucement la glisse dans le trou sans la casser.
– Ha ! Ça résiste, donc il est au fond du trou ! Il faut tourner la tige et le faire sortir.
Deux antennes presque noires qui palpitent, une tête de bille, deux pattes en brindille qui s’accrochent à la tige pour grimper, un corps long, deux autres pattes à angle aigu avec des crochets recourbés…
La bestiole apparaît tout étonnée de se retrouver en plein soleil ! Etourdie, désemparée, elle reste un instant immobile, se frotte les antennes avec les pattes de devant comme on se frotte les yeux au réveil, puis brutalement saute et disparaît.
– T’inquiète ! Il va retrouver un autre trou, et quand il sera calmé, recommencer à nous faire un bruit de casserole !
Viens Katie, fais-moi des câlins !
Pops attire la chienne contre elle, l’installe sur elle, les pattes de chaque côté de son torse, son corps sur son corps, tout chaud, tout doux ; de ses bras étreint l’animal, ce bois flotté qui dérive sur sa solitude.
Elle n’attendait que ça la bête ! Des coups de langue, dans le cou, sur le visage, les cheveux ne craignent plus rien…
– Tes bisous, ils sont mouillés, ils sont fous, y en a partout. C’est bon !
Tu pues ma belle, mais ce n’est pas grave, je t’aime !
Dis Katie, c’est ça aimer quelqu’un ? L’embrasser et lui dire : « Je suis là ! »
Sous les paupières de Pops, le soleil dessine et fait vivre de grandes fleurs mouvantes orange et rouges…
En plein soleil, en pleine chaleur du début

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