Les Larmes du flamboyant
122 pages
Français

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Description

« Aujourd’hui encore, "Mademoiselle" repense aux circonstances de sa venue ici. À force de temps et d’efforts, cette déportation infligée s’est finalement transformée en véritable bienfait. Le mal qu’on lui fit n’est plus que souvenir, c’est le mal qu’elle fait qui la préoccupe maintenant. Mal et bien l’ont accompagnée dans ce périple périlleux, mais mal et bien persistent à se côtoyer en elle. [...] C’est ce bien qui l’a ramenée aux pieds de ce flamboyant en cet après-midi. Ce bien qu’elle souhaite préserver au-dedans d’elle-même, mais aussi au point de l’emprisonner par une clôture de bienveillance autant que dans le secret de sa mémoire. » D. Kapell fait montre d’une maîtrise certaine et impressionnante du français de la période coloniale, et la mise en scène savoureuse et appliquée qu’il choisit pour introduire les événements et les personnages de ce livre constitue un réel plaisir littéraire. Son histoire, celle d’une femme sulfureuse et insoumise, divorcée et indépendante, exhale une impression de moiteur et de sensualité qui colle à la peau, même une fois la dernière page tournée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 mai 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748373875
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0056€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Larmes du flamboyant
David G.F. Kapell
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Les Larmes du flamboyant
 
 
 
 
Chapitre I. « La frégate »
 
 
 
Le pourpre des hibiscus a viré au violacé sous la griffe acérée du soleil, mais le martyr en est bientôt à son terme jusqu’à la prochaine rosée du lendemain. Du morne adossé à la grande maison, s’élève en volutes épaisses, l’arôme entêtant d’un four à charbon qui brûle depuis deux jours et depuis la large véranda, d’où l’on peut prendre un essor imaginaire. Le spectacle d’une foison de gerbes beiges balayées par des alizés soutenus, promet une belle récolte de canne à sucre. Cette marchandise, entre autres épices, si précieuse à la splendeur du royaume de France. Avec la tombée de la nuit qui s’annonce en douceur, viendra l’heure du grésillement incessant des criquets et le chant des grenouilles en quête du moindre ruissellement rythmera ces heures bénies. Ça sera le temps d’un repos espéré de tous, le temps qui répare les corps meurtris par les travaux et la morsure permanente du soleil qui assomme le monde, toutes engeances confondues. Maîtres et gens paient jour après jour le tribut de leurs conditions, choisies ou bien imposées. Mais personne n’a vraiment choisi de vivre là.
Le crépuscule qui se dessine, annonce aussi la fin d’une période sur le domaine de la plantation. Avec les choses, des personnes ont changé aussi. C’est aussi la moitié de mois où l’on commence à préparer les comptes du domaine. C’est chose convenue dans la communauté des planteurs de l’île.
 
— Eh bien, ma chère. Faut-il que le pouvoir sur vos gens ne suffise plus à assouvir vos humeurs de dominatrice, que vous emprisonniez ainsi cet arbre magnifique ?
 
— Vous voilà donc, très cher. Mais je vous imaginais arriver par le chemin du gué à travers la ravine. Je gage que votre détour par chez notre Laval vous aura permis de le dissuader de reparaître jamais en ma présence.
 
— Peste soit de cette rancune, ma chère. Ce rustre de Guillaume portera jusque dans la tombe la honte de sa méconduite à votre endroit. Nous connaissons tous son penchant pour la bonne chair et son goût pour le rhum lui aura fait perdre le sens commun. Ne lui pardonnerez-vous donc jamais sa muflerie ? Il est des nôtres, Camille. C’est là un bel ouvrage de ferronnerie. Quel nouveau caprice, vous porte ainsi à vouloir empêcher la fuite de cet arbre ?
 
— Que voilà une curiosité que je ne vous connaissais pas, mon cher. Ne savez-vous donc point que secret de femme exige belle prudence à l’ignorer. Il y a souvent grand péril à vouloir le percer. Mais venez, je vous prie. Je vous vois bien las de votre chevauchée et il m’importe que vous conserviez une humeur plaisante en prévision de votre retour… Martin ! Vous ferez comme convenu et puisque monsieur de Villedieu est là, faites rassembler le matériel qu’il nous a si généreusement prêté, maintenant que les travaux du toit sont terminés. Nous verrons cela demain.
 
En bon régisseur d’habitation, Martin s’en est allé la mine basse, toisant au passage monsieur de Villedieu dont la présence ici, n’a plus de raison d’être. C’est que, les deux hommes, victimes d’une destinée cruelle n’en sont plus à pouvoir se fréquenter tant leur antipathie mutuelle est grande. C’est malgré tout chose courante au sein des habitations. La minorité mulâtresse supporte autant qu’elle peut la déconsidération des maîtres blancs qui leur concède avec l’arrogance qui sied, la tâche de régir le bon ordre sur leurs domaines.
 
— Toujours aussi peu aimable, ce Martin. Cette amertume qui le ronge finira par lui causer grand tort. Il serait dommage que ses compétences vous fissent défaut, ma chère. Il serait disposé à vous quitter parait-il ?
 
— Allons Armand, il suffit de cette rancune que vous-même, me reprochez. Finissons cette journée de la meilleure humeur qui soit. Annette nous aura préparé une collation dont elle a le secret. Allons mon ami, profitons de cette fin de journée. Je demande que l’on s’occupe de votre bête et je préviens de votre présence.
 
En hôtesse prévenante, mademoiselle des Salières précède son invité, visiblement séduite par son allure virile rehaussée dans un pantalon de toile rêche que des cuissardes empoussiérées soulignent. De sous un large chapeau de paille, le regard vert de la jeune femme n’en finit pas de regarder la vie avec l’insolence de son âge. Le teint hâlé de ses avant-bras ne dépareille pas d’avec les traits marqués d’un visage moucheté de mille taches de rousseur que le soleil prend plaisir à brunir tous les jours que Dieu fait.
De sa position en retrait, Armand retrouve là, les épaules fines qu’il connaît intimement, baignées par une abondante crinière rousse et ce port équin souligné par le balancement d’un fessier taquin, il le connaît aussi. Plus qu’en voisin ordinaire, monsieur de Villedieu s’accorde là, une sorte de récréation. Sauf que les choses ont bien changé depuis peu.

La nuit trop tôt tombée était le prétexte à éviter les périls d’une chevauchée nocturne et la sollicitude de son hôtesse était argument suffisant à l’héberger. C’est du moins à cette vérité que madame de Villedieu faisait semblant de croire à une époque.
Après une longue conversation autour du repas, sur les rigueurs du temps et les anecdotes qui ponctuent leurs existences de colons, les amants laissaient libre cours à leurs humeurs. Sauterelles et criquets faisaient chœur avec l’entrain de ces corps matures et impétueux, portés l’un à l’autre.
En quittant cette cour à l’arrière de la maison, les regards en retrait de Camille ne s’adressent pas qu’à Armand. Cette clôture en fer forgé qu’elle a fait installer autour de l’arbre lui semble du plus bel effet et ce banc qui invite à un repos apaisant, sied tout autant à l’ensemble. Mademoiselle Camille a fait savoir qu’une punition sévère sera appliquée à toute intrusion dans ce sanctuaire. Elle seule connaît pour l’heure, la raison de cette installation. C’est un secret qu’elle va bientôt révéler à tout le monde. C’est là, le moindre des efforts pour elle qui recevait si peu. À part quelques événements liés aux récoltes et les fêtes consenties aux gens de son domaine, elle va bientôt offrir à tous la manifestation du nouvel état de son esprit.
La visite de monsieur de Villedieu, aujourd’hui n’a plus le même sens qu’à une époque. Point tant qu’une affection la liait à cet homme, mais c’était une fête que son corps réclamait. Aucune illusion ne troublait cette liaison convenue. Armand de Villedieu a le verbe âpre parfois, mais il était habile et prompt à procurer son plaisir de femme à une Camille faussement soumise. C’est elle qui menait sournoisement le jeu de leurs ébats et ce rude gaillard n’était qu’étoupe qu’elle dépeçait, sans craindre d’imprimer les sillons de sa passion dans cette chair conquise. Ainsi cette amante enfiévrée n’avait de cesse d’épuiser l’otage de son humeur de sorcière.
 
— Eh bien Annette, voilà que ton humeur fantaisiste te porte à négliger notre invité. Sers-nous vite et ensuite tu vas courir avertir Sauveur qu’il ne se déplace pas pour les lampes. Allez, va Annette ! Ah cette Annette, il me faut la houspiller sans cesse pour en obtenir le meilleur. Je regrette tant Pauline à cette fonction.
 
— Tout comme cette dinde de Mathilde !
 
— Il suffit de votre goujaterie, mon cher. Vous n’êtes pas sans savoir dans quelle estime je porte votre épouse. Vous avez beau jeu de railler ainsi, mais ne voyez-vous donc pas en sa complaisance à mon égard le signe d’un sentiment sincère qu’elle vous porte. Mathilde n’a point à rougir de ses dispositions. Alors qu’elle pourvoit au bien-être de votre héritier, vous voilà ici à distraire votre ennui auprès d’une femme dont la réputation faisait les gorges chaudes jusqu’à la table de monsieur Sorgues notre gouverneur. Cette réputation n’était que la contrepartie de la liberté que j’ai voulue pour moi. Je vous en prie Armand, jusqu’à votre départ, plus un mot sur cette chère Mathilde.
 
Puisque monsieur Armand est là aujourd’hui, c’est Annette qui officiera à la préparation des lampes à pétrole. Depuis le départ de Firmin, mademoiselle des Salières a cessé ses pratiques de débauche, assagie par les grands changements en cours de réalisation. À cette époque, à l’intervalle des visites de son voisin et au gré de son appétit, elle choisissait l’un ou l’autre des hommes du domaine pour satisfaire son appétit.
Le rituel était connu de tous et malgré la désapprobation des compagnes, Camille fortifiait sa condition de maîtresse en pervertissant par mille pratiques luxurieuses ses victimes auxquelles elle faisait croire à une récompense. Camille des Salières se vautrait sans réserve ni pudeur dans un enfer où elle entraînait des amants dont elle ignorait même, jusqu’au nom.
Sans amour ni tendresse, elle rendait grâce aux lampes à pétrole et consommait avec frénésie les charpentes cossues, teintées d’un ébène musculeux, à peine rincées des suées d’un rude labeur. Cette couleur de peau exerçait une réelle fascination sur son imaginaire. Ce corps qu’elle offrait en forme de friandise est comme un sacrifice utile à exorciser le mal qu’elle faisait alors à ces gens. Ces gens qui n’avaient pas demandé à être là. Arrachés à des terres de souffrances et de grand soleil, mais libre, alors.
 
Ils ne devaient enfin leur infortune qu’à des esprits avides de richesses, soutenus par des suppôts en soutane noire, aussi noire que l’âme des diables qu’ils disent combattre.
Au chant du

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