158
pages
Français
Ebooks
2020
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158
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Ebook
2020
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Publié par
Date de parution
24 juin 2020
Nombre de lectures
0
EAN13
9791038101401
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Leur amour a une date d’expiration.
Jonathan est écrivain. Malmené par la vie, brisé par un amant violent, il pensait que plus rien ne pourrait retenir sa fuite en direction de Milan ; jusqu'à ce que sa route croise celle de Maël, pianiste déchu, pour qui la musique est devenue son seul moyen d'expression depuis sa rupture. Autour de quelques notes sur le piano en libre-service de la gare Montparnasse, tous deux vont ainsi se découvrir un point commun : la détresse. Sur un coup de tête, Maël propose à Jonathan de l’héberger le temps qu’il retombe sur ses pieds. Malheureusement, la cohabitation ne sera pas éternelle. Ils ont deux mois pour se reconstruire, deux mois pour se découvrir, deux mois pour peut-être recommencer à aimer.
#Romance #Deuxième Chance #Collocation
Publié par
Date de parution
24 juin 2020
Nombre de lectures
0
EAN13
9791038101401
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Keliane Ravencroft
Les mélodies de l'âme
Quelques notes d'amour - Tome 1
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Suivi éditorial © Laura Delizée
Correction © Julie Girault
Illustration de couverture © MxM Créations
Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit est strictement interdite. Cela constituerait une violation de l'article 425 et suivants du Code pénal.
ISBN : 9791038101401
Existe aussi en format papier
1.
Mercredi 7 juin 2017
Maël
Mercredi matin : même endroit, même rengaine. La routine quotidienne, le va-et-vient incessant des gens. Des voyageurs trop pressés pour remarquer quoi que ce soit. Des hommes, des femmes, des enfants : juste des visages furtifs dans une masse uniforme, qui s’effaceraient comme les vagues effacent les pas dans le sable. Je ne prêtai que peu d’attention à ce qui me semblait insignifiant. Dans quelques secondes, ils n’existeraient plus à mes yeux. Plus rien n’existerait. Même les annonces assourdissantes de la Gare Montparnasse ne m’atteindraient plus. Il n’y aurait plus que moi et la musique ; une drogue qui me ferait planer l’espace d’une chanson. Je m’en délectais par avance. Si certains avaient besoin de prendre un train pour partir vers d’autres ailleurs, le piano en libre-service du Hall 1 me suffirait pour m’envoler.
Dans cette optique, je passai les portes vitrées côté place Raoul Dautry et m’engageai à l’intérieur du grand bâtiment. Je connaissais cet endroit par cœur. Depuis quelque temps maintenant, j’y passais des heures entières. Fragmentées, il est vrai. Je ne voulais pas courir le risque de me voir interdire l’accès à l’instrument auquel je devais ma présence. Je me contentais d’une ou deux mélodies et singeais ensuite de me rendre vers les quais, le temps de faire oublier mon visage. Ce n’était qu’après un bon quart d’heure, parfois plus d’une demi-heure, que je retournais lâcher quelques couplets. Si d’aventure je remarquais une personne intéressée par le clavier, je laissais volontiers ma place afin de ne pas créer de problèmes. J’avais remarqué quelques vigiles observer mon étrange manège mais, comme je me tenais à carreau et ne faisais que distraire des passagers concentrés sur leurs occupations, on m’avait laissé tranquille.
Encore quelques pas et j’y parvins. Là, dans le hall aux peintures bizarres que je soupçonnais être en rapport avec un peintre quelconque, je le vis. Tournant le dos à une sculpture étrange qui m’évoquait vaguement la voile d’un bateau constituée d’écailles d’or, il m’attendait ; libre. Un piano d’étude droit, tout en bois laqué, noir. Je savais que, précédemment, il y en avait eu un autre qui avait plutôt mal terminé, tagué par quelques jeunes sans scrupule et sans respect du matériel mis à disposition du public. En conséquence, il avait été retiré mais voilà près d’un mois qu’une bonne âme en avait fait réinstaller un. Aussi craignais-je chaque jour de le voir vandalisé ou retiré. Pour le coup, pas de mauvaise surprise, j’allais pouvoir en jouir aujourd’hui encore.
Je jetai un œil de part et d’autre pour m’assurer que nul n’ait l’envie de prendre place sur le banc à destination du musicien puis m’y précipitai d’un pas aussi impatient qu’excité. Face au clavier, toute ma tension retomba d’un coup. Mes doigts se languissaient de courir sur les touches noires et blanches. Les notes m’appelaient, impossible d’y résister plus longtemps.
Mes premières notes furent presque étouffées par le jingle retentissant de la SNCF précédant les annonces de départs, d’arrivées ou de retards des prochains trains. Sous le poids étourdissant de tous ces bruits parasites, ma musique semblait timide. Ce n’était pas ce que je voulais. Il fallait qu’elle soit forte, vibrante, retentissante ; qu’elle marque et attire l’attention. Je devais l’aider à s’affirmer. Non, correction, je devais m’affirmer. Ce que je produisais devait envahir l’espace, prendre possession de l’air, de l’atmosphère, pour s’infiltrer dans les oreilles.
Jonathan
Je remontai mes lunettes pour mieux scruter l’écran d’affichage. Je n’y voyais pas grand-chose avec mes carreaux cassés mais, ça, c’était de ma faute. Encore mon éternel empressement. Ça m’avait déjà joué des tours par le passé et, au moment où j’en avais le moins besoin, il avait fallu que ça m’arrive. Une bousculade à la sortie de mon immeuble et vlam ! Mes binocles avaient décidé de se suicider. Ce n’était pas le jour. Pour être franc, c’était même la pire chose qui pouvait m’arriver, car, sans elles, j’étais myope comme une taupe. Or, je n’allais plus avoir l’occasion d’en changer avant longtemps. Ma valise entre mes jambes, un sac sur le dos, j’étais prêt à partir et ce que je prévoyais n’était autre qu’un aller sans retour. Du moins, c’était ce que je pensais, jusqu’à ce que mon estomac se mette à crier famine.
Il était dix heures, mon train ne partait pas avant une heure et demie et je n’avais rien avalé depuis le dîner de la veille. Tout s’était enchaîné. Je m’étais levé et j’avais juste plié bagage sans prendre de petit-déjeuner. Du coup, l’odeur des viennoiseries en provenance des différentes boulangeries et brasseries de la gare était un appel que je ne pouvais ignorer.
Je décidai de quitter les quais, trop bondés à mon goût. D’ordinaire, j’évitais soigneusement le regard des autres. J’étais d’un naturel peu sociable et introverti. La foule avait tendance à m’angoisser et le passage précipité des voyageurs ne faisait que m’angoisser davantage. Il est vrai que je n’étais pas spécialement serein. Je savais que si j’étais ici, c’était simplement parce que je fuyais. De ce fait, ma faim servait mes intérêts et j’aurais été sot de ne point lui céder.
Mes pas me ramenèrent en direction du Hall 1, aussi appelé Hall Vasarely, que j’avais déjà traversé pour venir jusque-là. Une sorte de carrefour entre les salles d’attente, les petits commerces et les escalators menant au métro. Il avait hérité de ce nom à cause de ses grandes fresques peintes sur les soubassements de plafond d’un côté et de l’autre de la salle, simulant des cubes dotés d’un effet de fausse 3D. Rouges et bleus, pour ceux côté brasserie situés au niveau du point rencontre, et verts et bleus, pour ceux annonçant l’entrée dans l’espace d’attente. À partir de là, j’avais le choix. Je pouvais opter pour un petit-déj’ sur le pouce en me contentant d’acheter quelques croissants chez Paul ou bien me poser sagement à La Porte Océane. Cependant, je fus coupé dans ma réflexion par quelques notes qui attirèrent mon attention.
Derrière moi, devant la Grande Voile de Manoli, un piano droit, tout noir, avait été mis à disposition des usagers de la gare avec une pancarte annonçant « À vous de jouer ». Quelqu’un semblait ne pas s’être fait prier. Sur le coup, je n’avais pas remarqué ses premières notes discrètes, avec le brouhaha général et les annonces de départ des trains, mais à présent que l’homme vers qui je me tournais instinctivement observait un rythme soutenu et rapide, tout devenait clair. Je reconnus sur-le-champ l’air entraînant d’une série américaine médiévale très populaire dont j’avais dévoré aussi bien les DVD que les romans dont elle était adaptée.
La justesse de cette représentation musicale retint mon attention, tout autant que celle de plusieurs dizaines de personnes. Certains allèrent jusqu’à sortir leurs téléphones pour filmer la prestation et je n’eus aucun doute sur le fait que je la retrouverai partagée sur internet sous l’intitulé d’un titre racoleur. Toutefois, je songeai, en écoutant, qu’une vidéo de mauvaise qualité ne pourrait assurément pas rendre véritablement compte du talent de cet artiste inconnu. Ses longs doigts fins couraient sur le piano, sautant d’une touche à l’autre si vite que mon regard s’avéra incapable de les suivre. Bon, il est vrai que je ne m’y connaissais pas beaucoup, mais quand même. Sa dextérité m’impressionnait. Je pouvais dire qu’il connaissait son morceau par cœur et qu’il se permettait même quelques arrangements personnels. C’était puissant, vivant, magique.
Intrigué, je quittai le clavier des yeux pour observer le musicien et je dus admettre que je fus surpris. Bien qu’assis, je pouvais dire d’avance qu’il devait être grand : le mètre quatre-vingt passé. Sa silhouette était plutôt équilibrée. Il était mince sans être maigre et musclé sans être développé. Dans un autre contexte, je l’aurais aisément vu basketteur ou un truc du genre mais, à bien y regarder, il ne semblait pas avoir le tempérament adéquat. Selon moi, les sportifs étaient des gens actifs et compétitifs. Or, son visage blanc, presque maladif, reflétait plutôt un calme déconcertant, presque effrayant. Non, c’était plus profond que ça. Il y avait dans ses traits quelque chose de bouleversant. Quelque chose qui éveilla en moi un sentiment de malaise et dont je guettai confirmation. J’espérais croiser son regard mais l’inconnu était plongé dans son monde. Les paupières closes, il ne devait même pas avoir conscience de la foule qui s’amassait autour de lui. J’attendis.
Maël
J’étais dans le bon ton. Je n’avais aucune partition pour m’épauler, mais pas la moindre fausse note ne se fit entendre alors même que je n’avais que peu pratiqué le morceau. J’en tirai une certaine fierté. Trop, peut-être, car lorsque je fus assez en confiance pour me lancer, je tentai de me démarquer, d’apporter ma touche à l’œuvre originale. J’essayai quelques arrangements personnels mais, rapidement, je m’en mordis les doigts. J’étais à côté ! Complètement à côté. L’ambiance changeait. Subtilement, mais d’une manière qui ne pouvait tromper mon oreille entraînée.
Sur la seconde moitié du morceau, je tentai vainement de me ressaisir, de faire quelques modifications. Je fermai les yeux pour mieux me concentrer