Lettre à Fernando
158 pages
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Lettre à Fernando , livre ebook

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Description

« Ce livre n'est pas un hommage à Fernando Pessoa, mais une reconnaissance éperdue envers un écrivain qui m'a aidé à braver l'opulence de la misère et à supporter cette vie où il n'y avait plus que le marasme et l'adiaphorie. J'étais misérable comme la plupart de mes labadens d'origine étrangère que je côtoyais à l'université. J'avais une bourse plate, et j'enchaînais des missions précaires dans des restaurants ou dans la manutention. Cependant, contrairement à certains camarades de la faculté qui galéraient pour trouver un logement, j'avais réussi à dénicher une piaule dans un sous-sol d'une sorte de manoir d'un riche homme d'affaires. En échange, je lui tondais le gazon de son jardin une fois par semaine, et je nourrissais ses deux molosses de chiens. Ma chambre souterraine ne possédait aucune fenêtre, et les rares rayons de soleil qui m'éblouissaient le matin venaient d'une fissure d'un des murs de ma cambuse. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 novembre 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342057867
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lettre à Fernando
Mustapha Bouhaddar
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Lettre à Fernando
 
À Marilène Vitorino et Michaël Da Silva
À mon maître Abderrahmane El Fouladi
 
Tous mes remerciements à :
Mes parents qui ont eu la bonne idée de m’inscrire à l’école.
Marilène Vitorino qui a changé ma vie en me prêtant Le Livre de l’intranquillité de Fernando Pessoa.
Roberta Zamagni qui m’a fait connaître l’écrivain italien Antonio Tabucchi, spécialiste de Pessoa.
Hélène Beunon, responsable de la médiathèque de Conflans Sainte-Honorine.
Leila Zouhri, Nacim Bouhaddar, Hassan Zouhri, Béatrice Delamare, Pierre et Evelyne Dugenet, Philippe Duquesnoy, Maguette Sy, Marc Boutin, Marc Palayret, Hélène Sam-Bath, Guillaume Preau, Lilas Amri, Nadia Laaraj, Nadia Chitoui, Jennifer Baumgartner, Maud Ivanoff, Marie-Noelle Cries, Laetitia Cries, Isabelle Assouline, Jean-Michel Jourda, Eric Ferbus, Saïd Bouhddar, Raja Sibri, Bouchra Sibri, Abderrrahmane El Koufa, Madani Goufa, Ahmed Tighiouaret, Marianne Tighiouaret, et Vanina Egot, Manuela Gomichon et Ahmed El Oumrani.
Samira El Herrouki, Raja Sibri, et Bouchra Sibri pour leur collaboration précieuse, notamment pour les corrections du texte.
Et finalement Michael Da Silva, qui m’a fourni la photo de la couverture, et m’a encouragé à achever l’écriture de ce roman, qui est resté longtemps en « stand-by » au fond d’un tiroir.
 
« La littérature est la preuve que la vie ne suffit pas. »
Fernando Pessoa
Prologue
Ce livre n’est pas un hommage à Fernando Pessoa, mais une reconnaissance éperdue envers un écrivain qui m’a aidé à braver l’opulence de la misère, et à supporter cette vie où il n’y avait plus que le marasme et l’adiaphorie.
En effet, j’étais misérable comme la plupart de mes labadens d’origine étrangère que je côtoyais à l’université. J’avais une bourse plate, et j’enchaînais des missions précaires dans des restaurants ou dans la manutention. Cependant, contrairement à certains camarades de la faculté qui galéraient pour trouver un logement, j’avais réussi à dénicher une piaule dans un sous-sol d’une sorte de manoir d’un riche homme d’affaires. En échange, je lui tondais le gazon de son jardin une fois par semaine, et je nourrissais ses deux molosses de chiens. Ma chambre souterraine ne possédait aucune fenêtre, et les rares rayons de soleil qui m’éblouissaient le matin, venaient d’une fissure d’un des murs de ma cambuse.
Quand je n’avais pas de cours, je passais mes journées à lire et à rêver. J’ai fait le tour du monde des milliers de fois dans ma chambre, et à force, je n’arrivais plus à distinguer le rêve de la réalité. J’étais amoureux de Marilène, une belle brune d’origine portugaise. Malgré tous ses efforts, elle n’a pas pu résister à mes blandices, et j’ai réussi à avoir sa photo que j’ai accrochée sur une petite armoire basse. Tout mon mobilier était minuscule, car ma piaule, ne faisait que trois mètres sur deux, et j’avais intérêt à optimiser l’espace.
C’était Marilène qui m’avait fait découvrir Pessoa. Elle m’avait glissé un jour dans ma main, après le cours, un livre plein de marque-pages. Le titre de cet ouvrage sonnait comme une promesse, une prophétie. C’était Le Livre de l’intranquillité  !
J’avais tout de suite rangé cet ouvrage dans mon cartable et faisais semblant de suivre le cours sur Montaigne, ce génie bordelais qui m’incommodait à l’époque.
Pessoa est entré dans ma vie, et ses livres ne me quittent plus.
En France, j’ai eu l’occasion de côtoyer des Portugais quand je faisais de la manutention l’été, dans des chantiers, pour payer mes vacances. Les ouvriers d’origine française que je croisais dans ces manufactures en question racontaient beaucoup de blagues sur les Portugais, car la plupart étaient maçons, et ça me désolait. Les blagues les plus récurrentes étaient du style :
« Comment détermine-t-on le futur métier d’un bébé portugais ?
— On lance le bébé contre un mur, s’il reste collé, il sera plâtrier, et s’il tombe, il sera carreleur… »
Ou encore :
« Pourquoi tous les Portugais s’appellent Manuel ?
— Parce qu’intellectuel, ce n’est pas un prénom… »
J’avais envie de dire à ces ouvriers gausseurs que le Portugal est un grand pays, qui a donné naissance à plein de génies dans la marine et la littérature. Je peux citer, entre autres, le navigateur Vasco de Gama et le grand poète Lui Vaz de Camöes. Mais, je connaissais déjà leurs réponses d’avance. Car, ils abhorraient les intellectuels, encore plus, un jeune étudiant français d’origine arabe.
À l’université, pour éblouir les filles, il faut être beau ou savoir jouer de la guitare. Et pour ceux qui ne sont ni beaux, ni bons guitaristes, il reste la poésie. J’avais emprunté plein de poèmes et de textes à Pessoa pour séduire les biquettes. La plupart de ces nymphettes qui étaient originaires de Paris ou de province, ne connaissaient pas cet écrivain, et je me gardais bien de leur dire que ces poèmes que je leur écrivais étaient de lui.
Un jour, une tourterelle avec qui j’étais sorti six mois, m’avait quitté, et pour la reconquérir, j’avais emprunté cette lettre que Pessoa avait écrite à son ami Mario de Sa-Carneiro le 14 mai 1916.
Cette dernière disait :
« Je vous écris aujourd’hui, poussé par un besoin sentimental – un désir aigu et douloureux de vous parler. Comme on peut le déduire facilement, je n’ai rien à vous dire. Seulement ceci – que je me trouve aujourd’hui au fond d’une dépression sans fond. L’absurdité de l’expression parlera pour moi.
Je suis dans un de ces jours où je n’ai jamais eu d’avenir. Il n’y a qu’un présent immobile, encerclé d’un mur d’angoisse. La rive d’en face du fleuve n’est jamais, puisqu’elle trouve en face, la rive de ce côté-ci ; c’est là toute la raison de mes souffrances. Il est des bateaux qui aborderont à bien des ports, mais aucun n’abordera à celui où la vie cesse de faire souffrir, et il n’est pas de quai où l’on puisse oublier. Tout cela s’est passé voici longtemps, mais ma tristesse est plus ancienne encore.
En ces jours de l’âme comme celui que je vis aujourd’hui, je sens, avec toute la conscience de mon corps, combien je suis l’enfant douloureux malmené par la vie. On m’a mis dans un coin, d’où j’entends les autres jouer. Je sens dans mes mains le jouet cassé qu’on m’a donné, ironiquement, un jouet de fer-blanc. Aujourd’hui 14 mars, à neuf heures dix du soir, voilà toute la saveur, voilà toute la valeur de ma vie. » 1
Bien sûr, j’avais modifié quelques lignes de cette lettre, en remplaçant par exemple « la rive d’en face du fleuve » par la rive d’en face de la Seine. Toujours est-il, cette épître m’avait permis de récupérer ma concubine. Quelques mois plus tard, nous avions rompu, mais cette fois-ci, c’était moi qui l’avais quittée.
Je ne maîtrise pas la poésie, et je n’ai pas l’intention de commenter les poèmes de Pessoa, ni d’écrire sa biographie. Ce livre est juste une lettre d’un inconnu à un poète qu’il vénère.
1
Cher Maître,
Quoi de plus naturel que de m’adresser à quelqu’un comme vous, qui n’a rien à faire de la vie. Vous mettez le rêve au-dessus de tout, et vous n’avez connu qu’un seul amour dans votre destinée. Ce qui ne vous empêchait pas de vous intéresser aux communs des mortels, et aux prolétaires comme moi. Vous écriviez des centaines de pages par jour, mais votre humilité, et votre modestie vous empêchaient de vous satisfaire de ce que vous écriviez.
Vous n’aviez pas soif de reconnaissance, vous aviez accumulé 27 543 manuscrits dans une malle, vous n’étiez pas pressé de les éditer, car vous étiez à la recherche du livre parfait.
Votre barbier vous trouvait « solitaire, timide et peu communicatif » 2 , vous aviez quelques fois des problèmes d’argent, mais vous étiez toujours bien mis. Vous ne vous laissiez jamais vaincre par des incompétents. Je suis né un mois de novembre et vous vous êtes éteint un mois de novembre. Moi qui ne suis rien, et qui finirai dans l’oubli, contrairement à vous qui aviez connu la célébrité post mortem, et pourtant votre nom signifie « Personne », c’est injuste !
Je ne suis personne, et ce nom m’irait comme un gant. Vous aviez poussé le vice jusqu’à prendre plein de pseudonymes.
Vous étiez raide dingue de Lisbonne, autant que je le suis pour Paris, mais je n’ai pas votre talent d’écriture pour exprimer mon amour pour cette ville où je suis né. Paris fut et demeurera pour moi, la ville de l’ange et du démon.
Vous dites en parlant de Lisbonne : « Je suis les faubourgs d’une ville qui n’existe pas, le commentaire prolixe d’un livre que nul n’a jamais écrit. Je ne suis personne, je suis le personnage d’un roman qui reste à écrire, et je flotte, aérien, dispersé sans avoir été, parmi les rêves d’un être qui n’a pas su m’achever. » 3
 
Grâce à vos écrits sur Lisbonne, j’ai appris à connaître cette ville sur le bout des doigts, et lors de mon premier voyage pour cette dernière, une charmante touriste cubaine qui était assise à côté de moi dans l’avion, avait cru un moment, que j’étais d’origine portugaise. En effet, je lui avais décrit tous les coins et les recoins de votre ville préférée pendant tout le trajet. Je n’avais pas osé lui avouer que c’était la première fois que je partais pour Lisbonne.
Dans son lit de mort, Victor Hugo voyait de la lumière noire, Nicolas Gogol demanda une échelle, et vous « dans la chambre 27 au 3 e étage de l’hôpital Saint-Louis-des-Français, le plus ancien de Lisbonne. La fenêtre ouvre sur un des plus vieux quartiers de la Ville Haute, le Bairo Alto

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