Mariages et autres mensonges , livre ebook

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« Les hommes sont des êtres si complexes. L’homme marié surtout. Il suffit que le parfum d’une autre femme que la sienne l’enivre pour qu’il cherche à en effacer l’empreinte culpabilisante avant de rentrer au bercail. Jusqu’au jour où il réussira enfin à éradiquer de sa vie cette autre femme pour retrouver la sécurité apaisante de la fidélité. L’odeur de la maîtresse deviendra alors, non plus source d’inquiétude, mais paradoxalement source de réconfort nostalgique. Il n’a pas rêvé. Il a aimé. Il a été aimé. Au passé. Alors, forcément, le parfum de l’autre femme sera source de regrets, aussi. »
Après trente ans de vie commune et contre toute attente, un couple se marie. Les amis, même ceux du temps de la Faculté de droit, participent à la fête. Dans le tintement des verres de champagne rosé qui s’entrechoquent, une femme de 50 ans observe, s’interroge et lève le voile sur les grands et petits secrets amoureux de ces personnages qui peuplent sa vie depuis la jeunesse. Infidélité, adultère, trahison, culpabilité, passion amoureuse, désir, pardon, lassitude de vieux couple… Marie la libertine, Simon le magnifique, Bernard le roi de la culpabilité et tous les autres invités ont « bien réussi dans la vie ». Mais ils ressentent, au tournant de la cinquantaine, une violente urgence de vivre, de revivre, d’aimer, de désirer. Avec une précision quasi chirurgicale, Laurette Laurin explore les moindres recoins de leur géographie amoureuse.
Malaise. Vertige. Déséquilibre. Simon se lève pour aller sur le balcon. Il n’a pas envie de parler. Dommage, ce n’est pas la pleine lune. Il n’a même pas cette excuse, cette fois. Il goûte sa témérité. Il savoure cet état de grâce, celui tout juste avant de poser ses lèvres sur la bouche de Marie et de la sentir contre lui. Elle le rejoint sous le ciel sans lune. Elle reconnaît ce regard gris minuit, cette bouche affamée sous le frémissement de la rondeur de sa lèvre inférieure. Elle n’a pas le temps d’analyser, d’anticiper, de scénariser : Simon glisse déjà délicieusement la fermeture éclair de sa robe et la lui retire lentement.
— Peut-être devrions-nous rentrer ?
Il défait l’agrafe du soutien-gorge et fait glisser le slip sans égard pour la finesse de la soie, sans un regard pour la délicatesse des magnifiques dessous lavande. Il n’en a que faire, manifestement. Il la veut nue. Contre lui. Sur lui. Sous lui.
Doucement, elle se détache de lui et plonge ses yeux émeraude dans l’océan tumultueux de ses yeux gris. Les amarres sont larguées. L’appel du large les aspire.
Elle détache les boutons de sa chemise sans le quitter du regard. Ressent la chaude ivresse de sa peau nue contre celle de ce corps inconnu, désiré. Respiré pour la première fois. Surtout ne pas dessaouler de cette ivresse.
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Publié par

Date de parution

25 mars 2015

Nombre de lectures

10

EAN13

9782764429358

Langue

Français

De la même auteure chez Québec Amérique
Coupée au montage , coll. Tous Continents, 2014.





Projet dirigé par Pierre Cayouette, conseiller littéraire
Adjointe éditoriale : Raphaelle D’Amours
Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en page : André Vallée – Atelier typo Jane
Révision linguistique : Isabelle Pauzé et Sabine Cerboni
En couverture : JuliyaNorenko / shutterstock.com Conversion en ePub : Nicolas Ménard
Québec Amérique 329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Laurin, Laurette
Mariages et autres mensonges
(Tous continents)
ISBN 978-2-7644-2933-4 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-2934-1 (PDF)
ISBN 978-2-7644-2935-8 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Tous continents.
PS8623.A825M37 2015 C843’.6 C2015-940150-X
PS9623.A825M37 2015
Dépôt légal : 1 er trimestre 2015
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2015.
quebec-amerique.com



À ma mère, et à mon père, le tavernier


Dis, quand reviendras-tu, dis, au moins le sais-tu que tout ce temps qui passe ne se rattrape guère, que tout ce temps perdu, ne se rattrape plus.
BARBARA


Table des matières
APÉRO
Vive les nouveaux mariés ! – Champagne rosé
EN ACCOMPAGNEMENT
Bernard le roi de la culpabilité – Pinot noir de l’Oregon
Simon le magnifique – Inniskillin rouge ou blanc
Gilles le nain irrésistible – Chardonnay californien
Marie la libertine – Sauternes
Louis l’indomptable – Vodka caviar
Paul le mandarin solitaire – Gevrey-Chambertin, Corton-Charlemagne et Chassagne-Montrachet
Agathe la danseuse de tango – Trapiche ou Malbec
Marie, Simon et les autres – Jack Daniel’s sans zeste d’orange
Chantal la vierge folle – Dry martini avec trois olives
Claire la prédatrice – Shooter de B-52
Hélène et Charles, le couple parfait – Pastis parfumé
DIGESTIF
Simon et Marie, sans les autres – Un dernier verre pour la route
Jusqu’à plus soif… – Vino


APÉRO


Vive les nouveaux mariés !
CHAMPAGNE ROSÉ
Se marier. Finalement. Après trente ans de vie commune. N’est-ce pas plus improbable, plus émouvant, engageant, que de célébrer ses trente ans de mariage ?
Se choisir de nouveau. Se choisir enfin…

Daniel et moi, nous nous étions mariés, à peine sortis de l’adolescence. Le scénario classique : premier baiser, premier slow collés, premiers émois, première baise. Nous avions exploré tout cela ensemble au collège à travers les équations mathématiques, la littérature contemporaine et les réflexions philosophiques.
Nous avions seize ans. À peine vingt, quand nous avions répondu à l’unisson « Oui, je le veux ». Nos parents, de fervents catholiques convaincus, acceptaient mal que nous partagions le même appartement près du campus universitaire, et encore moins le même lit. Alors, en deuxième année de droit, nous nous étions mariés devant Dieu et devant les hommes. Devant, surtout, nos parents ravis et nos amis complètement éberlués de réaliser que nous en étions déjà à l’âge de quitter l’inconscience de la liberté.
Aujourd’hui, j’ai cinquante ans. L’âge de la conscience du temps qui passe. Trop vite.
Je fais de nouvelles équations, je lis trop de romans et je ne philosophe sans doute pas assez sur le sens de la vie, happée par une urgence de vivre, une rage de liberté, l’envie d’explorer des territoires inconnus, alors qu’il me reste si peu de temps pour les découvrir.
J’ai donc atteint cet âge vénérable du demi-siècle. Je n’avais pas imaginé que ça m’arriverait un jour. En tout cas, pas si tôt. Heureusement, le temps et la nature m’ont relativement bien préservée. Je suis restée plutôt mince et je dirais, sans prétention, relativement mignonne : pas de chirurgie (pas encore…), des crèmes chères (inutiles ?), une bonne teinture pour masquer le gris impertinent (si peu de gris pourtant !), pas d’exercices (je devrais sans doute m’y mettre pour contrer l’inexorable relâchement musculaire à venir), peu de sucre. Et beaucoup de vin. Il arrive même que mon mari me dise qu’il me trouve belle… pour une femme de mon âge !
Une femme de mon âge qui n’a jamais aimé, embrassé, caressé qu’un seul homme : mon mari. Je ne dis pas cela pour susciter l’admiration ni même inspirer le doute. Je n’ai aucun mérite. Je n’ai jamais désiré un autre homme que Daniel. Jusqu’à ce jour, en tout cas… Lui, une autre femme ? Une fois, peut-être.
J’étais enceinte de ma fille. Vu comme cela, ça peut sembler dégueulasse de sa part. Et même si, depuis, j’ai compris, j’ai trouvé des explications, voire des justifications à sa tromperie, je me souviens de lui en avoir tellement voulu à l’époque. Peut-être encore un peu, aujourd’hui. J’ai pensé le quitter, même si je n’avais aucune preuve tangible de son adultère. Juste des indices insidieux.
Mais j’avais un bébé à mettre au monde, un autre encore aux couches. Je suis restée le temps de me recomposer. Puis, le temps de comprendre combien mon mari avait dû se sentir seul et délaissé durant cette période pendant laquelle je n’étais devenue qu’une mère, si peu sa femme, et combien cette jeune avocate trop belle avait dû lui sembler attirante, un soir, après un long procès difficile… Il avait sûrement dû lutter contre lui-même, contre ces yeux de braise qui allumaient son sexe sage, depuis qu’exténuée par une grossesse difficile et un enfant qui ne faisait toujours pas ses nuits, je n’y avais porté ni mes lèvres, ni mon sexe. Je suis certaine qu’il a dû combattre son désir, retenir sa main, sa bouche. Quand ses lèvres ont touché celles de l’allumeuse, il n’aura pu contenir l’incendie. Non plus le feu de forêt qui a décimé notre couple pendant des mois. Il revenait du bureau de plus en plus tard. Et ces soirs-là, il était ivre. L’alcool, un accélérant ?
Notre fille est née. Il n’a plus bu. Plus une seule goutte d’alcool. Sauf une coupe de champagne rosé à l’occasion d’un mariage. Il est de nouveau rentré plus tôt. Fin du chapitre libidineux.
Nous n’en avons jamais parlé. Peut-être me suis-je imaginé tout cela ? J’aime à me l’imaginer. J’imagine tant de choses. Encore davantage aujourd’hui pour nourrir ces fantasmes inattendus qui m’habitent. Fatigue de vieux couple, crainte de vieillir, regret de tout ce que je n’ai pas vécu ? De nouveaux désirs s’insinuent sous ma peau. Des passions inassouvies couvent dans mon âme. Je les tais. J’ose à peine me les avouer.
Pour l’heure, je me contente de vivre par procuration les extases et le vague à l’âme qui pimentent la vie tumultueuse de mes amis. Ce que j’en sais, ce qu’ils m’en disent. Je suis une redoutable confidente : jamais de jugement et le secret éternel.

Un toast aux nouveaux mariés !
Jacqueline et Jacques lèvent leur coupe de champagne rosé. Nous les avions connus à la fac de droit. Nous suivions les mêmes cours. Inutile de dire comme on s’est moqués de leurs prénoms prédestinés ! Ils vivaient dans l’appartement voisin du nôtre et partageaient nos soupers de pâtes aux tomates, arrosés de triste vin de dépanneur qui nous rendait pourtant si gais. Le vinyle de Prince tournait en boucle. Purple Rain, Purple Rain … Quand ce n’était pas la cassette de l’intemporel Harmonium. Pour un instant, j’ai respiré très fort…
Ils avaient assisté à notre mariage en se demandant, incrédules, pourquoi nous n’avions pas su résister à l’appel pressant de nos parents pour légitimer notre union. Eux, le mariage et tout le tralala, ils n’y croyaient pas, n’en voulaient pas. Ils nous en voulaient un peu. Pour eux, issus de milieux bourgeois et fortunés, il y avait une fierté à affronter l’ordre convenu des choses, à confronter les modèles établis. Tandis que pour nous, rentrer sagement dans le rang faisait sans doute partie de notre bagage génétique de prolétaires résignés…
Après tout, n’étais-je pas la fille d’un tavernier ? Un tavernier, si fier de sa fille qui faisait l’université. « Tu vas étudier avec les grands de ce monde, la crème de la crème », se plaisait à me répéter mon père. Pauvre papa ! S’il avait su les moqueries des petits cons bourgeois qui s’amusaient à mépriser son métier d’hôtelier, espérant humilier sa fille, leur consœur de classe qui raflait les meilleures notes et les bourses d’études. « La fille du tavernier », râlaient-ils sur mon passage, pour tenter de discréditer mes succès scolaires, les minimiser à leurs yeux. S’ils avaient su, ces petits cons, l’authenticité, la puissance de l’émotion qui t’habitait, toi, le tavernier, dès les premières notes de La Belle de Cadix que tu offrais de ta voix de ténor aux clients du bar, transportés par la magie de ton interprétation : Chi-ca ! Chi-ca ! Chic ! Ay ! Ay ! Ay ! Oh ! Tu t’enhardissais, bien sûr, avec un petit verre de dry gin, ou deux, pour te donner de l’allant. Et surtout pour te mettre au diapason de ta clientèle éthylique. Sinon, comme ces soirées t’auraient paru longues, clamais-tu, pour justifier le Beefeater qui t’accompagnait, soir après soir, sur la scène.
Cher papa, j’ai toujours été tellement fière de toi, de ton talent

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