Nous irons ensemble
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Description

« Tu es venu, sans me prévenir, c'est drôle comme il m'est plus facile de t'écrire, alors que, lorsque tu es là, près de moi, je suis incapable de te parler. [...] Je n'ai jamais descendu des escaliers aussi vite, je n'ai même pas fait attention à la façon dont j'étais vêtu, alors que ma belle-sœur était au dehors ; juste un caleçon court de coton blanc et un polo de la même couleur, même si octobre a déjà presque fini son parcours, il ne fait pas si froid ! Et tes bras m'ont tenu chaud, tout de suite, j'étais bien. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 décembre 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342016116
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Nous irons ensemble
François-Xavier David
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Nous irons ensemble
 
 
 
À mes enfants,
À Marie-Catherine, leur mère & à Henri
 
 
 
 
Chapitre premier. L’Entre-deux-guerres
 
 
 
Julien,
Jeudi 23 janvier 1919
 
 
Lior,
 
Deux de tes lettres me sont parvenues ce matin. Albert, le facteur qui passe chez nous depuis quelques années maintenant et me connaît depuis mon adolescence, me taquine toujours en disant que « ma belle » est amoureuse. Il dit qu’il ne se trompe jamais, l’écriture d’une femme, ça se reconnaît ! J’adore, s’il savait ! La prochaine fois, tu devrais y mettre un peu de parfum, afin d’aiguiser sa curiosité sans cesse grandissante ! Il oublie que je suis séminariste, mais il dit surtout que tant que je n’ai pas prononcé mes vœux, je suis toujours un homme libre !
 
La première de tes lettres est celle du 11 janvier dernier, tu me parles encore de la fin de cette guerre qui, dans ce malheur terrible que sont les affres de la guerre – la tuerie de ces hommes qui ne se connaissent pas afin d’assouvir la haine de deux hommes qui se détestent – une chose horrible et tellement cruelle, mais qui aura quand même permis de nous rencontrer. Je bénis ce jour ! Toi, blessé sur le front de l’Est, et moi, jeune séminariste sur les lignes arrière dans un hôpital de fortune à donner les extrêmes onctions aux mourants !
 
Je me souviens de ce jour, un des derniers de ces combats atroces où je t’ai vu arriver dans cette ambulance, déglinguée, que je pensais hors du temps ! À peine sorti de l’arrière du véhicule, j’ai remarqué ton visage en sang, et ton uniforme partiellement déchiqueté ; je te pensais sincèrement beaucoup plus atteint, disons condamné, comme beaucoup. Je ne remets pas en cause le fait que tu aies été très touché, mais le sang aidant, je croyais ton état désespéré. Dieu merci, ce n’était pas le cas. Je remercie Dieu, alors que, maintenant, je lui fais faux bon ! Traître que je suis !
 
J’étais dans la cour de l’hôpital, je te parle de ça, mais je te l’ai déjà raconté, plus d’une fois, à croire que je n’arrête pas de bénir ce jour ! J’ai laissé faire les brancardiers qui te conduisaient sur le lit, encore chaud, d’un blessé décédé quelques instants auparavant. Les corps, vivants et morts, se suivaient et se remplaçaient les uns et les autres ! L’horreur de la guerre, j’ose espérer que jamais nous n’aurons à revivre ça ! Nos enfants non plus ! Je ne veux pas d’enfant d’ailleurs ! D’une, je suis séminariste, et voue ma vie au service de Dieu, mais il est devenu inconcevable de nos jours de pouvoir espérer donner la vie quand on voit ce que nous en faisons ! Je ne sais pas si, toi, un jour, tu auras des enfants, réfléchis bien à cela ! Un jour, il est fort probable, tu te marieras et, bien entendu, tu auras, certainement, des enfants, comme tout le monde ! Fait-on d’ailleurs des enfants comme tout le monde, ou simplement pour soi ? Acte égoïste, c’est certain !
 
Quand je pense à Antoine, mon frère aîné, qui a déjà deux enfants, 14 et 8 ans, ces neveux qui ont déjà connu la guerre et qui sont traumatisés par l’état physique de leur père, revenu gazé, abîmé à vie, poitrinaire maintenant, jusqu’à la fin de ses jours, amputé d’une jambe et d’un bras à mi-hauteur. Quelle image pour ma nièce de 8 ans qui n’ose plus s’approcher de ce père qu’elle considère comme un inconnu, elle en a peur, peur de cette vision presque monstrueuse ! Quand il est parti à la guerre, elle n’avait pas 4 ans ; il revient diminué, irritable, méconnaissable. Quel avenir pour cette enfant ? Jeanne va grandir près d’un père fantôme !
Simon, son fils, mon neveu, en veut à ce père, d’être parti au front, volontaire qu’il était pour combattre l’ennemi, qu’il ne connaissait pas, et qu’il disait vouloir détruire en quelques jours. Illusions que tout ça, quatre années de combats, de tranchées, de gazage et de destruction ! Mon neveu ne comprend pas, même s’il est encore jeune, comment peut-on se détruire pour un pays en sacrifiant finalement sa propre famille ? Leur mère a perdu le bébé qu’elle portait, et n’aura probablement plus, jamais, la santé mentale pour en avoir d’autres !
 
De mon côté, je me pose tant de questions. Comment puis-je avoir un ami si fidèle, rencontré sur un lit de fortune, en base arrière ? Lior, tu es vraiment mon ami sincère. J’aime à t’écrire régulièrement ces quelques lignes que je laisse vagabonder sur mes feuilles blanches, posées sur ma table de bois, assez spartiate, j’en conviens, dans ma cellule de ce presque monastère, où je me suis retiré, dernièrement, pour terminer mes études de théologie ! Au bout de ces quatre années prévues, je prendrai la décision qui s’imposera à mes yeux, probablement des vœux, tu t’en doutes, j’ose espérer que ta propre religion, que nous avons évoquée, ne nous empêchera pas de continuer nos amicaux échanges postaux. En fait, je peux déjà décider, dès la troisième année, que je suis en train de suivre, mais il est primordial, avant tout, que je fasse un stage, ce que l’on peut demander, à tout moment, et que je n’ai pas encore fait, du fait de mon volontariat pour la guerre !
 
Il me reste une année, à peine, avant de terminer. Je pense que nos échanges permettront à cette année de passer plus facilement. Je reconnais qu’être cloîtré dans ce monument historique est une chose rare, et certainement enviable pour bien des amoureux des belles pierres, mais la chose est loin d’être la même quand on y vit à l’année. Heureusement, encore, que la région est climatiquement agréable !
 
Lior, j’avoue que cela fait quelques mois, maintenant, que nous ne nous sommes pas vus et l’échange verbal me manque terriblement ! Au sein de ces quatre murs, la solitude est pesante, j’envisage un voyage prochainement pour aller te rendre visite. Je rentre à l’instant d’un court séjour chez mes parents, j’ai eu tes lettres avant de prendre le train de midi et il est déjà la fin de soirée, que je me mets à t’écrire ! Sensation étrange cela dit. À la limite, tu es plus un frère, je partage plus avec toi qu’avec Antoine, avec qui, dans l’enfance, je n’avais pas vraiment de points communs !
 
Ta seconde lettre, datée du 13, du même mois, est un complément à la première, un oubli peut être, quelques mots, je ne l’avais pas ouverte en premier, disons que je pris soin de prendre l’ordre des choses ! J’ai, au début, longtemps hésité à lire tes lettres dans le train, la proximité des voyageurs me dérangeait. On ne sait trop ce que les personnes peuvent faire, en troisième classe, nous ne sommes pas isolés, en cabines capitonnées, comme ceux des premières ! De là à cacher mon courrier dans un missel, je n’en suis pas encore là, j’ai simplement ouvert l’enveloppe, et lu les grandes lignes. Ce n’est qu’une fois arrivé dans ma cellule, que j’ai pris place, sur ma paillasse, pour lire complètement tes écrits avec une certaine sérénité !
 
Les quelques mots, que tu me mets dans ta seconde missive, sont tout aussi passionnés, voire plus, que dans la première. Je reconnais, également, que l’envie de nous revoir, t’est, à toi, aussi pressante qu’à moi ! Nous devrons donc envisager cette rencontre, je dois économiser quelque peu pour entreprendre un voyage de la sorte, et avoir la possibilité de loger dans une chambre d’hôtel non loin de chez tes parents !
 
J’ai lu, dans la gazette de cette semaine, qu’un aviateur du nom de Jules Védrines, je crois, a posé son avion sur le toit d’un grand magasin de Paris. Il a touché 25 000 francs pour cet exploit, c’est hallucinant et dangereux à la fois. Comment peut-on poser un avion sur un endroit aussi restreint en longueur, mais aussi en centre-ville ? J’imagine, seulement, si l’avion n’avait pu se poser, quelle aurait été la catastrophe humaine ? Certaines personnes sont totalement inconscientes ! Je me rendrai compte de la situation, quand je verrai l’endroit, en venant à Paris !
 
Je vais, de ce pas, essayer de me renseigner ce que pourrait me coûter une telle virée ! Je te tiens au courant dans les jours prochains !
 
Amicalement,
 
Julien.
 
 
 
 
 
 
Lior,
Dimanche 2 février 1919
 
 
Julien,
 
Ta lettre du 23 janvier dernier m’attendait au bureau, je remplace, maintenant, mon père dans la « maison familiale ».
 
La vente de tissu est, depuis quelque temps, en plein essor. Père pensait secrètement que jamais personne ne prendrait la suite, il se disait, certainement, qu’il avait perdu son dernier fils à la guerre et que, jamais, il ne donnerait le commerce à ma sœur pour qu’elle change de nom par son mariage en fin de guerre ! Beaucoup de jeunes gens se sont unis après le retour des hommes qui étaient partis au front ! Des mariages, un peu trop précipités à mon goût, beaucoup de mariages arrangés par les familles, d’autres pour cacher, ce que certains de ces hommes blessés, aussi bien physiquement que moralement, n’auront pas vu, volontairement pour certains. Des grossesses en cours de route, des grossesses que les époux n’auront que le nom à donner, pour des enfants qu’ils n’auront probablement jamais naturellement. La guerre a fait des dégâts de ce côté-là aussi !
 
Rassure-toi, je reviens sur ce que tu m’avances dans ton courrier, je ne suis pas, prêt de mon côté, à convoler en justes noces, même si ma mère me pose régulièrement la question quand une jeune femme, bien sous tous rapports, pousse la porte de notre établissement ! Ce n’est pas parce que je vends du tissu, et que

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