Regard à l ouest
172 pages
Français

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Description

Perchée sur le cerisier de son jardin, Valentine, quatorze ans, épie ses nouveaux voisins. Elle tente de percer la carapace d’un père médecin distant et les cachotteries d’une mère trop souvent absente. Occupée par le chapardage de médicaments dans le cabinet de son père, une enquête sur une maison de repos « fantôme » et l’univers souterrain de la maison voisine, elle rédige des chroniques dans des cahiers qui sont sa mémoire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748374735
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Regard à l'ouest
Marie-Josèphe Dietrich
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Regard à l'ouest
 
 
 
À ma planche de salut.
 
 
 
« Quand on aime la vie, on aime le passé parce que c'est le présent tel qu'il a survécu dans la mémoire humaine. »
Marguerite Yourcenar
 
 
 
 
1
 
 
 
Installée au sommet de son vieux cerisier à l’emplacement où elle avait l’habitude de se percher (cinq branches en arceaux renversées qui formaient comme un nid), Valentine récolta dans sa mémoire avec avidité, les activités extérieures de ses nouveaux voisins. Elle pensa qu’ils venaient juste d’acquérir les clefs de la gentilhommière en ruine, celle-ci érigée sur un immense parc en friche attenante à leur demeure. D’année en année, la grande maison croupissait doucement sous la garde inefficace de l’unique agence immobilière du village. Du plus vieux de ses souvenirs, jamais elle n’avait vu la propriété voisine se réveiller.
Elle était excitée : il y aura une avalanche d’animation juste sous son arbre. C’était vrai, quoi ! Elle ne voyait jamais personne ! Ses parents s’étaient arrangés afin de choisir la maison la plus excentrée du village : à l’est, c’était la forêt qui commençait ; le salon, la salle à manger, la cuisine et les chambres étaient plein sud, c’est-à-dire face au jardin, sens contraire à la rue ; la buanderie, le cellier, la chambre de Constante (l’employée de maison), la salle d’attente et le cabinet de son père étaient situés fenêtres au nord, côté rue où Valentine n’avait pas l’occasion de jeter un coup d’œil et enfin au dernier point cardinal, il y avait l’espèce de ruine au jardin à vau-l’eau sur laquelle elle avait eu très peu envie de poser les yeux.
Elle les voyait en surplomb comme de gros insectes aux pattes ramassées sur leur terrasse dallée où sortaient des rangées de hautes herbes en croisillons.
Elle a compté sept personnes : deux vieux, les parents ; cinq jeunes, les enfants. Le père a dit à la mère d’une voix forte :
— Voilà, vous êtes chez vous, madame !
Et il a ri d’un air suffisant ; d’emblée, elle le détesta. Il alla regarder au bout de la terrasse ; son fils aîné le suivit ; là, il y avait toute une ribambelle d’escaliers en pierre moussue et deux pierrons de part et d’autre qui dégringolaient les marches. Il ne les descendit pas ; elles menaient au parc en folie ; les trois plus jeunes enfants, des garçons, s’évitaient dans une bruyante course courte ; ce qui faisait qu’elle n’entendit pas la conversation des hommes maintenant rejoints par la femme. D’après elle, c’était la fille la plus intéressante de la famille parce qu’elle était fille et vu les contours de son corps et le style de ses habits, elle pensait qu’elle se rangeait dans la même classe d’âge qu’elle ; la fille était en train d’observer quelque chose sur les pavés de la terrasse ; va savoir ! Un insecte bizarre ou une fleur des champs qu’elle ne connaissait pas ?
Elle avait ignoré complètement la maison voisine depuis qu’elle savait grimper sur son arbre ; ce qui remontait à pas mal d’années dans le temps ! Elle examinait tout simplement ailleurs ; ce lieu en fil de fer barbelé, vide de gens n’était pas beau à voir ; mais maintenant que des humains l’avaient scruté avec sollicitude et empressement, elle en était passionnée du coup et intriguée par leur parc hirsute.
Son regard avait suivi les escaliers recouverts de lichens verts que l’homme avait renoncé à descendre ; ils conduisaient en compagnie des lianes, des chardons, des herbes folles à une allée de buis maintenant vagabonde. La deuxième partie du parc débutait par un muret qui parcourait toute la largeur et était ouvert au milieu par deux marches ; à côté, elle distinguait une serre à moitié envahie par la végétation luxuriante ; changeant radicalement de flore, un pré blond plaisant, presque au fond, trouvait sa place tant bien que mal ; au milieu de celui-ci, elle croyait deviner un long bassin blanc qui courait en se mordant la queue au-dessus d’une micro-île verdoyante ; c’était mieux que rien, un bassin ! En tout cas, mieux que leur jardin aride de tout plan d’eau à propos duquel sa sœur (pour une fois !) et elle, avaient mené une coalition auprès de leurs parents en vue d’une piscine ; rien n’y avait fait ! Ils refusaient systématiquement la piscine ; Dieu sait qu’elle les avait mis à la question afin de savoir pourquoi elle avait cogné à leur volonté de fer pour rien ; ce n’était pas une affaire de place parce qu’on aurait pu y installer cinq piscines olympiques qu’on n’aurait pas été gêné outre mesure, tellement le terrain était grand ; ce n’était pas une affaire financière : son père était médecin autrement dit, il n’était pas miséreux ; non, c’était simplement qu’ils s’opposaient pour leur montrer qui étaient les chefs !
La terrasse des voisins était à présent vide : ils étaient venus uniquement pour marquer leur nouveau territoire afin de mettre leur odeur ; elle se précipita pour descendre du haut de son arbre au bénéfice de les guetter dans la rue où ils avaient dû mettre leur voiture. Elle courut dans le jardin, traversa le salon, galopa à l’intérieur du couloir vers le cabinet de consultation de son père. En semaine, il n’aimait pas qu’elle rodât par là afin qu’elle s’en mît plein la vue de ses patients qui attendaient, qui venaient, qui repartaient. Elle n’eut pas à patienter beaucoup ; elle se mit sur la pointe des pieds car la fenêtre de la buanderie était haute et elle les vit s’en aller vers leur destinée ; les trois garçons étaient toujours survoltés et couraient autour de leur break bleu ; la mère monta devant, les deux aînés derrière avec les cadets. Elle nota qu’ils prenaient la route du bois à gauche de sa maison au lieu de descendre par le centre du village et de tomber sur la ville à une demi-heure. Qu’allaient-ils faire par là ? La route du bois aboutissait à un chemin qui se distribuait en quatre sentiers étroits ; elle attendit un quart d’heure, contente que son village qu’elle connaissait de A à Z leur fasse une niche ; de guerre lasse, elle monta dans sa chambre pour écrire sa chronique ; elle se réjouissait, elle en aurait à raconter au moins ! Elle prit son septième cahier qui traînait au hasard de la chambre ; elle le laissait à portée de main de Constance et de sa mère qui venaient régulièrement, la première pour faire le ménage, la seconde pour regarder le décor de Valentine ; elle disait qu’elle savait ce qui était dans la tête de ses enfants rien qu’en voyant leur cadre.
Les six autres, elle les avait rangés dans le tiroir de son bureau. Chronique, c’était un terme qu’elle avait glané dans sa mémoire au cours d’histoire ; elle trouvait qu’il faisait recherché, savant ; elle s’en empara pour donner une appellation à son journal qu’elle continuait soir après soir de rédiger ; alors, elle se mit assise sur son lit, tira sa table de chevet devant elle, lut sa rédaction de la veille et compléta avec gourmandise son feuilleton quotidien.
Question bureau, c’était le point de non-retour de s’y attabler : elle avait superposé sept ou huit étages de bazar, grosses et petites bricoles de tous acabits ; elle en accumulait toujours plus ; ça tenait en équilibre sur la couche supérieure comme ça pouvait ; Constance retapait son lit le matin, passait l’aspirateur et n’avait pas le droit de toucher à son bureau, ordre de Valentine ; elle s’y gardait bien, d’ailleurs ! Elle le contournait même au large : qu’elle fasse tomber la mille-feuille par inadvertance : elle aurait gagné sa journée ! Si le fatras n’avait pas disparu demain, elle serait punie, avait promis laconiquement sa mère ; elle jugea qu’elle était un peu vieille pour être consignée donc elle n’allait rien faire pour voir ce qui risquait de se passer.
 
 
 
 
2
 
 
 
Elle reposa son stylo avec satisfaction ; c’était comme si elle avait dormi pendant plusieurs heures ; elle était vidée comme détendue. Elle sortit de sa chambre et alluma la télé dans le salon ; on offrait aux yeux de la masse, un jeu gai et idiot auquel elle accrochait volontiers. Au bout d’un moment, elle entendit ses parents rentrer du golf à la vibration de la voiture qu’elle ressentit au-dessous de ses pieds. Ils montaient du garage ; ce fut sa mère qui rejoignit le hall la première.
— Bonjour ma puce !
Elle posa sur la console, la pizza habituelle des dimanches, étant établis que Constance partait à l’aventure tous les week-ends, il y avait donc personne pour faire la cuisine ; elle s’introduisit par la porte ouverte du salon et vint l’embrasser. Valentine se coulait dans une bulle douillette qui durait les deux jours de fin de semaine, s’étiolant dès le dimanche soir et crevait le lundi matin quand elle se mettait en route, la mort dans l’âme, pour le collège ; l’enfer, qui prenait la forme de l’école, se prolongeait au mercredi à midi, reprenait le jeudi matin jusqu’au vendredi soir.
Elle aimait la paresse égoïste de sa famille le samedi et le dimanche ; ça signifiait la liberté pour elle.
Dès le début de la semaine, quand elle rentrait au bercail après avoir langui toute la journée au collège, elle se mettait immédiatement à expédier ses devoirs et leçons du même jour avant de goûter. Sa mère qui gardait un œil sur son travail, était tranquillisée de la voir agir ainsi. Après sa corvée, elle était allégée du poids de l’enclume qu’elle se dépêchait d’oublier jusqu’au lendemain aux cours.
Ce lundi dans la glace de la salle de bain, elle releva par hasard tous ses cheveux en une espèc

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