Viens ! On rentre à pied
245 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Viens ! On rentre à pied , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
245 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Thomas Chazal, tourneur au dépôt Sncf du Teil, en Ardèche, est arrêté en 1942 par la police vichyste, et livré aux autorités allemandes qui l’envoient dans une usine proche d’Auschwitz, en Pologne, pour y exercer son métier dans des conditions dantesques. Libéré par l’armée rouge, il se retrouve à Odessa, en Crimée. Mais, devant l’état lamentable de l’avion qu’on lui propose de prendre pour son rapatriement, il décide de rentrer en France à pied ! Près de trois mois d’un voyage de plus de 2000 km dans une Europe encore en cendres lui permettront de retrouver ce qui reste de sa famille ardéchoise. En permettant au lecteur de respirer plus librement grâce à des épisodes de calme et d’humanité, l’auteur parvient à ménager dans son récit - une histoire inspirée d’événements réels - des moments cocasses, dont on ne sait s’ils sont ou non le fruit de son imagination. Mais peu importe. Reste l’essentiel : un récit réaliste de la période sans doute la plus noire du xxe siècle. Un excellent roman. Aloïs BREITNER - Journaliste indépendant. On s’attache aux personnages. On vibre avec eux. On regrette de les quitter. Une suite ? Stéphanie BRUNET - Libraire

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2013
Nombre de lectures 5
EAN13 9782312011783
Langue Français

Extrait

Viens ! On rentre à pied
Gérard Cattant
Viens ! On rentre à pied
D’après une histoire vécue
















LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-01178-3
À L.-M, l’un des hommes
les plus estimables que j’ai connus

Gérard Cattant
Notice
Né en 1942 à Grenoble, Gérard Cattant, père de quatre enfants, enseigna pendant près de quarante années dans les écoles primaires de l’Isère et de la Drôme en tant qu’instituteur.
A la retraite depuis 1997, il continue à se consacrer à l’une de ses passions, la musique, en dirigeant deux chorales.
Lecteur passionné, il a décidé de passer le Rubicon, et d’écrire, en la romançant, l’odyssée d’un homme qu’il a bien connu et auquel il a voué une affection et une admiration sans bornes.
Premier Livre
L A JEUNESSE
Chapitre 1
V ERS 1930 - L E T EIL (A RDÈCHE )
Le mistral ! Comment concevoir la vallée du Rhône sans mistral ? Sans ce fleuve de vent, sans ce balayeur de ciel. Les gens du Teil, à l’instar des riverains du grand fleuve, prétendent qu’il s’installe chaque fois pour trois jours, ou six jours, parfois neuf jours ! Toujours par trois ! Et ne croyez pas, habitants du nord, que pour eux ce ciel d’un bleu profond, ce soleil resplendissant, soient le signe de beau temps. Quand le mistral souffle : « Quel mauvais temps, hé, facteur ! Il faut appuyer sur les pédales, hein ? »
Mauvais temps… Pour eux peut-être… Et pour tous ceux que leurs activités contraignent à se déplacer à pied, à vélo. Les plus nombreux, en somme, en cette année 1930. Et qui se pressent vers l’atelier, vers l’usine, vers l’école, courbés en deux s’ils se dirigent vers le nord, ou paresseusement poussés s’ils filent vers le midi.
Le mistral est capable non seulement de renverser les panneaux, d’arracher les tuiles romaines ou de joncher de branches les routes encore longées de platanes élégamment inclinés vers le sud, mais aussi de donner aux habitants une allure différente selon leur destination… Sans doute Eole cachait-il, parmi ses projets, celui de s’amuser un peu…
Thomas se faufile, petite silhouette sombre, entre les murets des jardins et les arbres qui bordent la nationale. Non qu’il craigne la circulation, presque inexistante, mais bien plutôt pour se protéger des nuages de poussière soulevés par ce p… de vent ! Et il baisse la tête, et il protège ses yeux avec un pan de sa pèlerine de drap bleu nuit pour avancer tant bien que mal face au fleuve invisible et puissant. C’est qu’à dix ans à peine, et de surcroît chargé comme un baudet de ce cartable de cuir bouilli bourré de livres, de cahiers… et de billes de terre, il faut en faire un effort pour se rendre à l’école ! Et il se presse, Thomas, non pour ne pas être en retard, mais pour pouvoir, ne serait-ce que quelques minutes, partager les jeux de ses copains déjà arrivés dans la cour de récréation. Surtout en ce moment : c’est la période des « gendarmes et voleurs » ! Et Thomas, déjà réfractaire à l’autorité, tient à rester dans le camp des voleurs ! Gendarme, lui, il ferait beau voir ça !
Mais le mistral, ce matin, va contrecarrer ses projets, et il arrivera tout juste à l’école pour voir la classe des grands s’aligner silencieusement devant la porte, sous le regard faussement sévère de M. Justin, le directeur, et la menace du sifflet à roulette « comme celui des flics… »
Thomas est un enfant sage, mais que l’injustice révolte. Vous me direz que tous les enfants sont dans ce cas… Bien sûr, mais certains finissent par la supporter. Pas lui. Pas ce fils d’ouvrier cimentier, déjà atteint par la silicose, aux poumons durcis par la chaux. C’est dans cette petite enfance, entre sa mère qui partait dès potron-minet faire des ménages chez les bourgeoises de la rue Kléber, et son père, tout aussi matinal, qui enfourchait son vélo pour se rendre à Lafarge, le hameau sur la route de Nîmes, où il prendrait son service dans l’immense carrière à ciel ouvert, c’est dans cette enfance qu’il apprit qu’il y a des travailleurs, et qu’il y a des gens pour qui on travaille. De là sans doute l’injustice originelle.
On l’aurait bien surpris, Thomas, si on lui avait dit tout ça ! Surtout à lui, pour qui l’école n’avait qu’un intérêt, en dehors de l’amitié, c’était le calcul ! Alors là, oui, le bonheur de raisonner, celui de trouver un résultat, si possible avant les copains ! Et la félicité qui le prenait lorsque le maître, de guerre lasse, lui demandait :
- Thomas, tu veux bien aller expliquer les divisions à virgule à Marcel, moi, j’y renonce !
Lors donc, le calcul, et tout ce qui tournait autour : les leçons de choses également, avec leurs expériences, lui étaient des moments de pur plaisir. Mais hélas, l’école primaire n’est pas constituée uniquement de ces matières bénies ! Il y a le français, avec sa cohorte de tourments : orthographe, grammaire, conjugaisons, vocabulaire (ça, encore…) et par-dessus tout, la dictée du samedi matin ! Ah ! Cette dictée ! Ce texte qui s’ingénie à fourrer sous votre porte-plume les pires pièges sadiquement placés là par un Père Justin qui perd ce jour-là tout le crédit accumulé pendant la semaine.
Bon. Lorsqu’il s’agit de raisonner un peu, les pluriels, les accords avec le verbe, ça va encore… Mais l’usage ! Pourquoi souris est au fond toujours au pluriel, et pas ami ? Et pourquoi « ressembler » se dit-il « r-eu-ssembler » et non « r-ai-ssembler » ? Pourtant il y a deux « s », m’enfin ! Et après, on dit que je fais des fautes ! Et surtout : pourquoi les mots ne s’écrivent-ils pas comme on les prononce ?
Thomas était tenté de penser que les dictées avaient été inventées à sa seule intention, dans le but non avoué de lui pourrir les heures passées à l’école le samedi. Et pourtant, il l’aimait, cette école de La Violette. Il aimait sa cour plantée de platanes et d’un très vieux marronnier qui se couvrait de tellement de grappes roses au printemps qu’on ne voyait que lui de loin… Il aimait l’odeur de craie et d’encre violette mêlée de sueur, l’été. Et puis il aimait M. Justin (sauf le samedi matin…) malgré ses emportements aussi passagers qu’impressionnants. Thomas d’ailleurs soupçonnait le maître de feindre parfois ces fameuses colères qui terrorisaient surtout les petits de la classe de sa femme. Comment expliquer sinon la promptitude qu’il mettait à calmer son courroux, puis à reprendre son propos d’une voix douce et tranquille… Il y avait de la magie là-dessous… de la magie, ou de la comédie ?
Thomas avait le sentiment plus ou moins diffus que le maître l’aimait bien. Bien sûr, il n’était pas le préféré… d’ailleurs, M. Justin n’en avait pas. Il faisait régner une atmosphère de justice dans l’école. Mais bon, quand même, lorsque le maître se penchait en souriant vers ce petit gars brun, au teint presque basané - on ne crapahute pas dans le maquis des collines dominant le Rhône sans en revenir avec un teint de petit moricaud, comme on disait alors - Thomas ne pouvait s’empêcher de lire dans ce regard clair, dans ces yeux souriants, la marque de l’affection.
M. Justin était du nord ! Non, pas de Lille ou même Paris, mais il était né à Lyon. Et pour les habitants de la vallée, dès qu’on dépasse Valence, on est dans le nord, avec son cortège de frimas, de nuages, de neige et de glaciers : la preuve, c’est que le coupant Mistral venait de là, d’abord ! M. Justin avait beau exhiber à ses élèves quelques photos de sa ville natale, et protester à propos de son climat, baste ! Il était et resterait du nord ! Et Lyon demeurerait pour les enfants du cours moyen une ville construite au bord de la banquise… ou presque !
Il y avait autre chose : M. Justin parlait « pointu ». Il privait notre belle langue de ses accents toniques, qui vous faisaient chanter la voix. Il vous transformait les « inn », les « ann », les « onn » en ternes syllabes courtes et sans cette résonnance qui vous habille les mots. Remarquez, on le comprenait bien, parce qu’il parlait lentement. L’ennui, c’est qu’il luttait contre notre accent « chantant », comme il disait. Il faut dire que, en ces temps recul

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents