Madame Cerise
122 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Madame Cerise , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
122 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

La maladie d'Alzheimer fait peur et l'on pense à tort que ceux qui en sont atteints, sont coupés définitivement de notre monde de bien-portants. La réalité est bien plus complexe. Les patients restent pleinement humains et ceux qui, comme l'auteur, ont eu la chance de les côtoyer pendant longtemps, doivent reconnaître qu'ils ont reçu de leur part bien plus qu'ils n'auraient pensé de prime abord.
Madame Cerise ne comprend pas dans quel endroit elle est tombée.
Ses colocataires sont des personnes âgées comme elle, mais ils se comportent de manière bizarre. Progressivement, elle apprend à les connaître et bientôt trouve ses marques dans ce secteur protégé. Si elle sent en elle ce mal mystérieux qui lui efface le cerveau et les souvenirs récents, cela ne l'empêche pas de jeter un regard critique sur les us et coutumes de ses voisins, sur le personnel soignant et sur la vie en général.
Elle nous donne ainsi une belle leçon d'humanité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 août 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332579898
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Chapitre 1 Un petit-déjeuner bien agité
Il y eut d’abord comme un choc violent sur son front. Elle ne sentit rien dans l’instant, puis après quelques secondes une douleur lancinante lui envahit tout le crâne. Elle crut qu’elle allait défaillir. Ensuite elle sentit sur son visage un jet brûlant, qui lui dégoulinait jusque dans son corsage blanc en lin. Et pour finir le choc d’un objet qui s’écrasait sur la table, pulvérisant sa propre tasse de café, à demi vide.
Quand elle regarda devant elle, un liquide brunâtre se répandait sur la table : du chocolat. Elle remarqua également les débris du bol qui venait de briser sa tasse. Vivement elle porta la main à son front, du sang, alors elle prit de l’air de toute la force de sa poitrine et poussa un grand cri :
– « Mon café, je veux mon café ! »
Du sang dégoulinait à présent de son arcade sourcière gauche, mais elle n’en avait cure :
– « Mon café, donnez-moi mon café ! »
– « Arrêtez-là, elle nous casse les pieds » dit madame ABRICOT assise à ses côtés et qui n’était pas d’humeur à supporter de si bon matin des cris, ayant une fois encore passé une mauvaise nuit.
– « Mon café, mon café ! »
– « Mais vous saignez madame MYRTILLE ! » remarqua l’aide-soignante qui s’approchait ; elle était accourue alertée par les cris ; elle se trouvait alors dans une chambre voisine et donnait à la cuillère, à madame BANANE, un mélange de chocolat et de blédine pour bébé ; dans sa précipitation, elle avait oublié de relever les barrières du lit de la patiente, mais cela, elle ne s’en rendra compte que plus tard.
Assez près de madame MYRTILLE, elle remarqua le désordre sur la table :
– « Mais qui a fait cela ? C’est vous qui avez renversé votre café, madame MYRTILLE ? »
– « Non ce n’est pas moi, quelque chose est tombé là-dedans ! Je veux mon café !! Madame je veux mon café !! »
– « Oui madame MYRTILLE, je vous referai une autre tasse de café dans un moment, il faut d’abord que je regarde votre plaie sur le front ! »
L’aide-soignante s’adressa alors à monsieur SUREAU, assis à l’autre bout de la longue table et qui la regardait d’un air moqueur :
– « C’est vous monsieur qui avez lancé votre bol sur la tête de madame MYRTILLE ? Dites-moi que ce n’est pas vrai ?
– « Ce n’est pas elle que je visais, c’était madame BISCUIT »
– « C’est incroyable ça ! Vous n’avez pas à vous en prendre à qui que ce soit ici, monsieur SUREAU, que je ne vous y reprenne plus, c’est compris ? »
Alors qu’elle était penchée sur la table à nettoyer les débris alimentaires mêlés de débris de porcelaine, un objet lui frappa le dos et retomba sur la table : une cuillère.
– « Vous voyez, madame, il vient encore de me lancer sa cuillère » dit madame BISCUIT.
– « Ce n’est pas moi » gémit monsieur SUREAU.
– « Vous mentez, vous êtes un gros menteur »
– « Et vous, vous êtes grosse salope »
L’aide-soignante sentit un mouvement d’air à ses côtés et avant qu’elle put réagir, elle vit madame BISCUIT, un couteau dans la main droite, se précipiter vers monsieur SUREAU, qui passible, ricanait. Elle se précipita elle aussi et parvint à arracher le couteau des mains de madame BISCUIT et réussit à la ramener à sa place, sous les hou hou de monsieur SUREAU, qui jubilait.
– « Assez maintenant ! Tous les deux vous allez vous tenir tranquille et laisser les autres résidents finir leur repas, monsieur SUREAU, s’il vous plaît, allez maintenant dans votre chambre ! »
– « Mais madame ! »
– « Pas de discussion, dans votre chambre ! Vite ! »
– « Mon café, mon café »
– « Oui, madame MYRTILLE, après votre pansement »
L’aide-soignante ramassa vivement les derniers bouts de porcelaine, lava et essuya longuement ses mains, puis appela l’infirmerie distante d’environ 500 mètres et se trouvant dans un autre secteur de l’établissement ; l’infirmière occupée dans les étages lui répondit par le portable :
– « Mettez lui un pansement provisoire afin de stopper le sang, je viendrai dès j’aurais fini un autre pansement »
L’aide-soignante se relava de nouveau les mains et fit comme lui avait indiqué l’infirmière ; elle pensait que les émotions fortes étaient terminées, bien au contraire. Elle se souvint alors qu’elle avait laissé en plan dans sa chambre, madame BANANE à qui elle donnait le mélange de blédine et de chocolat ; elle paniqua. En effet, elle ne se souvenait plus, si en partant de la chambre très vite, elle avait ou non remis la barrière qu’elle avait abaissée afin d’être confortablement assise pendant le service. Elle courut. Poussa grandement la porte entrebâillée :
il était temps, quelques secondes encore et c’était un autre drame qui se jouait. Madame BANANE avait lentement glissé vers la droite du lit, l’oreiller était déjà tombé par terre ; elle-même, penchée dans le vide, allait suivre le même chemin, si l’aide-soignante n’était pas revenue à ce moment-là. L’aide-soignante parvint à la rattraper in extremis et la remit correctement dans le lit. Le mélange était à présent froid, il n’en restait qu’un petit fond et madame BANANE s’était endormie. Mais l’aide-soignante elle, tremblait de tout son être, pendant qu’un filet de sueur froide lui coulait le long de la colonne vertébrale. Au bout d’une longue minute, l’aide-soignante, remise de cette frayeur, décida de la laisser se reposer, ramassa le bol et ressortit en se disant dans son for intérieur, qu’elle avait eu vraiment de la chance. Elle était à sa première semaine de travail dans cette unité protégée et ne voulait pas perdre ce premier poste qu’elle occupait depuis la sortie de l’école de formation en soins infirmiers.
Quand elle retourna dans la vaste pièce commune servant à la fois de salle à manger, de salon et de cuisine, le spectacle qui l’attendait était tout simplement ahurissant et inédit.
Du pas de la porte, elle vit madame BISCUIT et monsieur SUREAU, revenu de sa chambre, se lancer à tour de rôle un bout de pain ; heureusement qu’ils étaient maladroits l’un et l’autre ; mais à chaque ratée, le morceau de pain renversait sur la table un verre de lait, un bol de café ou de chocolat ; très vite, la table prenait un air de grande fresque alimentaire multicolore.
Monsieur ANANAS, qui avait toujours faim, se tenait accroupi sur sa chaise et le buste penché en avant, les mains en appuis sur le rebord de la table, lapait le mélange lait-thé-chocolat, avec la langue, tel un chien sur le bord d’une mare.
Madame BOULEAU elle, mettait ses mains dans ce mélange sucré et se le passait sur le visage, puis satisfaite de ce soin de jour particulier, entreprit d’en faire pareille avec sa voisine qui rigolait sans cesse.
Madame ABRICOT, sans doute dégoûtée par le spectacle devant ses yeux, ne voulut plus finir son fond de bol de lait et le renversait sur la tête de madame PIVOINE endormie comme à son habitude à cette heure du jour.
Elle distingua madame CERISE, debout sur une chaise, elle avait ouvert le placard contenant la réserve de biscuits pour le goûter et se servait ; elle avait déjà ouvert un paquet de madeleines, et essayait d’atteindre un pot de confiture ; pour cela elle se tenait dangereusement sur le bord de la chaise, manquant à tout instant de glisser et de tomber ; mais ce fut le pot de confiture qui lui échappa des mains et se brisa sur le sol.
– « Mon café, mon café ! » hurlait toujours madame MIRTYLLE.
– « Mais qu’on la fasse taire cette sorcière » se plaignit madame BOILEAU à ses côtés.
– « Mon café, je veux mon café ! »
– « Tenez, voilà votre café ! » lui répondit madame BOILEAU en lui assénant au visage une gifle bien frappée.
Madame MYRTILLE eut le souffle coupé quelques secondes puis reprit :
– « Elle m’a giflé, elle m’a giflé !! »
– « Vous en voulez encore une autre ? » continuait madame BOILEAU très énervée à présent.
L’aide-soignante se demanda par quel bout elle allait commencer afin de ramener un peu de calme dans la pièce.
– « Monsieur SUREAU, retournez dans votre chambre, tout de suite, et ne revenez plus avant que je vous le dise, allez ! Vous madame CERISE, descendez de cette chaise !! Madame MYRTILLE, je vous l’ai déjà dit, vous aurez un autre café, après le passage de l’infirmière, elle doit vous refaire un autre pansement !! »
– « Mon café, je veux mon café maintenant !! » hurla toujours madame MYRTILLE.
– « Ce n’est pas vrai ça, mais arrêtez-là, nom de DIEU ! »
– « Mon café, mon café !! » continuait madame MYRTILLE sur sa lancée.
– « Alors là, voilà… » Et madame BOILEAU de lui donner une autre gifle, et encore une seconde du revers de la main. L’aide-soignante observa sans pouvoir rien y faire, la scène de loin, car elle aidait madame CERISE à descendre de sa chaise. Puis au moment où elle revenait vers les résidents attablés, elle vit madame MYRTILLE se tourner vers sa voisine en hurlant :
– « Cette fois-ci, je vais la tuer, je vais la tuer » et avec ses larges mains, elle enserrait le cou de madame BOILEAU de toutes ses forces ; et elle en avait de la force cette madame MYRTILLE. Elle mettait dans ses mains toutes les souffrances qu’elle avait endurées de la part de madame BOILEAU. C’est vrai que depuis son arrivée dans le secteur protégé, madame BOILEAU s’était prise pour une sorte de chef, et n’avait épargné à madame MYRTILLE aucune vexation, aucune méchanceté. Cette méchanceté serait la dernière, c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase.
– « Plus fort, serrez plus fort ! » se mettait à hurler monsieur SUREAU, pour encourager madame MYRTILLE.
– « Encore, encore ! » renchérissait monsieur ANANAS, en battant des deux mains comme s’il assistait à un spectacle.
– « Oui, plus fort, tuez-la cette saleté ! » reprenait monsieur SUREAU en s’approchant des deux femmes.
Madame MYRTILLE n’arrivait cependant pas à assurer sa prise, car madame BOILEAU, luttait elle aussi pour desserrer l’étau qui tentait d’encercler son cou ; mais elle commençait à faiblir et haletait de plus en plus ; l’aide-soignante essayait elle aussi de desserrer les doigts de madame MYRTILLE, mais elle n’y arrivait pas.

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents